Le coaching d’une équipe technique est assez difficile pour deux raisons :
- les membres d’une équipe très technique n’ont souvent pas une grande conscience des enjeux dynamiques, et ils raisonnent en n’intégrant que partiellement le facteur humain (et sans laisser tellement d’espace pour les interventions d’un coach étranger à leur monde technique). Leur cadre de référence est très différent du vôtre, il vaut mieux ne pas l’ignorer.
- ils sont tout le temps à fond dans la « chose » technique… et potentiellement : vous n’y comprenez rien ! Pas évident d’exister et de créer de la valeur au sein de débats qui vous dépassent complètement. Du coup, cela demande beaucoup d’attention et de concentration pour marquer des points décisifs. C’est à la fois difficile et fatigant…
Alors, comment fait-on pour créer de la valeur tout de même, et parvenir à tendre le miroir à l’équipe quand on comprend très peu de choses à ce qu’elle dit ? C’est ce que nous allons voir à travers quelques exemples d’une matinée de coaching d’une équipe technique, en l’occurrence, un Codir d’usine dans l’industrie pharmaceutique de pointe, qui doit simplifier ses processus industriels pour pouvoir assumer de nouvelles lignes de produit sans augmenter ses effectifs.
N’écouter que le processus…
On dit souvent qu’un coach écoute les processus plus que les contenus, qu’il coache la petite musique du client à partir de la mélodie plutôt qu’à partir des paroles de la chanson, qu’il n’a pas besoin de comprendre le problème de son client pour l’aider à en sortir, etc… (voir à ce sujet nos précédents articles : « Fonction miroir et position basse« , et « Orientation solutions« ) Et, évidemment c’est un peu exagéré, car un coach qui ne comprendrait RIEN-DU-TOUT… aurait tout de même plus de mal que s’il comprenait à peu près de quoi parle l’équipe !!!
Néanmoins dans le cas du coaching d’une équipe technique (une équipe DSI, un Comité de Direction d’usine, les associés d’un grand cabinet d’experts comptables, un Codir supply de grand groupe, etc…), le coach peut parfois ne presque rien comprendre à ce dont parlent ses clients. C’est une réalité, qu’il le veuille ou non : il n’a tout simplement pas le niveau de compétence technique pour suivre ses clients dans leur conversation. Mais ce n’est pas un gros handicap pour faire ce qu’il a à faire (à condition d’être bien clair là-dessus, autant avec le client que vis-à-vis de soi-même. Et je peux vous dire que cela fait un beau sujet de supervision pour plusieurs de mes clients coachs 🙂
Quand on y comprend rien…
Voici quelques mots pris à la volée pendant 1/2 heure de conversation il y a quelques jours, en séminaire :
- Batch report
- Analyse CQM/CQC
- Traitement des datas
- Spectre chromatogramme
- Flux de vérification
- RACI de processus
- Activités hors routine
- STD
- Lean management
- Batch analytique
- Analyse de stabilité
- Libération dans proconcept
- Check spot points
- courbe de lio
- Etc…
Bien que vous compreniez peut-être quelques mots, si vous n’êtes pas né de la dernière pluie et avez un peu d’expérience dans divers domaines (comme « Lean management » ou « RACI », ou encore « traitement des datas »), vous ne savez en fait même pas trop de quoi il s’agit dans la situation présente. Et il est de toutes façons très difficile ne serait-ce que de suivre la conversation, parce qu’elle est criblée de mots et de concepts de la sorte, dont vous ignorez la signification. Des fois ce sont des noms de produits, ou de progiciels maison, ou de documents internes, ou des expressions techniques liées à un aspect scientifique de leur métier (du moins c’est ce que vous supposez). Ce qui est sûr c’est que l’attention est est aussi difficile à soutenir que si vous deviez écouter attentivement une conversation d’une journée entière dont 1/3 des mots proviendraient d’une langue totalement étrangère… Et si vous étiez en présence d’une équipe supply, par exemple, dîtes-vous bien que ce serait encore pire. Il y a dans ces métiers, des sous-métiers dont vous ignorez totalement jusqu’à l’existence (la mise en marché, les appros, les datas, le copacking, le planning, l’ordonnancement, l’affrétement, pour n’en citer que quelques uns…). Et ces métiers sont bardés d’indicateurs spécifiques, auxquels il est fait sans cesse référence au travers de toutes sortes d’acronymes poétiques… Il y a de fortes chances pour que vous vous sentiez très vite complètement largué (cela m’arrive à chaque fois !)