Face à un coaché qui refuse l’ouverture et se positionne en expert, rendant le coaching difficile, le coach peut se sentir démuni. Cette situation, caractérisée par des retards, des digressions ou des annulations, soulève des questions fondamentales sur la dynamique de la relation.
Questions d’introduction :
- Comment le coach peut-il redéfinir le cadre du coaching pour un individu qui semble résister activement au processus et à l’idée d’un apprentissage personnel ?
- Quelles stratégies le coach peut-il employer pour explorer la motivation sous-jacente du coaché à s’engager dans ce processus, tout en reconnaissant sa posture d’expert ?
- Dans quelle mesure le coach doit-il confronter ces comportements d’évitement et comment peut-il le faire de manière constructive pour ouvrir un espace de dialogue authentique ?
Dans cet article, vous trouverez l’exposé parallèle de deux séances :
- une séance de coaching avec le client
- puis la séance du coach avec son superviseur
Vous découvrirez ensuite les échos entre les deux séances, ainsi que les déductions que pourra en faire le coach pour préparer sa prochaine séance de coaching avec son client suite à cette supervision.
Une séance de coaching sous tension : le client « expert »
Le rendez-vous était fixé depuis deux semaines. Le coach avait envoyé une relance la veille pour confirmer, sans retour. Le client arrive avec dix minutes de retard, prétextant un appel important avec un partenaire international. Dès les premières minutes, il s’installe dans une posture de maître du jeu : il parle longuement, détaille son parcours, ses réussites, les obstacles qu’il a déjà surmonté seul.
Le coach tente une reformulation pour ramener le client à lui : « Quel serait l’enjeu pour vous aujourd’hui dans cette séance ? » La réponse fuse, vague : « Je suis surtout venu pour que vous compreniez bien le contexte. Il est très spécifique. »
Pendant une heure, le coach tente d’ouvrir des fenêtres de questionnement. Mais chaque tentative est récupérée par le client qui digresse, rationalise, justifie. Aucun objectif de séance n’est formulé. Lorsque le coach ose pointer ce flou, le client réplique : « Je suis déjà très au clair sur mes objectifs professionnels. Ce n’est pas là que ça se joue. »
Entre deux digressions, il s’engage vaguement à une action concrète, mais sans véritable conviction. Aucune trace de cette action n’est abordée dans la séance suivante, qui sera annulée deux fois avant de se tenir finalement, dans une tension similaire.
En miroir : une séance de supervision à double fond
Le coach entame sa séance de supervision en parlant… du client. Longuement. Il contextualise, cherche l’avis du superviseur sur les stratégies à adopter, mais ne formule pas clairement une demande. Il parle aussi de sa semaine, de sa fatigue, de sa charge de travail. La supervision prend des airs de débrief.
Le superviseur, après l’avoir écouté un temps, lui pose la question : « Qu’est-ce qui vous pousse à travailler cette séance aujourd’hui ? »
Le coach hésite, puis évoque son sentiment d’inefficacité. Il dit qu’il a du mal à faire bouger son client.
Le superviseur creuse : « Qu’est-ce que cela dit de votre posture dans cette relation ? » Silence. Le coach se défile, parle des outils qu’il a essayés.
Petit à petit, le superviseur met en lumière la dynamique à l’œuvre : le coach est aspiré dans la même posture que celle de son client. Il évite de se laisser toucher, de formuler une demande personnelle. Il cherche à être compétent, pas à être accompagné. Et c’est exactement ce que fait son client.
En modélisant une posture d’accueil, de reformulation, en pointant les non-dits, le superviseur invite le coach à prendre conscience de ce miroir. « Et si ce que vous vivez avec moi était une réplique fidèle de ce que vit votre client avec vous ? »
Le coach prend conscience que lui aussi, par peur d’entrer dans la vulnérabilité, se met en position d’expert, tentant de maîtriser la relation, de rester à distance.
grâce à la supervision !
Analyse systémique : les résonances utiles à décrypter
Ce cas illustre un phénomène fréquent en coaching : les résonances systémiques. Ce que le coach vit avec son client est souvent un reflet, un écho de ce qu’il vit dans sa propre posture professionnelle. Et inversement.
