Faire face au reproche est une nécessité à laquelle on se trouve parfois confronté. L’autre jour, en voiture je devais m’arrêter sur le bas côté, je mets mon clignotant, je freine et je m’arrête sur une place autorisée, sans gêner personne. Mais l’automobiliste qui me suivait, et qui était peut-être pressé, me klaxonne, baisse sa vitre en passant à ma hauteur et me lance des injures… Comment faire face au reproche absurde lancé par cette personne ? Faut-il sortir de sa voiture en colère et prendre des allures menaçantes ? Faut-il lui expliquer poliment qu’on n’a rien fait de mal ? La justification face au reproche est un recours voué à « toujours davantage d’échec »… Elle consiste à entrer dans le jeu du reproche, en rejoignant l’autre dans l’espace problème, sans aucune avancée possible par rapport à la situation, ni pour l’un ni pour l’autre. Au contraire, même, elle relance la dynamique et vous expose à devoir de nouveau faire face au reproche : en cherchant à contrer le reproche, le reproche nourrit le jeu relationnel, tout en lui conférant davantage d’énergie… Pour autant, faut-il s’écraser et ne rien faire ?…
Bien réagir pour faire face au reproche
En se justifiant, on tente d’expliquer à l’autre que son reproche n’est pas fondé (lui faisant implicitement là un reproche en retour !). Mais ce faisant, on se débat dans le « contenu », qui n’est en fait qu’un prétexte pour rejouer un processus sans fin, sans autre bénéfice que de se voler mutuellement de l’énergie. Manipuler ces contenus polémiques sans objet véritable, est en fait une manière inconsciente et involontaire de nourrir le processus de dispute. Un peu comme une pièce de théâtre qui mettrait en scène les mêmes émotions, et les mêmes relations quels que soient les situations et les dialogues, lesquels ne serviraient que de support pour jouer le véritable thème (la scène archaïque de la dispute), qui se déroulerait de façon sous-jacente en toile de fond… Mais ce serait une pièce de théâtre dont visiblement les acteurs n’auraient pas le même livret, tant les histoires qu’ils racontent semblent différentes. Tout est question de point de vue : le mien ? le tien ? Quand nous intervenons en médiation, il est toujours étonnant de voir avec quelle force de conviction chaque protagoniste semble vouloir nous emporter dans l’histoire telle qu’il l’écrit … Si le reproche est un piège, dont le contenu n’est qu’un leurre pour mieux attirer sa proie, la justification en est le pendant du côté de la victime complice. En se justifiant, elle prend la place dans le scénario suggéré, dans lequel elle joue tour à tour et en boucle les rôles de victime et de bourreau. Dans le fond : qui cela intéresse-t-il vraiment ?
Idées pour faire face au reproche
- « Est-ce que c’est bien un reproche que tu es en train de me faire ? Si tu me disais plutôt ce que tu voudrais ?… Je comprendrais peut-être mieux ce que tu souhaiterais, si je n’avais pas d’abord à me défendre d’un reproche. »
- « Comment pourrais-tu me dire la même chose, sans me faire mal et sans t’en t’énerver à ce point …? »
- « Mince, j’ai encore fait une énorme erreur, et tu vas sûrement m’allumer sévèrement… Vas-y, je l’ai bien mérité ! »
- « C’est exact, et quelque chose me dit que tu souhaites me parler d’un problème de fond, encore beaucoup plus important. De quoi s’agit-il ? »
- « Très bien, nous connaissons bien la musique tous les deux, vous allez tenter de m’accuser de tous les maux, je vais me défendre en faisant la même chose avec vous, et pendant ce temps, aucun d’entre nous ne dialoguera réellement et nous ne chercherons pas non plus de solution. Tant et si bien, que nous pourrons recommencer la semaine prochaine de la même manière. D’ailleurs, je me demande si nous ne devrions pas tout de suite prendre rendez-vous… »
Remarques :
Remarque 1 : Parfois, il pourra être utile de revenir à froid sur un reproche qui vous aurait été adressé, et de donner à la personne d’autres clés de lecture, qui lui permettront de comprendre autrement la situation au sujet de laquelle elle avait adressé des reproches. Il faut veiller à choisir un moment où le processus de reproche est « désenclenché » (tout en sachant qu’il peut se réenclencher très vite), sinon le jeu relationnel reprend de plus belle immédiatement, et tout le bénéfice éventuel de l’explication sera perdu. Remarque 2 : Il arrive que certaines relations soient malheureusement trop profondément infectées par la compulsion de « plainte-reproche-justification », pour que des remèdes simples puissent agir. Quand de nombreuses tentatives n’ont finalement réussi qu’à échouer davantage, il