… à moins d’avoir eu une vie de logisticien avant de devenir coach ? Mais dans ce cas-là, vous n’avez peut-être pas été aussi DSI chez un gros éditeur de logiciel, et responsable de la qualité-hygiène-sécurité dans un groupe industriel, et contrôleur des risques dans une banque, et directeur d’unité d’investigation scientifique dans un laboratoire de recherche, etc… Or vous serez infailliblement amené à coacher des telles équipes de spécialistes, qui auront leur jargon, leur logique, leurs acronymes, et qui ne soupçonneront pas un instant que 30% des mots qu’ils utilisent entre eux vous sont parfaitement inconnus.
Le plus difficile…
Le plus difficile pour un coach qui accompagne une équipe qui passe toute une journée à mettre à plat des processus, c’est de :
- reter attentif, alors que ses interventions sont très peu nombreuses, et que l’ennui peut le gagner peu à peu au point de risque de le démobiliser… (un peu comme un musicien dans un orchestre qui jouerait de la symbole ou du triangle une seule fois dans la symphonie. : il a intérêt à ne pas se rater quand c’est son tour de jouer ! Mieux vaut ne pas baisser son niveau de vigilance, parce que le tout petit instant d’une intervention utile est parfois peu visible et évidemment pas planifié à l’avance)
- se sentir légitime, et rester en lien avec le groupe, alors même que celui-ci avance en toute autonomie et que la valeur ajoutée de l’accompagnateur est subtile et peu visible… Le coach doit travailler sur lui-meme, en supervision notamment, pour être à l’aise avec sa posture… Sinon, il fera des contorsions pour justifier de sa légitimité et de sa valeur ajoutée, au risque évidemment que ces agitation stériles le décrédibilisent au contraire…
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En savoir plusLe sens de la synthèse pour capter les grandes lignes
Dans l’exemple que je vais prendre pour illustrer ce qu’on peut faire comme coaching dans un cas comme ça, j’avais compris les grandes lignes du brief du CEO du site. Une usine dans l’industrie pharmaceutique de pointe doit simplifier ses processus industriels pour pouvoir assumer de nouvelles lignes de produit sans augmenter ses effectifs. Jusque là, vous arrivez à suivre, et moi aussi. Et voici quelle était mon impression sur le groupe qu’on se proposait de me confier : Le noyau de pilotage de la réorganisation de l’usine, constitué uniquement des principaux patrons de services techniques pourra sans nul doute trouver des gisements de productivité, mais en admettant qu’ils tombent facilement d’accord (ce qui n’est pas gagné d’avance), ils ne savent pas conduire le changement, et ne sont pas forcément tous conscients qu’ils n’ont pas encore cette compétence. Il faut donc les accompagner pour :
- qu’ils soient efficaces dans leurs échanges et bien alignés entre eux dans leurs recommandations au CEO
- qu’ils conçoivent un plan de communication et de management stratégique de la transformation de la culture et des mentalités, afin que les nouveaux comportements attendus par la nouvelle organisation aient une chance d’être adoptés par l’ensemble du personnel de l’usine
- qu’ils se tiennent solidaires les uns des autres pendant tout le déploiement du projet de transformation, et exemplaires eux-mêmes de la nouvelle mentalité à instiller auprès du personnel encadrant et ouvrier
C’est ce que je propose au CEO, en lui formulant l’option suivante, pour démarrer tout de suite par du concret : « Je viens coacher cette équipe en réunion pendant deux heures, avec l’objectif d’avancer tout de suite sur deux effets : y voir clair sur le projet et mobiliser l’équipe. Au bout de deux heures, je saurai vous faire une proposition plus intelligente qu’aujourd’hui. Et selon nos ressentis, vous choisirez de poursuivre avec moi ou de ne pas aller plus loin. Mais, vous pourrez le faire en connaissance de cause, sur la base d’un échantillon de coaching représentatif de ce que pourrait être la suite… » Un rendez-vous de travail avec l’équipe est donc pris pour dans une quinzaine de jours, car les échéances du projet sont ambitieuses.
