Dans de précédents articles, j’avais proposé qu’un coaching niveau 2 était un coaching qui provoquait un changement de type 2 (voir l’article : résister au changement), c’est-à-dire un changement du cadre de référence qui sous-tend le système du client.
Sans être en désaccord avec ce point de vue, je peux maintenant le préciser, en parlant de 4 niveaux de coaching, selon le niveau de profondeur où se situe l’insight, et non plus seulement de 2 en fonction de l’aspect linéaire ou circulaire comme dans l’approche de Palo Alto.
Nous avons déjà développé dans de précédents articles ce que sont les 4 niveaux d’écoute (voir notre article : exercice d’écoute de coach) et comment y correspondent 4 niveaux d’insight).
Toutefois, pour la bonne compréhension des lecteurs, qui n’auraient pas encore lu ces articles, précisions simplement les 4 niveaux d’écoute :
A l’extérieur du cercle : les comportements
- En dessous : les émotions
- Encore plus profondément : les croyances
- Et tout au centre : ce qui se joue dans l’instant présent pour le client et qui se transfère dans la relation au coach
A ces 4 niveaux logiques correspondent 4 niveaux d’écoute :
- écoute du contenu du discours, les faits, les situations, les évènements et les comportements
- écoute des émotions sous-jacentes
- écoute du cadre de référence du client
- écoute des échos systémiques
A Retenir
- Le coaching niveau 2 vise un changement du cadre de référence du client.
- Existence de 4 niveaux de coaching selon la profondeur de l’insight.
- Les 4 niveaux d’écoute vont des comportements aux échos systémiques.
- L’insight émerge spontanément lors de conditions propices de présence et relation.
- Les niveaux de coaching sont des outils symboliques pour partager des clés de lecture.
- Ces notions ne sont pas essentielles pour exceller en coaching, mais utiles pour le décodage.
Les niveaux de coaching sont l’affaire du client
L’opportunité d’un insight procède de la capacité du coach à offrir le juste miroir à son client, mais aussi de la capacité du client à « voir » ce qui se présente au miroir.
On peut ainsi imaginer qu’une question du coach portant sur le 4ème niveau de profondeur (ce qui se joue dans la relation ici et maintenant entre le client et le coach, en reflet de ce que vit le client dans la situation sur laquelle il travaille pendant cette séance) ne fasse pas mouche et que le client se contente pour cette fois d’un insight provoqué précédemment par un feed-back de niveau 2 (une reconnexion avec une émotion par exemple), ou un recadrage de niveau 3 (la remise en question d’une croyance limitante par exemple)…
Peut-être que la question du coach qui n’a pas fonctionné, était mal formulée ou proposée trop tôt, ou bien tout simplement tombe-t-elle à côté de la plaque… Il se peut que le client n’était pas prêt à accueillir une stimulation de cette sorte à ce niveau là, à ce moment-là, de cette manière là.
Du coup l’insight n’a pas lieu. C’est presque sans importance, car toute la séance ne se joue pas sur cette seule et unique question, de même que tout le coaching ne se joue pas dans cette seule et unique séance… Et peut-être enfin que le coaching est parfaitement « réussi » pour le client, sans cet insight de niveau 4.
Mon expérience personnelle
Personnellement, je ne cherche pas spécialement à provoquer un insight, et encore moins à viser un niveau de profondeur particulier. Je me contente d’être présent, de suivre et de nourrir la conversation de coaching, d’y prendre plaisir si possible (et en tous cas de m’installer dans la relation depuis un point d’appui profond en moi-même). Et c’est tout.
En fait, c’est pendant qu’il se produit tout seul que je sens un insight se profiler et parfois se déclencher.
Et j’en ai également la confirmation, quand le client me le dit, lequel a souvent besoin de « déballer le paquet » de sa prise de conscience, pour bien profiter de ce qu’il y a dedans. C’est normal, il est là pour ça. Nous l’avons dit dans d’autres articles, l’insight n’a pas forcément lieu, il n’est pas obligatoirement fort ni profond, même s’il est le ressort même du coaching. Il n’y a donc pas de fantasme à nourrir à son endroit.
Il survient de lui-même quand les conditions de « présence » et de relation sont réunies, bien au-delà de ce qui est partagé dans la conversation.
A quoi sert cette notion de niveaux de coaching ?
au sens propre cette notion ne sert…à rien !
