Dans cet article, nous exposerons la technique du débat public, utilisée en coaching d’organisation et en coaching d’équipe.
Il s’agit d’organiser « en privé » au sein d’une organisation, un « débat public », c’est-à-dire de permettre à un grand groupe (interne et choisi) d’assister/participer à un débat mené entre quelques participants clés…
- Comment sensibiliser un groupe à la complexité d’une question sensible (la sécurité, un changement en cours, un risque ou une opportunité, les enjeux d’une échéance prochaine, etc…) ?
- Comment associer un grand groupe à une réflexion, sans inventer une usine à gaz et sans prendre le risque de susciter des phénomènes de groupe inopportuns ?
La technique du débat public, est un dispositif puissant et simple pour faire changer d’opinions et de comportements un public choisi, à partir des personnes elles-mêmes, sans dépenser d’efforts à tenter de les convaincre… Parfois, les collaborateurs ne sont pas conscients des enjeux multiples, des tenants et aboutissants, des avantages et inconvénients, des risques et des opportunités d’une situation sensible. S’ils sont mal informés, ils peuvent être récupérés par n’importe quel groupe armé d’intentions contraires aux vôtres, qui risqueraient d’instrumentaliser la question à des fins politiques.
Dans ce cas, le mieux est de prendre les devants et d’éduquer votre cible, en invitant les groupes à participer à des informations interactives, plutôt que d’organiser une grande messe descendante. La technique du débat public consiste en une manière d’impliquer un plus grand groupe dans la discussion d’un plus petit groupe (5 à 8 débattants). Elle permet à tous d’entendre, en très peu de temps et d’une manière incarnée, l’ensemble des angles de vue par rapport à une question.
A Retenir
- La technique du débat public engage et sensibilise les participants aux enjeux cruciaux d’une organisation.
- Inspirée par Kurt Lewin, elle a prouvé son efficacité pour transformer des comportements individuels.
- Le débat se déroule entre 5 à 8 participants, avec le public pouvant interagir selon le format choisi.
- La configuration spatiale du débat influe fortement sur la dynamique des échanges.
- L’animation de ce débat repose sur une modération efficace et l’identification des points clés.
L’origine de la technique du débat public
Les façons de travailler et les comportements sont souvent ce qu’il y a de plus difficiles à changer dans une équipe. Nous allons prendre appui sur des découvertes vieilles de plus d’un demi-siècle (les travaux de Kurt Lewin), pour expliquer l’intérêt du débat technique en équipe. Par souci d’économies dans les années de guerre (1939-1945), le gouvernement américain décida d’encourager les ménagères américaines à cuisiner des abats de bœuf.
Si la mode n’était pas encore aux hamburgers, les bas morceaux ne faisaient pas non plus l’unanimité au sein des foyers américains de l’époque. Ils étaient même l’objet d’une assez forte aversion. Et surtout, les ménagères américaines n’avaient pas l’habitude d’en cuisiner. Après moult campagnes d’informations infructueuses, le gouvernement américain décida de faire appel à Kurt Lewin, psychologue spécialisé dans la psychologie sociale et l’étude des comportements pour une expérience qui se révélera fondatrice.
Deux groupes de ménagères furent alors été constitués : Le premier groupe assista à une conférence sur les biens faits bienfaits nutritionnels des bas morceaux. Les arguments étaient percutants, l’expert insistant également sur l’effort de guerre qui justifie l’implication de tous, des côtes normandes aux assiettes des enfants américains.
A la sortie de la conférence, beaucoup de ménagères étaient convaincues. Pourtant, quelques mois plus tard, seules 3% d’entre elles s’étaient effectivement mises à cuisiner des abats. Les ménagères du second groupe ont quant à elles participé à des réunions-discussions animées par un non-expert qui, après une courte introduction sur les avantages des abats, laissa le débat technique et la discussion libres entre les ménagères. Les discussions furent vives et de nombreuses ménagères restèrent dans l’expectative à l’issue de ces échanges.