Une proposition un peu en aveugle
Je propose donc de rencontrer l’équipe de pilotage pour une première séance de travail, à la fois pour :
- me présenter et faire connaissance avec les personnes,
- capter grossièrement les grandes lignes de leurs cadres de références respectifs
- repérer les éventuels jeux relationnels, les jeux de pouvoir, et d’influence entre eux
- prendre la mesure de leur maturité collective d’équipe
- apprécier leur degré de mobilisation sur le projet que leur patron leur a confié, et leur lucidité quant aux difficultés de trouver puis de déployer leurs idées d’optimisation
Après un bref tout de table de présentations, je propose à l’équipe de répondre aux questions suivantes :
- Comment définissons-nous notre mission et quel délivrable devons-nous produire d’ici la fin de l’année ?
- Quelles sont les conditions de réussite de ce projet ?
- De quel type d’accompagnement serions-nous susceptibles d’avoir besoin ?
Là je prends une posture de faciliter et de catalyseur, me mets au paper board, à noter les idées clés, à faire des schémas pour reformuler leurs inputs. Nous co-construisons ainsi assez vite une vision qui semble intéresser et satisfaire le groupe, tandis que la relation un peu fraîche au début semble se réchauffer. A l’issue d’un travail d’1h30, on peut ainsi reformuler les éléments suivants : » Dans le cadre de la fluidification de votre organisation, une équipe projet (Dir opérations, Dir qualité, Dir support , Dir services techniques) a pour mission de trouver des gisements de temps et de productivité, à dédier à de nouvelles activités gratifiantes pour le site (venant s’ajouter aux précédentes, sans allouer de nouvelles ressources).
Cette équipe aura besoin d’être épaulée pour anticiper et résoudre les résistances au changement, auxquelles ne manqueront pas d’être exposés les projets d’optimisation du fonctionnement. En plus du contenu du plan d’optimisation, elle doit construire pour la fin d’année un plan de mobilisation, pour embarquer une petite centaine de collaborateurs directement impliqués par les différents changements à venir (changements de process et de comportements, mais aussi changements de posture et d’attitude par rapport à la nouveauté et à la remise en question). » Et je propose le dispositif suivant, qui est accepté par l’équipe et le donneur d’ordres : Faire produire à l’équipe de pilotage, en trois jours de temps répartis sur un mois et demi, un double plan (plan d’optimisation et de réorganisation + plan de mobilisation et de management des équipes pour déployer les actions de changement)
- J1 – Une première journée de travail ensemble pour :
- Se projeter sur une situation idéale, sans tenir compte des contraintes actuelles : modéliser les processus idéaux, spécifier les rôles et responsabilités, et mesurer les ressources nécessaires dans un tel cas de figure
- Lancer 4 groupes de travail transverses, qui amorceront la pré-mobilisation
- J2&J3- Deux journées consécutives un mois plus tard pour :
- Agréger les descriptions de flux proposées par les 4 groupes de travail, afin de réaliser un état des lieux du fonctionnement actuel,
- Superposer l’existant au fonctionnement idéal envisagé en J1, afin de repérer des grands gisements de productivité (au moins 4).