Dans notre exemple, le coach et le client jouent une danse bien rôdée : celle du refus d’entrer dans un espace de transformation. Le client parle au lieu de ressentir. Le coach conseille au lieu d’accompagner. Tous deux évitent la rencontre.
La supervision systémique permet de mettre ces échos en lumière. Elle ne se contente pas d’analyser une situation : elle invite le coach à s’impliquer, à se regarder dans le miroir relationnel, à décider comment il veut être avec son client. C’est un espace d’ajustement fin.
Ce processus est puissant : selon une étude de l’ICF (2022), les coachs qui sont supervisés régulièrement rapportent une amélioration de 45% de leur impact perçu par leurs clients, notamment grâce à une plus grande clarté sur les enjeux relationnels.
Le superviseur, dans cette histoire, a su faire ce que le coach n’avait pas réussi à faire avec son propre client : poser un cadre, tolérer le flou, accueillir la résistance sans la brusquer, et relancer la demande de manière bienveillante mais incisive.
Et si vous tentiez l’expérience ?
La supervision systémique offre au coach un espace rare : celui où il peut non seulement parler de ses clients, mais surtout de la manière dont lui est en relation. Elle modélise des postures qu’il pourra ensuite déployer avec ses clients.
Vous sentez-vous parfois en échec ou en flottement dans vos accompagnements ? Avez-vous l’impression de répéter des schémas ? De ne pas réussir à mobiliser votre client ? Il est fort probable que vous soyez pris dans une résonance qui mérite d’être mise en lumière.
La supervision systémique, c’est l’art d’écouter ces résonances, de les comprendre, et de s’en servir comme tremplin pour ajuster sa posture. Elle ne propose pas de recettes, mais elle affine l’œil du coach, l’ancre dans une pratique plus consciente, plus féconde.
Contactez-moi dès aujourd’hui pour découvrir comment la supervision systémique peut transformer votre pratique et enrichir votre accompagnement de vos clients.
Si vous ressentez le besoin d’un espace pour déposer, clarifier ou approfondir ce qui se joue dans vos séances de coaching, la supervision systémique est certainement un atout précieux pour vous.
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Clés de coaching
Face à un coaché qui présente une telle résistance, le coach doit adopter une approche stratégique et empathique, en se rappelant que la résistance est souvent une forme de protection ou le reflet d’une peur sous-jacente. Voici ce que le coach peut faire :
1. Revoir et clarifier le cadre du coaching (Re-contracting) :
- Discuter de l’objectif initial : Revenir sur les raisons pour lesquelles le coaching a été initié. Qui a suggéré le coaching ? Quelle était la demande initiale (si elle a été formulée) ? S’assurer que le coaché comprend la nature et les limites du coaching (ce n’est pas de la thérapie, du conseil ou de la formation).
- Fixer des attentes réalistes : Expliquer ce que le coaching implique : un engagement mutuel, une ouverture d’esprit, la volonté de se remettre en question et de passer à l’action. Souligner que le rôle du coach n’est pas de donner des solutions, mais de faciliter la réflexion et la découverte de soi.
- Négocier un nouvel accord : Si le coaché semble s’être engagé sous contrainte (par exemple, suite à une recommandation de son employeur), il est crucial de redéfinir les termes. Le coach peut demander : « Compte tenu de nos échanges jusqu’à présent, qu’est-ce qui ferait de ce coaching un succès pour vous ? Qu’êtes-vous prêt(e) à investir dans ce processus ? » Si le coaché ne parvient toujours pas à formuler un objectif, le coach peut proposer de travailler sur « l’exploration de ce qui bloque » ou « la compréhension des résistances au changement« .
- Aborder les comportements d’évitement directement (mais avec tact) : « Je remarque que nous avons eu plusieurs annulations/retards. Que se passe-t-il pour vous lorsque cela arrive ? Comment cela impacte-t-il notre capacité à avancer ? » Ou : « Je constate que nous passons beaucoup de temps sur le contexte, sans qu’une demande claire n’émerge. À votre avis, qu’est-ce qui nous empêche de formuler un objectif de séance ? »
2. Explorer la résistance avec curiosité et empathie :
- Ne pas prendre la résistance personnellement : La résistance est rarement dirigée contre le coach en tant que personne. Elle est souvent liée à l’anxiété du changement, à des peurs (peur de l’échec, peur de la vulnérisation, peur de perdre le contrôle), ou à des croyances limitantes.
