La mise en abyme, concept emprunté à l’art et à la littérature, désigne l’insertion d’un élément dans une structure identique à celle qui le contient (par exemple, un tableau dans un tableau, ou un miroir reflétant un autre miroir).
Pourquoi la mise en abyme systémique devient incontournable en coaching professionnel ?
- En coaching, elle devient un outil d’introspection puissant : elle permet au client de se voir « en train de se voir », de réfléchir sur sa propre posture ou sur ses propres récits.
- Dans un monde saturé de récits figés, le coaching gagne en profondeur lorsqu’il invite à lire les situations à plusieurs niveaux.
- C’est précisément ce que permet la mise en abyme systémique : un regard multiplié sur la réalité, qui révèle les dynamiques invisibles entre individus, rôles et structures.
A Retenir
- La mise en abyme systémique permet une lecture approfondie des dynamiques cachées en coaching professionnel.
- Cet outil aide le coaché à prendre du recul, à sortir de schémas répétitifs et de récits figés.
- Des exemples concrets montrent son efficacité pour débloquer situations de crise et postures dysfonctionnelles.
- La pratique s’appuie sur la pensée systémique, la métacognition et des techniques issues du théâtre ou de la supervision.
- Bien utilisée, la mise en abyme responsabilise le client et augmente son pouvoir d’agir sur son environnement.
- La supervision systémique du coach lui permet de repérer ses propres angles morts et d’affiner sa posture.
Définition : qu’est-ce que la mise en abyme systémique ?
À l’origine, la « mise en abyme » est un procédé artistique dans lequel une œuvre contient une représentation d’elle-même (un tableau dans le tableau, un film dans le film…). En coaching systémique, c’est la capacité à percevoir une situation comme un reflet agrandi d’une dynamique plus large — personnelle, relationnelle ou organisationnelle.
Exemples concrets de mise en abyme systémique
EXEMPLE 1 – LE DIRIGEANT CENTRALISATEUR
Situation : Un CEO se plaint que son comité de direction « manque d’initiative ». Il passe ses journées à valider des détails opérationnels.
Lecture systémique : Son besoin de contrôle engendre chez les membres une passivité apprise. En miroir, leur retrait valide sa croyance : « je dois tout faire moi-même ».
Effet levier : En travaillant sur sa peur du lâcher-prise, il délègue progressivement. Les décisions remontent moins. Le système se rééquilibre.
EXEMPLE 2 – L’ÉQUIPE EN CONFLIT SILENCIEUX
Situation : Une équipe projet semble « dysfonctionner » depuis des mois. Tensions latentes, sous-entendus, communication pauvre.
Lecture systémique : Le non-dit est une norme culturelle. Chaque membre attend que « l’autre parle en premier », créant un vide relationnel. Le silence devient structurel.
Effet levier : Un coaching collectif avec travail sur les rôles et contrats implicites fait émerger les peurs (rejet, désaccord). En instaurant un langage commun, les interactions reprennent.
EXEMPLE 3 – LA COLLABORATRICE ÉPUISÉE
Situation : Une responsable RH évoque un épuisement chronique lié à la charge de travail.
Lecture systémique : Elle surinvestit son rôle pour « être reconnue », refuse d’être relayée, et devient un point de tension. L’équipe s’appuie sur elle comme sur un pilier — jusqu’à la fracture.
Effet levier : Le coaching l’amène à redéfinir ses limites et sa valeur en dehors de la surperformance. Résultat : responsabilisation de l’équipe, baisse du stress.
EXEMPLE 4 – LE MANAGER « TROP GENTIL »
Situation : Un manager se dit frustré que son équipe « ne le respecte pas », malgré son extrême bienveillance.
Lecture systémique : Son évitement du conflit empêche toute régulation. L’équipe teste les limites… qu’il ne pose jamais. Résultat : perte d’autorité et de clarté.
Effet levier : En coaching, il apprend à distinguer fermeté et agressivité. Il formule des demandes claires, reçoit plus d’écoute… et moins de débordements.