- Elaborer pour chacun de ces gisements, des options alternatives, avec une estimation des gains visés (de temps notamment)
- Formaliser ces recommandations dans un plan technique, complété par un plan de mobilisation et de communication
Comme vous pouvez vous en rendre compte : la proposition n’a rien d’exceptionnel, elle reste généraliste et empreinte de bon sens premier. Je ne fais que reprendre à chaud des idées évoquées par le groupe en séance, en les mettant dans un certain ordre, qui paraît logique au groupe et à moi-même. Je vérifie que cela leur convient, tout en précisant que rien ne dit que cette structure pourra être déployée ainsi, car dès les premiers travaux des raccourcis et des rallonges ne manqueront pas d’apparaître… Cette dernière remarque fait sourire les plus anciens, qui voient très bien de quoi je parle, et cela semble nourrir un début de complicité entre nous.
La première journée d’un coaching d’une équipe technique
N’ayant pas encore d’alliance avec les personnes de l’équipe, et encore moins de compétence pour leur proposer un agenda pertinent, ne sachant même pas trop par quoi commencer, je décide de contacter le chef de projet pour lui demander comment il voit la journée, et quel agenda lui paraitrait le plus réaliste. Celui-ci me répond par mail, tardivement la veille du séminaire. Et sans plus de brief et de préparation, nous voici un beau matin dans une salle de réunion pour la première journée. A ce stade j’évite de leur faire perdre du temps avec des « papouilles » de coach, et des inclusions d’animateur de team building (voir : « warm-up » et « ice-breaker« ), préférant leur laisser tout de suite le terrain, pour qu’il se jettent dans le sujet qui les met sous pression positive.
Je commence néanmoins par faire valider au groupe que l’agenda proposé par le chef de projet leur paraît bien aligné avec l’objectif. On y passe 10 minutes (histoire de vérifier qu’il n’y a pas de ressentiment à ce qu’on parte sur sa proposition, qui pourrait très bien ne pas faire forcément l’unanimité). Cette logique étant acceptée, nous commençons… et les débats vont tout de suite bon train ! NB : un participant m’a quand même fait remarquer que pour cet agenda, je ne m’étais pas trop « cassé la boule », en me contentant de le faire faire au chef de projet… (il aurait peut-être préféré que je lui demande à lui 🙂
Je comprends son point de vue, mais n’y réponds que par un sourire. Que sait-il de ma « place » justement, et de ce que je suis venu créer comme valeur pour eux ? Plutôt que de le lui expliquer en me justifiant, je vais plutôt le lui montrer, en poursuivant ce coaching. Après tout faire bosser l’équipe, c’est pour cela qu’on me paye ! Alors j’y vais carrément.
Exemples d’intervention dans un coaching d’une équipe technique
Comme vous probablement si vous aviez été à ma place, je ne comprends évidemment pas grand chose à leurs propos, et me demande comment créer de la valeur pour ces personnes, qui ont l’air de bien avancer toutes seules sur leur sujet, qu’elles semblent bien maîtriser, tout en semblant également assez bien s’entendre entre elles…
- Pendant qu’ils évoquent les processus industriels, je me mets évidemment à l’écoute des processus humains : j’écoute la confiance entre eux, la complicité et aussi les divergences, conférant ainsi de l’énergie à leur expression… Au passage cette contribution très discrète crée beaucoup de valeur. Personne ne pourra la remarquer évidemment, mais elle contribuera grandement au bien aller des travaux de groupe.
- Ainsi, quand certains semblent manquer de confiance en eux-mêmes, je les regarde en hochant positivement de la tête tandis qu’ils parlent. Du coup ils me regardent comme s’ils me parlaient à moi. Il me faut alors détourner progressivement les yeux pour les laisser s’adresser au groupe et éviter qu’ils ne polarisent avec moi.