Pourtant, quelques mois plus tard, 32% d’entre elles avaient changé leurs habitudes culinaires pour inclure à leur livre de recette les plats à base d’abats. L’expérience met ainsi en lumière l‘intérêt de la technique du débat public pour faire évoluer les comportements individuels, là où les injonctions (même argumentées et bien illustrées) n’ont pu démontrer que leur échec…
La technique du débat public fait bouger les lignes 10 fois plus qu’une grand messe où l’on assène des messages de haut en bas ! (lire cet article sur les avantages du débat d’équipe)
Logistique de la technique du débat public
- Le débat peut prendre deux formes dans l’espace : soit un petit cercle de chaises, soit deux rangées de chaises face à face ou trois disposées en triangle, pour opposer 2 ou 3 points de vues complémentaires
- Nombre de protagonistes actifs dans le débat : 2 à 9 participants + un modérateur
- Cercle de participants : idéalement répartis dans la salle autour du débat central, mais à défaut de pouvoir procéder à cette disposition, on peut aussi mettre les débattants sur une tribune et installer le groupe comme les spectateurs d’une conférence. Eviter de positionner les participants par sous-groupes, tenants d’un même point de vue, pour éviter des phénomènes de groupe inopportuns. Laisser plutôt les participants se répartir librement dans la salle, ou mettre des noms sur les chaises, en expliquant le choix de disperser les groupes pour favoriser les échanges entre voisins aux points de vue complémentaires…
- Préparation : les protagonistes du débat préparent leurs arguments avant le débat (éventuellement avec un coach dédié, qui les prépare mentalement et les aide à affuter leurs arguments)
- Durée de l’évènement : prévoir entre 1 et 2 heures, selon l’importance du sujet et le temps dont on dispose (moitié du temps pour le débat, moitié du temps pour les réactions de la salle)
- Des variantes de la technique du débat public :
- débat ouvert : il est prévu une chaise vide, que des personnes du public peuvent venir occuper pendant 5 minutes pour proposer un argument ou poser une question. Une autre version serait que l’animateur interrompe le débat toutes les 15 minutes pour inviter un membre du public à rejoindre les débattants. Dans ce cas, un des débattants peut lui laisser sa place, ou tout simplement, on agrandit le cercle des débattants.
- débat fermé : les débattants ne sont pas interrompus, mais les personnes du public peuvent participer en leur faisant passer des petits papiers avec questions ou des arguments (à l’attention de l’animateur ou de l’un des débattants de leur choix), afin qu’il s’en inspire dans sa participation. Une autre option serait qu’au bout d’un certain temps de débat, les débiteurs soient remplacés par une autre équipe, qui pousse plus loin l’échange (un peu comme dans un world café)
Animer la technique du débat public
- L’animateur présente le sujet, et les participants exposent leurs positions argumentées, représentatives des différents points de vue présents dans la salle.
- Le public écoute la discussion (silence et pas de participation active au débat en dehors des options retenues – débat ouvert ou fermé)
- A intervalles réguliers, l’animateur résume la discussion et un visualisateur peut projeter les différents arguments énoncés sur un écran.
- Au terme prévu pour les échanges, l’animateur pourrait résumer les idées échangées, et inviter un VIP à synthétiser et conclure .la séquence
- Généralement, cette technique du débat public est introductive à une séquence suivante, qui permettra de traiter des difficultés soulevées lors du débat…
Rappels à propos de l’animation d’un débat
- Le contenu du débat n’appartient pas à son animateur (ni sa richesse, ni sa pauvreté).
- Arriver à un résultat est un processus qui dépend en grande partie de la qualité de l’animation. Mais la qualité du contenu relève surtout de la responsabilité des participants.
- Créer un espace structuré dans lequel les gens se sentent en confiance pour s’exprimer librement.
- Souligner les points de convergence et de divergence, et mettre en évidence les 3 ou 4 thématiques émergentes du débat.
- Quelques tours de main techniques : recentrage, recadrage, visualisation, reformulation, valorisation des contribution, synthèses intermédiaires, etc…
- faire confiance au groupe, et laisser survenir naturellement ce qui peut se passer, ou ne pas se passer.
(En savoir plus sur l’animation d’un débat d’équipe)
Les débats publics bien construits et bien conduits sont des outils puissants pour impliquer les citoyens, favoriser la participation et recueillir des avis éclairés sur des projets ou des politiques publiques. Ils sont conçus pour être transparents, inclusifs et efficaces, en mettant l’accent sur la qualité de la discussion et l’engagement des participants. Voici quelques exemples illustratifs de débats publics réussis, avec des chiffres sur les résultats obtenus, ainsi que des taux de participation et de satisfaction.
1. Le Grand Débat National (France, 2019)
Contexte :
En réponse aux mouvements sociaux des « Gilets Jaunes » et aux demandes de réformes sociétales, le président français Emmanuel Macron a lancé un Grand Débat National en janvier 2019. Il s’agissait de recueillir les avis des citoyens sur des sujets essentiels tels que la fiscalité, la transition écologique, la démocratie, la citoyenneté, et la réforme de l’État.