- Poser des questions ouvertes et non-jugeantes :
- « Lorsque vous dites que vous n’avez rien à apprendre, quelle est votre expérience du coaching ou des processus de développement personnel ? »
- « Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans l’idée de vous ‘ouvrir’ ou de ‘travailler sur vous-même’ ? »
- « Si vous deviez imaginer le pire scénario en vous engageant pleinement, qu’est-ce que ce serait ? »
- « Comment percevez-vous le fait de demander de l’aide ou d’être accompagné(e) ? »
- « Quel est l’enjeu pour vous de maintenir cette position d’expert ? »
- Valider ses émotions et sa perspective : « Je comprends que cela puisse être frustrant/difficile/inconfortable de se retrouver dans cette situation. » « Je reconnais votre expertise dans votre domaine. En quoi cela pourrait-il être un atout ou un obstacle dans ce processus de coaching ? »
- Identifier les bénéfices secondaires de la résistance : Parfois, la résistance protège le coaché de quelque chose de plus grand. « Que gagnez-vous à maintenir les choses telles qu’elles sont, même si cela vous semble insatisfaisant ? »
3. Adapter l’approche du coaching :
- Commencer par là où le coaché est : Si le coaché refuse de formuler un objectif personnel, le coach peut commencer par des sujets moins menaçants, liés à son expertise ou à des aspects concrets de son travail, même si ce n’est pas de prime abord un objectif de coaching classique. L’idée est de créer un lien de confiance et de montrer la valeur du processus.
- Utiliser le questionnement indirect : Au lieu de demander directement un objectif, le coach peut explorer les défis actuels, les aspirations (même vagues), les frustrations, les réussites. « Quelle est la situation la plus complexe à laquelle vous êtes confronté(e) en ce moment ? » « Si vous pouviez changer une chose dans votre quotidien professionnel, quelle serait-elle ? »
- Proposer des outils ou exercices exploratoires : Si le coaché est réticent à l’introspection, des exercices plus structurés (roue de la vie, inventaire de forces, scénarios futurs) peuvent aider à « objectiver » la réflexion et à réduire la sensation de « travailler sur soi ».
- Se concentrer sur de petits pas et des actions concrètes : Plutôt que de viser un grand objectif, le coach peut se concentrer sur des actions minimes à mettre en œuvre entre les séances, même si elles sont liées à la gestion des évitations (ex: « Quel petit pas pourriez-vous faire pour arriver à l’heure à notre prochaine séance ? »).
- Souligner les progrès, même minimes : Reconnaître et valoriser chaque signe d’ouverture ou d’engagement, même s’il est petit. « Je remarque que vous avez formulé une question plus spécifique aujourd’hui, c’est un bon signe d’engagement. »
4. Gérer ses propres émotions de coach :
- Prendre du recul : La frustration, l’impuissance ou l’agacement sont des émotions normales face à un tel comportement. Il est important de les reconnaître sans les laisser influencer la posture du coach.
- Supervision ou intervision : Partager la situation avec un superviseur ou un groupe d’intervision peut apporter des perspectives extérieures, des stratégies nouvelles et un soutien émotionnel.
- Évaluer la poursuite du coaching : Si malgré toutes les tentatives, le coaché reste dans une résistance infranchissable, il peut être nécessaire de questionner la pertinence de poursuivre le coaching. Le coach peut alors proposer une pause ou une réorientation vers d’autres formes d’accompagnement (formation, mentorat, ou même la fin de la relation si le coaché ne tire aucun bénéfice et que le processus est bloqué). Cette décision doit être prise en toute transparence avec le coaché.
En résumé, le coach doit faire preuve de patience, de créativité et de persévérance, tout en étant clair sur les limites et les attentes du coaching. L’objectif est de trouver la clé qui permettra au coaché de s’ouvrir, ou, à défaut, de reconnaître que le coaching n’est peut-être pas l’outil adapté à ce moment précis pour cette personne.