EXEMPLE 5 – LA TRANSFO DIGITALE QUI PATINE
Situation : Une entreprise investit lourdement dans un projet digital, mais les usages n’évoluent pas. Les managers accusent « la résistance au changement ».
Lecture systémique : Les outils numériques menacent des repères identitaires non nommés (perte d’expertise statutaire, peur de l’inutilité). Le système se protège.
Effet levier : L’accompagnement intègre les émotions liées à la transformation, redonne du sens, associe les équipes aux choix technos. Résultat : adoption x2.
Les bénéfices pour le coach et son client
- Sortir du cadre : le client ne reste plus prisonnier d’un point de vue unique.
- Responsabilisation : on ne subit plus le système, on y agit.
- Éclairage des boucles invisibles : ce qui semblait être un « problème de l’autre » devient un révélateur d’interactions partagées.
Pourquoi utiliser la mise en abyme en coaching
La mise en abyme permet une prise de recul immédiate. Elle déplace le regard du coaché sur lui-même, favorise une meilleure compréhension de ses mécanismes internes et l’aide à sortir d’un mode automatique. En mobilisant la métacognition (la pensée sur la pensée), elle ouvre un champ de transformation en mettant en lumière les angles morts.
Elle est particulièrement utile dans les cas de :
- schémas répétitifs ou blocages persistants,
- récits figés ou discours d’autojustification,
- situations émotionnellement chargées.
Exemples concrets de mise en abyme en séance de coaching
- Le client devient son propre coach
Exemple : « Imagine que tu doives coacher une version de toi-même qui vit cette situation. Que lui dirais-tu ? »
Ce jeu de rôle crée un effet de dédoublement. Le client se voit en position haute vis-à-vis de lui-même, ce qui permet de désactiver certaines peurs ou résistances. Il devient observateur de ses propres contradictions ou injonctions internes.
Un dirigeant surmené, qui justifie son rythme par une logique de performance, s’aperçoit qu’il conseillerait à « son double » de ralentir, de déléguer davantage. Ce contraste génère une prise de conscience immédiate.
- Représenter la scène… puis l’observer
Exemple : « Rejoue la scène avec ton collaborateur. Maintenant, imagine que tu observes cette interaction comme un spectateur extérieur. Que perçois-tu ? »
Cette posture externe permet au client d’accéder à une lecture plus objective de la dynamique relationnelle. Il peut y repérer des signaux faibles, des incohérences non perçues lorsqu’il est en mode « acteur ».
Cette technique rejoint les travaux de Donald Schön sur la pratique réflexive. Selon ses recherches (The Reflective Practitioner, 1983), les professionnels capables de se regarder agir augmentent de 30 à 50 % leur capacité d’adaptation en situation complexe.
- Analyser le récit du récit
Exemple : « Comment racontes-tu cette situation à ton entourage ? Et pourquoi choisis-tu cette version ? »
La mise en abyme ici consiste à faire réfléchir le coaché non seulement sur ce qu’il vit, mais sur la manière dont il en parle. Cela révèle souvent des stratégies de positionnement : victimisation, héroïsation, justification. Ce travail ouvre la porte à une relecture possible du récit, et donc à une réécriture identitaire.
Fondements théoriques
Cette approche puise dans plusieurs courants :
- La pensée systémique de Gregory Bateson, qui distingue les boucles simples (agir sur le comportement) des boucles doubles (agir sur le système de croyances).
- L’École de Palo Alto, avec Watzlawick, qui insiste sur l’importance de la perception dans la construction du problème.
- Les approches théâtrales comme le théâtre-forum d’Augusto Boal ou le psychodrame de Moreno, qui utilisent le jeu de rôle et la représentation de soi comme outils de transformation.
Modalités d’utilisation en séance
- Identifier une situation ou un récit qui tourne en boucle.
- Proposer un déplacement du point de vue : le client devient observateur de lui-même.
- Accompagner la verbalisation de ce qu’il perçoit, sans juger.
- Relier cette nouvelle perception à une action ou un changement concret.
