Cet article vante les mérites de la position basse au service de la fonction miroir du coach. Le coach tend le miroir. Il n’est pas là pour regarder ce que voit le client dans le miroir. Ses questions ne visent pas à obtenir des réponses pour comprendre quelque chose, mais à déclencher une réflexion chez le client et une dynamique de changement. Le coach n’a donc pas besoin de comprendre le problème du client et son contexte (voir cet article : ne pas chercher comprendre), il ne cherche qu’à faire repérer au client des éléments de solutions là où il ne pensait pas tout seul à regarder… Son métier consiste à savoir incliner le miroir, à l’orienter pour que le client découvre de nouvelles perspectives sur sa situation et ses propres modes de fonctionnement. Puisque le coach ne voit pas forcément ce que voit le client dans le miroir qu’il lui tend, la posture de coach est donc celle d’un candide, qui « ne sait pas ». Il ne sait :
- ni où on va,
- ni par où il faudrait passer,
- ni à quel rythme il faut y aller…
Il ne peut effectivement pas savoir tout ça, puisque c’est le client qui sait (ou qui va le savoir justement grâce au coaching !). Contrairement à la position haute, dominante, qui prétend savoir et pouvoir, la position basse est une position d’humilité, pour justement mieux laisser à l’interlocuteur la responsabilité de savoir et de pouvoir. Il y a pourtant une chose que sait le coach (et que parfois le client, justement, ne sait pas) : c’est que le client va y arriver ! Si une chose est certaine, c’est que le client va réussir à se transformer grâce au coaching : ça, le coach le sait ! Il en a l’intime conviction pour deux raisons :
- Il sait que son client va réussir à atteindre ses objectifs, parce qu’il a déjà accompagné beaucoup d’autres « accouchements », et qu’il est devenu un spécialiste de ce cheminement intérieur. Il ressent ce que vivent ses clients, et par quels états intimes ils passent quand ils se remettent en question pour progresser.
- Il est passé lui-même par les chemins de la remise en question en direction de la profondeur de soi. C’est d’ailleurs cette expérience qui permet au coach de pouvoir accompagner, sans avoir aucune autre compétence, ni aucune autre légitimité… Avant toute intention tactique, c’est d’abord cette incompétence réelle, qui le rive à la position basse, et laisse donc tout l’espace disponible de la séance à la seule compétence et responsabilité du client !
Position basse et communication
La position basse évite un grand nombre de conflits et elle est codifiée socialement dans les règles de politesse. Un coach a notamment recours à la position basse, lorsqu’il intervient sur le processus de la conversation de coaching. Ce changement de niveau logique nécessite en effet des précautions pour ne pas blesser l’interlocuteur ou le disqualifier. Imaginez sa réaction si une intervention de ce type est maladroite. Prenons un exemple :
- Un client évoque longuement un descriptif de la complexité de son contexte (sans doute parce que cela semble important à ses yeux, qu’il est en train de réfléchir, de conscientiser et d’élaborer des éléments d’analyse… ce qui n’est pas forcément improductif pour lui.) lorsque le coach orienté solutions l’interrompt de façon trop abrupte, laissant penser au client qu’il s’impatiente ou ne s’intéresse pas au sujet :
- Coach : « OK, vous êtes en train de décrire tout votre contexte avec toutes ses complexités. Mais en quoi cela vous aide-t-il à avancer vers les solutions que vous cherchez ? » Les effets de cette intervention dépendront bien sûr de la qualité de la relation et du ton avec laquelle elle est faite, mais si elle est justement un peu sèche, le client risquera de ne pas apprécier cette interruption, sous laquelle il pourrait percevoir une forme de jugement (voire de rejet) de la part du coach (« j’ai l’impression que le coach est entrain de me dire que je perds ton temps à ramer dans cette phase d’analyse, alors que je pourrais trouver des solutions facilement si seulement je voulais bien faire l’économie de ces descriptions qu’il a l’aire de trouver inutiles et fastidieuses… »)
Du coup, en position basse, un coach recourt volontiers à des précautions oratoires et sollicite des « permissions » avant de prendre la parole. Par exemple : – « Je me trompe peut-être, mais il est possible que… », – « Sans être expert de cette question, je me demandais comment vous pourriez peut-être… », – « Puis-je vous interrompre un instant, pour vous faire part d’une interrogation ? ». L’objectif de telles tournures, prudentes et humbles, est de laisser le client « maître du contenu » de l’échange, tout en « pilotant le processus » de cet échange. C’est ce qui fait dire à certains que la position basse serait la véritable position de pouvoir, puisqu’elle permet de manager le contenu de l’échange à partir de son processus, presque sans en avoir l’air…
La position basse serait une sorte de fourberie (de Scapin :-), voire une forme de manipulation… On se souvient par exemple du chevalier de Lagardère, qui déguisé en bossu, se faisait passer pour un courtisan servile pour mieux espionner ses adversaires. La position basse qu’il adopte (pour la bonne cause) est finalement sournoise.