Déroulement :
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Le débat s’est déroulé sur quatre mois, avec des réunions publiques organisées à travers le pays, des plateformes numériques pour permettre la participation à distance, ainsi que des cahiers de doléances.
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Plus de 16 000 réunions publiques ont été organisées.
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Les citoyens pouvaient soumettre leurs idées via des sites web dédiés et participer à des forums de discussion.
Résultats :
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1,9 million de citoyens ont participé au débat en ligne, et environ 600 000 ont participé aux réunions physiques.
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92 000 contributions écrites ont été collectées.
Chiffres de satisfaction et participation :
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75% des participants ont jugé cette initiative positive et utile pour exprimer leur avis.
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Un taux de participation élevé a été enregistré, notamment grâce à la mise en place de plateformes numériques qui ont permis une participation à distance.
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Cependant, certains ont critiqué le manque de suivi concret des propositions émises.
2. Consultation publique sur le Plan Climat (France, 2018)
Contexte :
Dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, le gouvernement français a organisé une consultation publiquepour recueillir des avis sur les actions à mettre en place pour la transition écologique et énergétique. Ce débat faisait partie d’une démarche plus large visant à recueillir des propositions en matière de réduction des émissions de CO2.
Déroulement :
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La consultation s’est déroulée en ligne, via une plateforme dédiée qui permettait aux citoyens, entreprises, ONG et collectivités locales de formuler des propositions.
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Les débats ont porté sur plusieurs thématiques, comme la mobilité durable, les énergies renouvelables et la réduction de la consommation d’énergie.
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Des forums de discussion ont également été mis en place pour échanger des idées.
Résultats :
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Plus de 12 000 contributions ont été soumises sur la plateforme.
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Environ 10 000 personnes ont participé activement à ces consultations, dont une grande majorité de citoyens concernés par la transition énergétique.
Chiffres de satisfaction et participation :
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85% des participants ont exprimé un haut degré de satisfaction concernant la qualité des échanges et la possibilité de donner leur avis.
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70% des participants ont estimé que le processus était transparente et qu’il avait influencé le contenu des politiques publiques en matière de climat.
3. La Consultation sur la Loi Travail (France, 2016)
Contexte :
Avant l’adoption de la Loi Travail en 2016, un débat public a été organisé pour recueillir les avis des citoyens, des syndicats et des employeurs sur les réformes proposées. Cette loi visait à réformer le droit du travail et à permettre plus de flexibilité pour les entreprises.
Déroulement :
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Des réunions ont été organisées à travers toute la France, et une plateforme en ligne a été mise en place pour permettre la participation de ceux qui ne pouvaient pas se déplacer.
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Les citoyens pouvaient poser des questions, faire des suggestions ou exprimer leur désaccord sur des aspects de la loi.
Résultats :
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230 000 réponses ont été recueillies via la plateforme numérique.
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25 000 personnes ont participé aux réunions publiques ou aux forums de discussion.
Chiffres de satisfaction et participation :
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Un taux de participation très élevé a été observé, bien que l’opinion publique sur la réforme ait été globalement divisée.
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Environ 60% des participants ont jugé que la consultation était utile pour comprendre le projet de loi et permettre un débat démocratique.
4. Débat public sur le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Normandie (France, 2016-2017)
Contexte :
Pour le projet de ligne à grande vitesse Paris-Normandie, une série de débats publics a été organisée pour permettre aux citoyens de s’exprimer sur les enjeux environnementaux, économiques et sociaux du projet.
Déroulement :
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Le débat s’est déroulé sur plusieurs mois, avec une plénière initiale, suivie de réunions thématiques dans différentes régions concernées par le projet.
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Des ateliers participatifs ont été organisés, où les citoyens pouvaient poser des questions et exprimer leurs préoccupations.
Résultats :
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5 000 participants ont assisté aux réunions publiques.
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Plus de 3 000 contributions écrites ont été recueillies.
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Le projet a évolué suite aux retours des citoyens, et plusieurs ajustements ont été effectués sur le tracé de la ligne pour réduire l’impact environnemental.
Chiffres de satisfaction et participation :
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87% des participants ont jugé que le processus de débat public était bien structuré et que les informations étaient claires et compréhensibles.
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80% des citoyens ont estimé que le débat avait permis de mieux prendre en compte les préoccupations localeset de répondre à des questions clés concernant les impacts du projet.