Suggestion de clôture de séance
« Si un observateur neutre avait assisté à cette séance, que retiendrait-il de toi ? »
Cette question introduit une mise en abyme finale qui favorise l’intégration des prises de conscience, tout en évitant l’autojustification ou la clôture trop rapide.
– Questions systémiques : « À quoi cette situation fait-elle écho dans votre histoire ou dans votre équipe ? », « Qui, dans le système, réagit de manière complémentaire à vous ? »
– Effets miroir : Inviter le client à se projeter dans l’autre, à jouer un rôle inversé, ou à observer ce que son comportement déclenche chez autrui.
– Cartographie des dynamiques : poser les acteurs, les enjeux, les flux d’énergie ou d’information pour mieux voir les zones de tension ou de blocage.
Deux métaphores puissantes pour illustrer
– « Un miroir face à un miroir » : chaque reflet change subtilement l’image d’origine. Le système fonctionne pareil.
– « Un engrenage complexe » : chaque rouage croit tourner seul, mais c’est l’ensemble qui crée le mouvement (ou le blocage).
Erreurs à éviter
– Sur-analyse : chercher la mise en abyme partout devient contre-productif. L’outil sert le sens, pas la démonstration.
– Projection du coach : il ne s’agit pas d’imposer une lecture, mais de faciliter la découverte.
Un levier pour sortir des cercles vicieux
La mise en abyme systémique enrichit l’accompagnement en révélant ce qui se joue au-delà des apparences. En aidant le client à voir comment il participe aux boucles qui l’enferment — et comment il peut en sortir — le coach agit sur les causes profondes, pas les symptômes. C’est un réflexe d’une redoutable efficacité… à condition d’en faire bon usage.
Et si vous appliquiez la mise en abyme à votre propre posture de coach ?
La supervision systémique n’est pas un luxe, c’est un miroir stratégique. Elle permet de repérer les résonances invisibles entre vos accompagnements et vos propres logiques internes.
En supervision, vous explorez :
– Les boucles relationnelles que vous co-construisez avec vos clients
– Les angles morts de vos interventions
– Les rôles implicites que vous rejouez sans le voir
Vous êtes votre premier système. L’observer, c’est gagner en puissance d’impact, en justesse… et en liberté intérieure.
Passez du coaching au méta-coaching. Rejoignez un espace de supervision systémique exigeant, bienveillant, et orienté vers la transformation concrète de votre pratique.
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FAQ sur la mise en abyme systémique en coaching professionnel
Tout ce qu’il faut savoir pour comprendre et utiliser la mise en abyme systémique dans l’accompagnement et la supervision
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Qu’est-ce que la mise en abyme systémique en coaching professionnel ?
La mise en abyme systémique est une approche issue de l’art et de la littérature, où un élément se reflète dans une structure identique. En coaching professionnel, elle permet d’analyser une situation comme le reflet de dynamiques plus larges (personnelles, relationnelles, organisationnelles), aidant ainsi à révéler les boucles d’interactions inconscientes et les schémas de pensée ou de comportement.
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Pourquoi la mise en abyme est-elle devenue incontournable en coaching ?
Dans un environnement où les récits sont souvent figés, la mise en abyme systémique donne de la profondeur aux accompagnements. Elle aide à prendre du recul, à sortir des schémas répétitifs et des récits limitants, et à dévoiler les dynamiques invisibles qui influencent le comportement individuel ou collectif. Elle est particulièrement puissante pour clarifier les rôles, les enjeux et les interactions au sein d’un système.
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Quels sont les bénéfices de la mise en abyme pour le coaché et le coach ?
- Le coaché ne reste plus prisonnier d’un unique point de vue, il sort de ses cadres habituels.
- La responsabilisation : il passe du statut de victime à celui d’acteur dans son système.
- Éclairage des boucles invisibles : les problèmes cessent d’être uniquement l’affaire de « l’autre » et deviennent l’expression de jeux d’interactions partagés.
- Pour le coach, cela permet de prendre conscience de ses propres angles morts et d’affiner sa pratique grâce à la supervision systémique.