Personnellement, je n’aime pas ce sous-entendu à propos de la position basse en coaching. Et je vais m’en expliquer tout de suite.
Position basse ou position paritaire ?
En fait, j’aimerais proposer une nuance à propos de la position basse. En coaching, parler de position basse ou haute n’a pas vraiment de réalité profonde, car la relation de coaching est fondamentalement paritaire :
- Bien sûr, en termes de mode de communication (nous venons de l’expliquer) le coach adopte plutôt une position basse pour proposer ses questions et ses feed-back…
- Mais fondamentalement il ne se prétend ni inférieur ni supérieur. En fait, il ne se prétend rien du tout. Il exerce une fonction miroir, dans laquelle la personnalité du coach n’a quasiment pas de place (pour comprendre le mot « personnalité » tel que je l’emploie ici, voir cet article : « Démasquer l’imposture de la personnalité« ).
La position basse en coaching n’est qu’un truc professionnel, une sorte de code social, une technique pour que la prestation soit plus efficace. C’est aussi une position alignée avec l’humilité de la fonction coach, qui n’impose pas et reste à distance respectueuse de la démarche intérieure du client. Mais en même temps, elle n’empêche pas un coach d’être engagé, proche et chaleureux dans son accompagnement. Mais ceci est plus une attitude interne qu’un comportement, lequel reste plus sobre et discret (position basse oblige…).
- La position basse est surtout utile pour intervenir en facilitation au sein du dialogue du client. D’ailleurs, la plupart du temps, même ce processus de l’entretien est généralement co-conduit par le coach et son client, et non pas laissé à la responsabilité exclusive du coach.
- La position basse n’est donc pas hypocrite : elle ne fait pas semblant d’avancer le dos courbé pour mieux asseoir sa domination, en posant des devinettes qui conduiraient l’autre sans qu’il ne s’en rende compte vers la vérité qui serait pré-détenue par le coach ! Une vraie position basse est profondément paritaire, elle traduit un accompagnement et non pas une tentative pour guider de façon masquée.
- La position basse est au service de la fonction miroir, qui favorise la réflexion du client. Ce dernier, face aux questions qui lui sont proposées, réfléchit et devient encore plus « intelligent » grâce à la caisse de résonnance qui lui est tendue par l’écoute active et systémique du coach.
Parfois, avec une bienveillance malicieuse et impertinente, c’est justement la position basse en coaching qui permettra d’offrir des questions puissantes, qui l’aideront à repousser les limites de son raisonnement, à balayer ses angles morts, à prendre conscience de points aveugles, à s’ouvrir à de nouvelles perspectives…
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En savoir plusOpter pour la position égale !
Chacun d’entre nous a fait, étant enfant, l’expérience de la position basse dans la relation : nous dépendions alors de nos parents et des adultes de notre entourage ; nous avions peu souvent la possibilité d’exiger des autres qu’ils s’inclinent devant nos désirs ou nos volontés. Le souvenir de cette époque peut être fort désagréable pour certains d’entre nous. Quand, dans la vie d’adulte, nous disons : « Ils nous prennent pour des enfants ! » ou « « C’est comme si j’étais redevenu un gosse ! », nous témoignons de ce que la position basse nous a laissé un mauvais souvenir, celui de la dépendance. Pourtant à cette même période, il nous a été possible de prendre une position dominante par rapport à certains camarades enfants ou adolescents de notre âge. Les leaders des cours de récréation peuvent être les plus costauds, les plus malins, les plus intelligents, les plus à la mode. Nous avons pu aussi nous tenir à une position égale avec les autres. Chacun a des atouts, dans ces lieux d’apprentissage de la vie, pour adapter sa position aux situations et pour expérimenter des relations différentes : égalité entre amis, supériorité comme capitaine d’équipe ou chef de bande, choix de se montrer le moins possible et de ne pas se faire remarquer (une forme de position basse).