On pourrait se demander pourquoi parler de niveaux d’écoute, de niveaux d’insight, et maintenant de niveaux de coaching…
Ce n’est qu’un cadre symbolique pour partager des clés de lecture dans l’après coup. C’est un outil de langage, pour parler entre professionnels, pour mettre des mots en formation ou en supervision sur des mécanismes qui surviennent dans le coaching.
Vous imaginez bien que lorsque nous pratiquons le coaching, nous ne sommes pas là en train de nous demander à chaque instant quels niveaux de coaching se jouent en ce moment dans la relation… (si c’était le cas, nous ne serions plus engagé pleinement dans l’ici et maintenant, mais entrain de gamberger.
Cette activité mentale parasite serait une dispersion et un obstacle à l’effet coaching que recherche le client.) Vous pouvez très bien exceller en coaching sans connaître ou comprendre ces niveaux.
Mais ces notions sont utiles pour décoder entre nous ce qui se joue dans le coaching, afin de mieux partager notre expérience, et nos best practices.
La notion de niveaux logiques fait référence à une modélisation célèbre dans le petit monde de la PNL, que beaucoup de coachs utilisent :
Les six niveaux logiques de Robert Dilts
Les niveaux logiques de Robert Dilts constituent un modèle puissant en coaching pour explorer les différentes dimensions d’un problème ou d’un objectif. Ce modèle hiérarchique permet d’identifier à quel niveau intervenir pour créer un changement durable. Il y a 6 niveaux :
Environnement – Le contexte externe
- Où et quand se déroule la situation ?
- Quelles sont les contraintes extérieures ?
- Questions clés : « Où ? » « Quand ? » « Avec qui ? »
Comportements – Les actions concrètes
- Que fait spécifiquement la personne ?
- Quels sont les comportements observables ?
- Questions clés : « Que fais-tu ? » « Comment procèdes-tu ? »
Capacités – Les compétences et ressources
- Quelles compétences sont mobilisées ?
- Quelles stratégies sont utilisées ?
- Questions clés : « Comment sais-tu faire cela ? » « Quelles sont tes ressources ? »
Croyances et valeurs – Les convictions profondes
- Qu’est-ce qui est important pour la personne ?
- Quelles sont ses croyances limitantes ou aidantes ?
- Questions clés : « Pourquoi est-ce important ? » « En quoi crois-tu ? »
Identité – Le sens de soi
- Comment la personne se définit-elle ?
- Quel est son rôle, sa mission ?
- Questions clés : « Qui es-tu ? » « Quel est ton rôle ? »
Mission/Spirituel – Le sens transcendant
- Pour quoi/qui agit la personne ?
- Quel est le sens profond de son action ?
- Questions clés : « Pour qui/quoi fais-tu cela ? » « Quelle est ta mission ? »
Application pratique en coaching
Diagnostic initial : Explorer chaque niveau pour identifier où se situe le blocage ou l’opportunité de développement.
Stratégie d’intervention : Un changement à un niveau supérieur influence naturellement les niveaux inférieurs. Par exemple, travailler sur l’identité peut transformer spontanément les comportements.
Alignement : Vérifier la cohérence entre tous les niveaux. Un objectif aligné avec l’identité et les valeurs aura plus de chances d’aboutir.
Ressources : Identifier les ressources disponibles à chaque niveau pour soutenir le changement souhaité.
Ce modèle offre une cartographie complète pour accompagner la personne dans sa réflexion et son évolution, en s’assurant que les solutions trouvées s’intègrent harmonieusement dans l’ensemble de son système personnel.
Séance de Coaching avec les niveaux logiques
Sarah et sa Prise de Parole en Public
Contexte : Sarah, 35 ans, manager dans une entreprise technologique, souhaite améliorer sa capacité à prendre la parole lors des comités de direction.