- A ce propos, dans un groupe comme celui-ci, il y a souvent 4 catégories de participants :
- ceux qui sous-estiment totalement l’importance des processus humains dans une conduite de projet de ce type. Ils doutent de l’utilité d’un accompagnement, et ne boudent pas le plaisir de quelques sarcasmes à votre encontre… du moins au début. Sans vous connaître, ils vous soupçonnent en effet d’être un parasite, et ils se passeraient volontiers de votre concours, dont ils pensent qu’il coûte énormément à l’entreprise et leur fera certainement perdre un temps précieux. Ils ne sont pourtant pas les plus difficiles à convaincre, à condition de ne pas les attaquer tout de suite de front, mais de les embarquer progressivement par la dynamique de groupe. C’est ce que je fais, en les captant « du coin de l’oeil » pendant les sessions de travail et en m’en rapprochant chaleureusement pendant les pauses, pour créer de la proximité entre nous.
- ceux qui sous-estiment tout autant l’importance des processus humains, mais croient qu’un consultant est probablement un super expert de quelque chose (et qui ne comprennent pas plus que les premiers la nature de la valeur que peut créer un coach). Is sont tout prêts à coopérer avec vous depuis une position basse, tout en se tenant prêts à résister si on se laissait tromper par cette fausse soumission. Leur souplesse apparente est en effet une illusion. En fait, il s’avère qu’ils comptent souvent parmi les plus grands résistants. J’accueille leurs sourires conciliants avec sympathie, mais sans trop m’y fier.
- ceux qui « tolèrent » la présence d’un accompagnateur, tant qu’il ne les dérange pas trop. Il ne faut pas les bousculer trop tôt en effet. Mais il est impératif de le faire tout de même, dès que l’alliance avec le groupe le permettra. Sans cela, rien ne bougera. Il faudra leur rappeler notamment l’évidence que « si on ne change rien, on n’obtiendra aucun changement ! ». Pour le moment, je les laisse tranquilles.
- ceux qui pressentent l’intérêt d’un coaching, et ont de l’appétit pour les questions qu’on peut leur proposer. Il y a intérêt à ne pas les décevoir, car ce sont les poissons pilotes qui entraîneront le groupe dans le changement attendu, à condition qu’ils aient la sagesse de ne pas se mettre trop en avant. Vous devrez les soutenir dans leur prise de leadership dans le groupe, tout en veillant à ne pas créer de clivage entre eux et les autres membres du groupe. Je m’assieds dans la salle plutôt à côté d’eux.
- Pendant la première matinée, je sonde mon coeur pour sentir si le chef de projet est pertinent et reconnu par ses pairs. Il me semble que son leadership est évident et non contesté, mais je veille néanmoins à solliciter les contradictions et approbations de ceux qui s’expriment le moins, pour m’assurer d’une bonne adhésion aux propositions avancées. Je dose de mon mieux entre des questions qui le challengent et des reformulations qui confortent ses inputs.
- J’interviens à deux reprises la première heure pour leur suggérer de rester sur le fil rouge et de ne pas digresser dans des débats annexes. Ils consentent à ces recadrages.
- A la pause, je recueille en aparté quelques confidences de 2 membres de l’équipe récemment intégrés à l’entreprise, qui me disent leur impatience à changer les habitudes de la maison. Et j’écoute aussi avec empathie une autre personne raconter à ses collègues un accident survenu pendant la nuit, histoire de commencer à nouer un début d’alliance avec le groupe.
- En reprise après la pause, je propose un court apport sur la stratégie des alliés, de façon à voir comment ils se représentent leur rôle de conducteurs du changement et pas simplement d’experts techniques… Apparemment, ils en avaient entendu parler, mais prennent tout de même en note tout ce que je dessine rapidement au tableau. L’un d’entre eux propose de lister les alliés de la démarche. Je lui emboite le pas et suggère de les embarquer dès le prochain séminaire, pour se constituer ainsi un bon petit groupe de supporters bien mobilisés. Cette idée a l’air de convenir à tous…
- A 12h28, ils sont en plein débat, alors qu’ils avaient projeté de s’arrêter pour déjeuner à 12h30, pour une heure seulement. Que feriez-vous à ma place ?