Eviter les luttes pour la position basse, ou haute
Classiquement en communication, on distingue plusieurs jeux assez improductifs de lutte pour la position :
- l’escalade pour la position haute : chaque protagoniste pense en savoir plus que l’autre ou avoir la bonne réponse et mériter plus d’attention. Chacun investit alors son énergie pour l’emporter sur l’autre, dans un « bras de fer » ou une tentative d’emprise (séduction, conviction, domination) qui met au second plan la recherche constructive de solutions.
- La compétition pour la position basse : chacun veut montrer qu’il se met au service de l’autre : on assiste alors à des « surenchères de politesse » et des déclaration de fausse humilité. A notre que la compétition pour la position basse peutparfois faire partie des règles de politesse (voire l’idée que l’on se fait en occident de certains aspects de la culture japonaise et de sa légendaire politesse). Dans ces cas-là, évidemment, puisqu’il ne s’agit que d’un jeu de conventions sociales (peut-être utile pour favoriser certaines relations) il n’y a pas forcément de sincérité dans l’exercice de la position basse, auquel s’escriment les partenaires du jeu.
Fondamentalement, chacun devrait se sentir libre de choisir la position la plus adéquate en fonction des situations. Pour cela, il faut déjà savoir ce qu’on dit là, et développer une attention suffisante aux jeux relationnels pour être soi-même conscient des positions que l’on prend (parfois inconsciemment et à son insu, si on n’y prend garde).
6 critères d’une position relationnelle saine
Principe d’abondance
Ce dont chacun peut avoir besoin venant de l’autre dans la relation n’est pas limité en quantité. Qu’il s’agisse de liberté et de respect, d’intérêt commun, d’écoute bienveillante, d’empathie et de compassion. Ce sont des valeurs qui ne coûtent rien, et qui s’expriment naturellement, sans risque de pénurie, lorsqu’on est en phase et que la relation est bonne. Dans ce cas, la coopération est grandement facilitée.
Egalité de droits
Quand les personnes partagent suffisamment de ce dont elles ont besoin et envie, il est important aussi que chacun reconnaisse à l’autre le mêmes droits que ceux qu’il s’accorde (et réciproquement) et partage la co-responsabilité de la qualité d cela relation.
Pas de manipulation
Si rien ne manque et si le courant passe bien, il n’y a pas besoin de chercher à prendre du pouvoir sur l’autre. Chercher à le manipuler pour obtenir qu’il change est le fondement même du manque de respect (menaces insidieuses, toutes formes de bouderies, attitudes menaçantes, sont malheureusement des recours fréquents, qui semblent plus habituels que des relations de coopération respectueuses)
Transparence
Si on se refuse à manipuler (séduire, prendre des positions d’enfant pour attirer l’attention ou obtenir des faveurs, essayer de faire peur, etc…), la seule solution, qui demande un peu de courage (voir notre article : « Vulnérabilité et force intérieure« ) consiste à ce que chacun soit attentif à d’exprimer ce qu’il souhaite, en toute transparence (et avec décence, évidemment…). Certains ont appris que c’est mieux quand l’autre devine ce qu’il faut faire pour les satisfaire, si bien qu’ils se refusent à exprimer leurs « demandes ». Ils sont donc souvent agacés par les autres, qui ne répondent pas à leurs attentes cachées ou non-dites…Parfois, c’est aussi parce que la personne ne sait pas vraiment dire ce qu’elle désire, qu’elle ne l’exprime pas. Sa maturité émotionnelle ne lui permet pas de se sentir suffisamment claire avec elle-même et en sécurité avec autrui, pour dire simplement ce qu’elle aimerait, dans une relation de coopération par exemple. Exprimer ce dont on croit avoir besoin est une excellente façon de se rendre compte avec l’autre que nos besoins sont imaginaires la plupart du temps, et que rien ne manque à l’être que nous sommes, pour peu que nous cessions de nous prendre pour une réduction de nous-mêmes… Dans une relation paritaire (voir cet article : « Relation de coaching et parité »), il est donc recommandé d’exprimer ses désirs et ses souhaits, au risque qu’ils ne soit-net pas entendus ou pas pris en compte. Cela se négocie, tranquillement, comme le reste.