Phase d’Exploration : Cartographie des Niveaux
1. ENVIRONNEMENT
Coach : « Sarah, parle-moi du contexte dans lequel tu dois prendre la parole. »
Sarah : « C’est en comité de direction, tous les mardis à 9h. Nous sommes 8 autour d’une grande table ovale. Le PDG préside, il y a mes collègues directeurs… L’ambiance est assez formelle. »
Coach : « Qu’observes-tu dans cet environnement ? »
Sarah : « Les autres parlent facilement, ils semblent à l’aise. Moi, je me sens petite dans cette salle immense avec cette vue sur la ville… »
2. COMPORTEMENTS
Coach : « Que fais-tu concrètement dans ces réunions ? »
Sarah : « Je prends des notes, j’écoute beaucoup. Quand on me pose une question, je réponds brièvement. Je ne propose jamais d’idées spontanément. Je regarde souvent mes notes plutôt que les visages. »
Coach : « Et physiquement, comment te positionnes-tu ? »
Sarah : « Je me tiens droite mais tendue. Mes mains sont crispées sur mon stylo. Ma voix devient plus aiguë quand je parle. »
3. CAPACITÉS
Coach : « Quelles compétences mobilises-tu dans ces moments ? »
Sarah : « J’ai une excellente connaissance technique de mes dossiers. Je sais analyser les données, synthétiser l’information. En fait, en tête-à-tête ou en petit groupe, je communique très bien. »
Coach : « Quelles stratégies utilises-tu actuellement ? »
Sarah : « Je sur-prépare mes interventions. J’écris tout à l’avance. Mais paradoxalement, ça me rassure et me limite à la fois. »
4. CROYANCES ET VALEURS
Coach : « Qu’est-ce qui est important pour toi dans cette prise de parole ? »
Sarah : « La précision, ne pas dire de bêtises, être utile à l’équipe. Mais j’ai cette croyance que si je me trompe, je vais perdre toute crédibilité. »
Coach : « Que te dis-tu avant ces réunions ? »
Sarah : « Je me dis : ‘Ils sont plus expérimentés que moi’, ‘Je ne dois pas les déranger avec mes idées’, ‘Il faut que je sois parfaite sinon…’ En fait, je réalise que je pense que mon avis compte moins que le leur. »
5. IDENTITÉ
Coach : « Comment te définis-tu dans ce contexte professionnel ? »
Sarah : « Je me vois comme… la petite nouvelle, même si ça fait 3 ans que j’occupe ce poste. Comme quelqu’un qui doit faire ses preuves. Je ne me sens pas légitime d’être à cette table. »
Coach : « Et qui es-tu vraiment dans ton travail ? »
Sarah : [Long silence] « En fait, je suis une experte reconnue dans mon domaine. Mes équipes me font confiance. Je prends des décisions importantes chaque jour… »
6. MISSION/SPIRITUEL
Coach : « Pour qui fais-tu ce travail ? Quelle est ta mission plus large ? »
Sarah : « Je veux contribuer à la croissance de l’entreprise, mais surtout aider mon équipe à s’épanouir. Je crois vraiment qu’on peut faire du business tout en respectant les gens. Ma vision peut apporter quelque chose d’unique à ces discussions stratégiques. »
Phase de Transformation : Travail par Niveaux
TRAVAIL SUR L’IDENTITÉ (Niveau 5)
Coach : « Sarah, si tu t’autorises à être cette experte légitime que tu es, comment cela changerait-il ta présence en réunion ? »
Sarah : « Je… je me tiendrais différemment. J’aurais ma place à cette table. Mon avis compterait autant que celui des autres. »
Exercice : Création d’une nouvelle identité professionnelle
- « Je suis Sarah, directrice experte et légitime »
- « Mon expérience et ma vision ont de la valeur »
- « Je contribue de manière unique aux décisions stratégiques »
ALIGNEMENT AVEC LA MISSION (Niveau 6)
Coach : « Comment cette nouvelle identité sert-elle ta mission ? »
Sarah : « Si je n’exprime pas mes idées, je prive l’entreprise de ma perspective unique sur l’humain. Je ne sers ni mon équipe, ni la mission de l’entreprise. »
NOUVELLES CROYANCES (Niveau 4)
Travail sur les croyances limitantes :
- Ancienne : « Je dois être parfaite » → Nouvelle : « Mes contributions imparfaites valent mieux que mon silence parfait »
- Ancienne : « Je dérange » → Nouvelle : « J’enrichis les discussions »
- Ancienne : « Je dois faire mes preuves » → Nouvelle : « Mes résultats parlent pour moi »
DÉVELOPPEMENT DE CAPACITÉS (Niveau 3)
Plan d’action concret :
- Techniques de respiration avant la réunion
- Préparation de 2-3 questions pertinentes à poser
- Exercices de visualisation positive
- Pratique de la prise de parole spontanée
NOUVEAUX COMPORTEMENTS (Niveau 2)