- Ne rien faire, ne rien dire, et voir ce qui se passe ? Après tout, ils sont assez grands pour savoir quand s’arrêter pour le déjeuner. Quant au restaurant, nous sommes ses clients, il n’aura qu’à s’adapter…
- Suggérer une interruption pour la pause déjeuner ? Ce serait peut-être bien qu’ils s’économisent, parce que le gaz qu’ils consomment maintenant en surchauffe, nous fera probablement défaut cet après-midi.
- J’opte pour leur demander comment ils avancent et quelle décision ils prennent pour la gestion de leur agenda, compte tenu de l’heure qu’il est. Ils décident de poursuivre leurs échanges pendant trente minutes de plus pour terminer cette séquence de travail. Je leur propose de prévenir le restaurant pendant qu’ils poursuivent…
- A la reprise d’après déjeuner, je leur suggère d’envisager comment ils comptent embarquer les 70 personnes impactées par le changement qu’ils sont en train de concevoir… Après une réflexion d’une vingtaine de minutes, qui les intéresse, nous reprenons le cours normal de l’agenda pour avancer vers le délivrable technique convenu en début de journée
- A un moment dans l’après-midi, les ayant laissés travailler entre eux une demi-heure pour leur préparer des consignes pour des groupes de travail avec leurs N-1, je retrouve le groupe bloqué et clivé en trois positions antagonistes. On me demande mon aide… Je reformule donc ce que je viens juste d’entendre, et il apparaît qu’une personne n’est pas OK avec le bénéfice prétendu d’une solution, tandis qu’une autre en remet en cause la pertinence du contenu. Nous traitons les deux oppositions de façon différenciée :
- En comparant les risques et les bénéfices de la solution, comment se mettre d’accord sur l’intérêt du résultat visé par la solution ?
- Quels inconvénients pose cette solution et comment les palier, par un amendement ou un éventuel compromis ?
L’objet des antagonismes étant ainsi clarifié et localisé, l’idée vient à un participant de formuler une proposition de compromis, qui recueille tous les suffrages. Nous le reformulons, et l’explicitions pour nous assurer d’être bien tous alignés avec cette option… La résolution du débat qui s’était enlisé pendant une heure, aura pris 10 minutes. Et l’idée qui nous sauve émane d’une personne que j’avais suggéré au CEO de rajouter au comité de pilotage, dont je pressentais qu’il risquait de se bloquer par moments.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Ces exemples d’interventions sont par eux-mêmes minuscules, mais ce sont eux qui, dans leur combinaison et leur enchainement, assurent discrètement à la fois la fluidité et la consistance de la journée. Le soir quand le CEO vient prendre connaissance des avancées des travaux de ses collaborateurs, il ne reste plus qu’à valoriser ceux-ci, en ayant pris soin de faire préparer un récapitulatif propre, à lui présenter… (pour ne pas risquer d’être retoqués à cause d’une présentation confuse ou insuffisamment impactante et argumentée).