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Dans quels cas la mise en abyme systémique est-elle pertinente ?
- Pour débloquer des situations marquées par des schémas répétitifs ou des blocages persistants.
- Lorsqu’il existe des récits figés, de l’autojustification ou de la victimisation.
- En présence de tensions émotionnelles ou de difficultés relationnelles au sein des équipes.
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Quels sont des exemples concrets de mise en abyme en coaching ?
L’article présente plusieurs exemples marquants :
- Dirigeant centralisateur : le besoin de contrôle du CEO génère la passivité de ses équipes. En travaillant sur ce point, le système se rééquilibre.
- Équipe en conflit silencieux : le non-dit est structurel, le coaching collectif aide à briser le silence, favorisant la reprise des interactions.
- Collaboratrice épuisée : la tendance à tout porter seule crée de la tension ; le coaching amène à redéfinir les limites et à responsabiliser l’équipe.
- Manager trop « gentil » : l’évitement du conflit génère une perte d’autorité. Le travail porte sur la clarté de la demande et la fermeté.
- Transformation digitale qui patine : la résistance vient de peurs identitaires non nommées ; l’accompagnement intègre les émotions pour mobiliser les équipes.
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Comment utiliser concrètement la mise en abyme en séance de coaching ?
- Le client devient son propre coach: en se mettant à la place d’un observateur de lui-même, il identifie de nouvelles pistes d’évolution.
- Représenter la scène puis l’observer: par les jeux de rôle ou la visualisation, le client prend du recul sur la situation.
- Analyser le récit du récit: le coaché réfléchit à la façon dont il raconte sa situation aux autres et ce que cela révèle de ses croyances.
Ces techniques favorisent la métacognition, démultiplient les points de vue et facilitent l’émergence de solutions inédites.
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Sur quels référents théoriques s’appuie la mise en abyme systémique ?
- La pensée systémique (Gregory Bateson) : distinguer les boucles simples et doubles et agir à différents niveaux du système.
- L’École de Palo Alto (Watzlawick) : la manière de percevoir une situation participe à son maintien (ou à sa résolution).
- Les approches théâtrales (théâtre-forum, psychodrame) : utiliser le jeu de rôle pour questionner et transformer la posture du coaché.
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Quelles étapes pour utiliser la mise en abyme en séance ?
- Identifier une situation ou un récit circulaire.
- Proposer au client de changer de point de vue, devenir observateur de lui-même.
- Faciliter la verbalisation sans émettre de jugement.
- Relier la nouvelle perception à une mise en action concrète ou à un changement comportemental.
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Quels pièges éviter lors de l’utilisation de la mise en abyme systémique ?
- La sur-analyse : chercher de la mise en abyme partout peut empêcher d’avancer.
- La projection du coach : il ne s’agit pas d’imposer sa lecture, mais d’aider le coaché à faire émerger la sienne.
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Pourquoi et comment la supervision systémique est-elle liée à la mise en abyme ?
La supervision systémique offre au coach un miroir stratégique sur sa propre posture et les dynamiques qu’il co-construit avec ses clients. Elle aide à repérer les résonances invisibles, les rôles implicites et les angles morts de sa pratique. En travaillant sur soi avec la même exigence que sur ses clients, le coach gagne en liberté, en justesse et en impact.
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Comment clôturer efficacement une séance avec la mise en abyme ?
Une question comme : « Si un observateur neutre avait assisté à cette séance, que retiendrait-il de toi ? » génère une prise de recul supplémentaire et favorise l’intégration des prises de conscience, au lieu de se contenter d’une clôture factuelle ou d’une autojustification.
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Existe-t-il des métaphores pour illustrer la mise en abyme systémique ?
- Deux miroirs qui se font face : chaque reflet transforme subtilement l’image d’origine, montrant la complexité des dynamiques en œuvre.
- Un engrenage complexe : chaque rouage pense tourner seul, mais c’est l’ensemble qui produit le mouvement, ou le blocage.