Objectifs comportementaux :
- Prendre la parole au moins 2 fois par réunion
- Maintenir le contact visuel
- Proposer une idée nouvelle chaque semaine
- Adopter une posture ouverte
OPTIMISATION DE L’ENVIRONNEMENT (Niveau 1)
Stratégies environnementales :
- Arriver 10 minutes avant pour s’installer sereinement
- Choisir une place qui favorise les échanges visuels
- Préparer un objet « ancrage » (stylo spécial) pour se rassurer
Phase d’Intégration et Suivi
Plan d’Action sur 4 Semaines
Semaine 1 : Focus identité et croyances
- Répéter les nouvelles croyances chaque matin
- Visualisation de sa légitimité
Semaine 2 : Développement des capacités
- Exercices de respiration
- Préparation de questions
Semaine 3 : Mise en pratique comportementale
- Objectif : 1 prise de parole spontanée
- Observer sa posture
Semaine 4 : Intégration complète
- Évaluation des progrès
- Ajustements nécessaires
Questions de Suivi
- « Comment cette nouvelle identité influence-t-elle tes autres interactions professionnelles ? »
- « Quels impacts constates-tu sur ton équipe ? »
- « Comment peux-tu maintenir cet alignement dans la durée ? »
Résultats Observés (après 2 mois)
Sarah a progressivement transformé sa présence en réunion. Le travail sur l’identité et la mission a créé un effet de cascade naturel sur tous les autres niveaux. Elle rapporte se sentir « enfin à sa place » et ses contributions sont maintenant reconnues et valorisées par ses pairs.
Clé du succès : L’intervention sur les niveaux supérieurs (identité, mission) a généré des changements spontanés et durables sur les niveaux inférieurs, créant un alignement cohérent et authentique.
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Vous êtes coach et souhaitez affiner votre pratique, dépasser vos blocages et intégrer les outils les plus performants dans votre accompagnement ? La supervision systémique est le levier essentiel pour développer votre maîtrise et votre impact.
Grâce à cette approche approfondie, vous allez :
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FAQ sur les niveaux de coaching et d’insight
Réponses aux questions clés sur les 4 niveaux de coaching, d'écoute et d'insight dans la pratique du coaching
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Qu’entend-on par 4 niveaux de coaching ?
Les 4 niveaux de coaching se réfèrent à une approche symbolique qui distingue différents niveaux de profondeur dans l’expérience du client. Ils vont de l’extérieur du cercle (les comportements) aux émotions, en passant par les croyances, pour atteindre le centre qui concerne ce qui se joue dans l’instant présent dans la relation coach-client.
-
Comment se déclinent les 4 niveaux d’écoute dans le coaching ?
Chaque niveau de coaching correspond à un niveau d’écoute :
– L’écoute du contenu du discours (faits, situations, comportements)
– L’écoute des émotions sous-jacentes
– L’écoute du cadre de référence du client
– L’écoute des échos systémiques, qui interprètent ce qui se passe ici et maintenant dans la relation. -
L’insight dépend-il uniquement de l’intervention du coach ?
Non, l’insight résulte d’une dynamique entre la capacité du coach à offrir un bon miroir et celle du client à percevoir et accueillir ce reflet. Même si le coach peut poser les bonnes questions, le client doit être prêt à ‘voir’ et intégrer ce qui se présente pour que l’insight se manifeste.
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Pourquoi parler de niveaux dans le coaching ?
Utiliser des niveaux est avant tout un cadre symbolique et un outil de langage qui permet aux professionnels du coaching d’échanger sur les mécanismes qui se mettent en œuvre lors d’une séance. Ce cadre facilite la supervision, la formation et le partage des best practices sans obliger à une lecture linéaire stricte du processus.
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Le coach doit-il provoquer activement un insight chez le client ?
D’après l’expérience partagée, le coach n’a pas pour objectif initial de provoquer un insight de manière délibérée. Il s’agit plutôt d’être pleinement présent et de nourrir la conversation de coaching. L’insight se produit souvent spontanément lorsque les conditions de présence et de relation sont réunies, permettant au client de libérer sa prise de conscience à son propre rythme.