Ce dernier se dit favorablement impressionné par le choix des idées retenues, l’état d’avancement de la réflexion qui a déjà couvert une bonne partie du sujet, et par l’alignement qu’il constate entre les membres du groupe. Evidemment ce n’est que le début. La prochaine fois, ils seront une quinzaine à embarquer : les 5 de ce jour et une dizaine d’alliés de la démarche, qu’il va falloir faire monter dans le bateau, en les associant à la réflexion. Entre temps, il y aura eu des groupes de travail, que nous avons savamment composés dans la journée, et qui devront réaliser chacun un gros travail en l’espace de trois réunions, dont ‘il faudra agréger les recommandations tous ensemble…
Nous avons pris soin de préparer l’agenda de leur 3 réunions à venir, et de les planifier. Franchement, le coaching d’une équipe technique sur des sujets pointus est quand même plus « sportif » et difficile que de faire faire des activités team building à une équipe en constitution, ce qui fait également partie du job de coaching d’une équipe technique. En fait, pour réussir une telle journée, il faut à la fois :
- se plonger dans le débat et essayer de comprendre ce qui se joue pour eux, et rentrer suffisamment dans le contenu pour être capable de proposer des reformulations et des questions qui créent de la valeur, un peu comme si vous étiez un membre du groupe
- et rester délibérément en dehors, du contenu et aussi de la dynamique d’équipe, pour pouvoir agir dessus sans être pris par eux. C’est cette relative extériorité qui va vous faire voir les phénomènes de groupe, et avoir l’idée de questions puissantes à leur soumettre…
Ce sont ces savoir faire, ces tours de mains « experts », et ce travail en finesse sur la posture, auxquels nous vous entrainons dans la formation au coaching d’équipe.
Les erreurs à ne pas commettre
Déjà que votre légitimité n’est pas acquise vis-à-vis de clients qui ne jugent que par la technique (sinon ils auraient choisi un autre métier, comme coach par exemple !), vous ne devez surtout pas commettre les erreurs suivantes, qu’on voit beaucoup faire par des débutants et des moins débutants… :
- Vous mettre au tableau pour noter ce que le groupe dit (bonne idée a priori), mais
- de façon non conforme à ce qu’ils disent, si bien qu’ils ne se reconnaissent pas dans ce qui est noté,
- ou bien de façon non pertinente (vous notez des choses inutiles et vous laissez passer des choses essentielles sans entendre qu’elles le sont), si bien que votre visualisation ne les intéresse pas
- ou encore en allant insuffisamment vite, si bien qu’ils sont obligés de vous attendre et que cela freine leurs échanges, alors que vous êtes là pour les booster au contraire !
- Prendre trop de place, en parlant trop, trop fort, en vous mettant en scène (sans doute pour vous rassurer sur votre propre existence ?), au lieu d’opter pour une attitude discrète, en position méta, qui ne monte au filet que pour faire des smashs, et encore en choisissant bien ses coups.
- Proposer des consignes floues, ou insuffisamment pertinentes, si bien que :
- elles sont interrogées par ceux qui veulent toujours tout comprendre pour bien contrôler, puis contestées par les créatifs qui aiment bien ajouter leur grain de sel
- elles induisent des séquences de travail peu intéressantes, et qui accouchent d’une souris
- elles suscitent des polémiques à contre temps, parce que l’angle proposé prête à des prises de positions stériles, si vous n’avez pas spécifié une perspective suffisamment constructive, et explicité les modes d’intervention à privilégier pour une participation de qualité
- Vous vous laissez ensevelir sous les informations, si bien que vous perdez pied, que vous vous ennuyez, et que cela finit par se voir. Surtout si vous vous agitez, avec des interventions mal à propos, qui ne visent qu’à justifier de votre présence dont vous doutez vous-même à juste titre de la valeur ajoutée…
- Prendre le parti d’un protagoniste de façon insuffisamment nuancée et sans inclure le groupe. Exprimer des recommandations sur le fond des débats, ou donner votre avis, alors que vous n’êtes pas censé en avoir, et risquez évidemment de vous tromper, si bien que vous vous mettez à dos tout seul la partie du groupe qui n’est pas de votre avis.
- Diriger le groupe comme si vous en étiez le leader, alors que plusieurs leaders sont dans la salle, qui n’aiment pas tellement qu’on leur vole la vedette.
- Laissez filer des débats hors sujets, qui font perdre du temps, suscitent des tensions, et finissent par agacer ceux qui n’ont pas perdu le fil rouge, et s’étonnent d’ailleurs que vous ne fassiez pas mieux la police par rapport aux digressions !