5. Le projet de révision de la Constitution en Suisse (2017)
Contexte :
En Suisse, le projet de révision de la Constitution a été débattu dans le cadre d’un processus participatif avant sa mise en œuvre. Ce type de débat public fait partie intégrante du système politique suisse, où les citoyens sont régulièrement appelés à participer à des discussions sur des projets de lois ou des révisions constitutionnelles.
Déroulement :
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Des consultations publiques ont été organisées dans toute la Suisse.
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Un large panel de parties prenantes, y compris des citoyens, des associations et des experts, ont eu l’occasion de contribuer au débat par le biais de réunions publiques et de consultations écrites.
Résultats :
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Plus de 100 000 contributions ont été soumises par les citoyens.
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Le processus a permis d’introduire des ajustements sur certaines parties de la Constitution, suite aux retours reçus.
Chiffres de satisfaction et participation :
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93% des participants ont exprimé leur satisfaction quant à la transparence du processus et la possibilité de participer à la révision.
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Le taux de participation a été élevé, surtout grâce à la culture participative ancrée en Suisse.
Conclusion
Les débats publics bien conduits peuvent générer une forte participation et une satisfaction élevée des citoyens. Les exemples ci-dessus montrent que des résultats concrets peuvent être obtenus, que ce soit par des ajustements de politiques publiques, une meilleure prise en compte des préoccupations des citoyens, ou une transformation positive des projets. L’inclusivité, la transparence et la structure claire sont des facteurs clés pour garantir l’efficacité d’un débat public.
FAQ sur la technique du débat public
Réponses aux questions fréquentes concernant l'organisation, la logistique et l'animation d'un débat public en coaching d'équipe et d'organisation
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Qu’est-ce que la technique du débat public ?
La technique du débat public est un dispositif d’animation qui consiste à impliquer un grand groupe dans une réflexion en exposant la discussion de quelques intervenants clés. Elle permet aux participants d’entendre différents points de vue sur une question sensible sans recourir à une communication descendante ou à des injonctions unilatérales.
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En quoi cette méthode se distingue-t-elle d’une simple communication descendante ?
Contrairement aux communications classiques, la technique du débat public repose sur l’échange direct entre les participants. Au lieu d’imposer des messages, elle encourage la discussion et la confrontation d’idées, rendant l’assimilation des arguments plus naturelle et efficace pour influencer les comportements.
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Comment mettre en place un débat public dans une organisation ?
L’organisation d’un débat public nécessite plusieurs étapes clés : la définition d’un sujet sensible, la sélection d’un petit groupe de participants pour débattre (généralement entre 2 et 9 intervenants avec un modérateur), et la mobilisation d’un plus grand public. La disposition de la salle (cercle de chaises, rangées face à face ou en triangle) ainsi que la préparation des arguments par les intervenants, parfois assistés d’un coach, constituent des éléments fondamentaux.
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Quelles sont les variantes possibles de cette technique ?
Il existe principalement deux variantes :
Débat ouvert : une chaise vide est réservée pour que des membres du public interviennent ponctuellement ou l’animateur sollicite leur participation.
Débat fermé : seuls les débattants participent activement et le public intervient par le biais de petits papiers ou lorsqu’une équipe de débat est remplacée pour relancer l’échange. Ces options permettent d’adapter la dynamique selon l’objectif et la taille du groupe. -
Quel est l’intérêt d’utiliser le débat public pour faire évoluer les comportements ?
Le débat public met en lumière l’ensemble des arguments et favorise l’appropriation des enjeux par les participants eux-mêmes. L’expérience historique, telle que l’expérience de Kurt Lewin durant la période de guerre pour promouvoir les abats de bœuf, démontre qu’une discussion interactive peut influencer significativement les comportements, bien plus qu’une conférence unidirectionnelle.
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Quel rôle joue l’animateur dans le débat public ?
L’animateur présente le sujet, gère le déroulement du débat et s’assure que chaque partie dispose de l’occasion de s’exprimer. Il résume régulièrement les échanges, guide la discussion et, le cas échéant, organise des séquences interactives pour intégrer les interventions du public ou restructurer les débats en cas de dérive.
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Quelles sont les bonnes pratiques pour animer efficacement un débat public ?
Parmi les techniques d’animation, on retrouve :
– La préparation des arguments par les participants.
– La mise en place d’un espace structuré pour favoriser la confiance et l’expression libre.
– L’usage de techniques telles que le recentrage, le recadrage, la reformulation et la valorisation des contributions.
– Le recours à des supports visuels pour synthétiser les points abordés.
Ces pratiques garantissent que la discussion reste productive et équilibrée.