Chacun est responsable de lui-même
Une cinquième mesure d’hygiène pour qu’une relation de coopération soit saine est qu’il n’y ait pas de tentative de prise en charge (ou de sauvetage) de l’un par l’autre. Si on se respecte et qu’on respecte l’autre, on n’a en fait pas grand chose à lui demander, ni non plus grand chose à faire pour lui. chacun doit se sustenter par lui-même, au lieu de vouloir capter l’attention et obtenir des autres qu’ils nous viennent en aide. De la même naitre dans l’autre sens, il n’y a pas à tenter d’ingérer pour se rendre important ou indispensable à l’autre. IL n’y a rien à lui vendre et rien à lui acheter, mais tout à partager. Donc dans un climat d’abondance etc e transparence, il n’y a pas à prendre en charge qui que ce soit. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à quelqu’un que de le laisser se débrouiller par lui-même et être responsable de ses actes. Ceci ne s’applique évidemment pas d’une manière brutale (notamment pas avec les gens dont on est responsable, comme les enfants qu’il faut bien éduquer). Et cela n’empêche pas d’accompagner, de se tenir compagnie mutuellement… Le coaching (ou la supervision) est justement une forme d’accompagnement paritaire, avec une distance juste, (voir cet article : « Coaching et distance juste« ) où chacun se prend en charge et se tient responsable de lui-même. Ainsi, la réussite d’une séance dépend d’abord du client, l’atteinte de ses objectifs ne regarde que lui : le coach n’a pas à se mêler de cela.
Engagement positif
La neutralité n’existe pas, ce n’est qu’un concept. Dans l’univers, toutes les particules sont chargées, positivement ou négativement. Dans la perspective systémique du coaching, on considère que rien ne peut « ne pas interagir avec le tout ». Donc rien n’est neutre ou isolé d’une manière absolue. Autant donc assumer sa charge et peser de tout son poids sur le cours des évènements ! Le coaching ne prône pas le retrait et le désengagement, au nom de la position méta. Au contraire, le coaching est un engagement militant, une manière d’être aux côtés des autres, d’une manière active et fondamentalement positive.
- En aucun cas, le coach ne peut donc être neutre (nous avons déjà développé dans un précédent article qu’ « Un miroir neutre n’existe pas« ). Même si le coach reste réservé (pour laisser au client tout l’espace de la séance pour élaborer librement, avec le moins d’ingérence possible) et en retrait (pour mieux voir le processus et ne pas être trop pris par les contenus, mais pas du tout pour éviter d’interférer avec le système client)
- Sans familiarité et sans promiscuité, c’est-à-dire sans mélange inapproprié et sans confusion de genre, un coach porte un regard amical sur ses clients, en qui il voit la part d’humanité, depuis la sienne, sans porter de jugement.
Il y a une sorte de réciprocité, quand le courant passe. Quand l’effet coaching se met puissamment en place, le miroir permet de voir des deux côtés :
- L’énergie qui afflue vers le client, recharge aussi le coach,
- Les idées nouvelles qui stimulent le client (et qui ne viennent pas du coach) inspirent aussi le coach, pour qui s’ouvrent aussi de nouvelles perspectives
- Des connexions personnelles qui se font pour l’un, peuvent se mettre en place en même temps pour l’autre, qui découvre pour lui-même de nouvelles choses sur lui-même et ses propres situations personnelles
- Une osmose se produit, établissant une mise à niveau énergétique entre le client et le coach
On est également frappé d’observer que la relation de coaching réunit souvent des clients et des coachs, qui semblent se correspondre par leurs valeurs qui se rejoignent, leurs styles qui sont compatibles, et dont les besoins du client ont étonnamment quelque chose à voir avec le parcours du coach. Du coup, cela renforce encore le lien et le rapprochement naturel entre le client et son coach : empathie, complicité, etc… Cette proximité est d’ailleurs un des appuis de la relation de coaching, encore une fois, quand les deux partenaires sont vigilants aux 6 principes ci-dessus.