- Ne pas intervenir quand un affrontement stérile oppose deux sous-groupes, si bien que l’ambiance s’alourdit, alors qu’il aurait suffi d’un peu de « poudre de perlimpinpin » pour que tout rentre dans l’ordre…
Pour réussir le coaching d’une équipe technique, il faut non seulement du charisme et un bon relationnel, mais aussi de l’à-propos et de l’intelligence de situation. Vous devez être capable de comprendre malgré tout de quoi ils parlent et quels en sont les enjeux sous-jacents. Vous devez sentir les jeux de pouvoir et percevoir l’émergence des résistances et phénomènes de groupe. Il ne faut donc pas dormir au fond du wagon, sous prétexte que leur travail n’est pas le vôtre. Il faut être sur le pont à 200%, alors même qu’on ne dit pas grand chose. C’est très fatigant en fait. C’est ça votre générosité et votre conscience professionnelle. C’est grâce à cela que vous pourrez faire, parfois, des suggestions meilleures que celles du groupe, parce que de l’extérieur, vous aurez vu en candide impliqué, ce que ne voient pas les participants, trop pris par leurs paradigmes (voir à ce sujet : « Le poids des habitudes »)
Formez-vous plutôt au coaching d’équipe
Devenir coach d’équipe, est un choix structurant, une décision sérieuse, qu’il faut bien préparer en se formant dans la bonne école de coaching. A notre avis, il faut d’abord que la formation soit bien cohérente : le coaching d’équipe étant par définition une intervention systémique, il faut que la formation soit experte en systémie appliquée (eh oui, la théorie c’est bien, mais elle a surtout sa place dans les livres ! Ce qui vous importe à vous c’est de pouvoir vous en imprégner suffisamment, en avoir l’expérience et en goûter la saveur, pour pouvoir en mettre en œuvre avec agilité l’esprit et les méthodes). Notre approche du coaching d’équipe repose sur cette philosophie de l’accompagnement, pour optimiser la justesse des dispositifs proposés au client et leur impact positif auprès de son système.
Nous partagerons avec vous les compétences clés à mettre en œuvre à chacune des 4 étapes d’un coaching d’équipe réussi, par le biais :
- D’un modèle simple d’analyse des besoins d’une équipe, basé sur ses énergies dominantes, qui vous permettra de structurer efficacement vos interventions de coaching d’équipe
- De pratiques et tours de main d’animation pour optimiser votre rôle de faciliteur
- De techniques pour provoquer les ‘’insights’’ qui mettront l’équipe en mouvement vers de réels progrès
- De protocoles pour ancrer l’équipe dans une performance durable et autonome
Coacher un groupe, coacher un système, c’est autre chose que de simplement « animer » un séminaire ! On pourrait croire que coacher un groupe consiste à aligner quelques trucs de consultants en teambuilding : un warm-up, une séquence de travail en sous-groupe, un jeu, et hop, le tour serait joué !… Faîtes donc ça, si vous ne craignez pas d’être un imposteur ? (voir à ce sujet : « Différence entre coach et consultant« ) Mais ce serait manquer à la fois de métier et de perspicacité de croire que ce sera efficace ! Il suffirait dans ce cas pour réussir le coaching d’une équipe technique : d’être un bon formateur et/ou un bon animateur, capable de conduire à peu près un débat et de débriefer un jeu de rôle. Mais on est loin du compte avec ça !
Pour réussir le coaching d’une équipe technique : il faut bien sûr savoir “animer” un groupe (c’est-à-dire faciliter ses séquences de travail pour qu’il soit encore plus efficace que d’ordinaire), mais c’est d’abord du coaching ! Il faut donc surtout savoir conforter et déstabiliser, offrir un miroir décapant au bon moment, qui fasse vraiment bouger les lignes … Ensemble, nous allons travailler sur vos appuis. Il en faut pour faire face à un groupe, alors que vous n’avez rien d’autre à leur offrir que de les mettre au travail…
- dates et tarifs de la formation au coaching d’équipe
- Connaitre le programme détaillé des 4 modules de formation