peut s’avérer nécessaire d’interrompre, ne serait-ce que provisoirement, de faire appel à une médiation extérieure non interventionniste ou de mieux choisir à l’avenir les partenaires avec qui l’on souhaite partager des relations simples et positives. Dans certains cas, quand une relation finit par coûter plus qu’elle n’apporte, ou quand elle met trop en danger son propre équilibre, il peut arriver de devoir accepter l’échec (car c’en est un), pour passer à autre chose qui sera toujours plus profitable que de poursuivre sans fin dans des complications s’envenimant toujours davantage. Et n’a-t-on pas le droit de faire des choix selon ses priorités dans la vie ? A chacun sa dose de résilience, après tout…
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En savoir plusRéguler les tensions entre 2 personnes
Si vous êtes pris dans une relation où la personne vous adresse de temps en temps une critique ou un reproche, vous pouvez proposer une régulation de la relation avec le protocole suivant. En revanche, si vous devez souvent faire face au reproche, si vous vous sentez harcelée ne vous risquez pas à vous aventurer avec ce protocole, qui ne fera que renforcer la confusion et les tensions, parce qu’il demande que les deux parties soient volontaires et de bonne volonté. Il faut être deux pour faire la paix ! 1- Proposer un cadre structurant et protecteur : Indiquer l’objectif, ses bénéfices, le temps prévu et le timing du protocole proposé, le type de participation attendu, les conditions de réussite de l’exercice. 2- Chacun des 2 protagonistes est invité à mettre par écrit ses réponses aux questions suivantes :
- Quels sont les faits à l’origine du besoin de réguler les tensions entre nous deux
- Ce que j’ai ressenti quand ils se sont produits
- Ce dont j’ai besoin pour me sentir bien dans notre relation de travail
- La demande que je formule envers toi pour améliorer nos relations professionnelles
- Ce que je propose pour améliorer notre relation de travail
- Les engagements que je suis prêt à prendre de mon côtés
3- L’interlocuteur A présente ses réponses, tandis que B ne répond pas. 4- L’interlocuteur B reformule et accuse réception des 6 points 5- L’interlocuteur B présente ses réponses, tandis que A ne répond pas. 6- L’interlocuteur A reformule et accuse réception des 6 points 7- Les deux protagonistes ensemble :
- vérifient que leurs demandes sont recevables et que leurs propositions d’engagement sont adéquates
- réfléchissent aux points à améliorer dans leur communication et leur relation pour réguler les tensions entre eux
- identifient les conditions de réussite de ces engagements réciproques
8- Le manager récapitule le plan d’actions, avec les engagements de chacun, remercie les protagonistes et les félicite pour leur courage et leur bonne volonté. Il indique d’un suivi sera effectué de la bonne mise en oeuvre des actions de progrès sous un mois.
Se plaindre, adresser des reproches : comment en sortir ?
Impossible de faire cesser les plaintes et les reproches au sein d’une équipe, si le manager entre lui-même dans ce genre de « jeux » relationnels perdants… Comment faire pour se débarrasser de ces mauvaises habitudes, soi-même pour commencer ? Commencez par cesser vous-même d’adresser des reproches et des plaintes…
Ne pas adresser de reproches vous-même !
Ne pas adresser des reproches, des plaintes, ou des justifications représente une bonne hygiène tant pour soi-même que pour les relations que l’on entretient avec les autres. Y parvenir demande évidemment un peu de vigilance et de réflexivité :
- être conscient de ses comportements
- et les changer quand cela est nécessaire, pour transformer les attitudes internes qui y correspondent.
A chaque fois que des reproches ou des plaintes émanent de vous… au lieu de l’exprimer, il suffit de : se taire !
Rester silencieux sera déjà un pas en avant décisif.
Ensuite, vous pourrez remplacer les reproches muets (ou les plaintes) par une attitude interne d’accueil sans condition de ce qui est (voir : être présent à l’instant présent). Vous pourrez aussi vous concentrer sur l’écoute profonde de ce qui se joue en vous-même et dans cette relation, dans cette situation glissante, sans y réagir. Vous serez surpris d’éprouver un sentiment plus vaste, plus détendu, plus doux… Cela demande surtout de la persévérance : Comme dans un jeu de dominos, si vous bougez un élément de la construction, c’est tout l’ensemble qui s’en trouve modifié et qui devra se réajuster. Comme on dit parfois : « il n’y a que le premier pas qui coûte ! ». Même si c’est un peu optimiste et réducteur, reconnaissons qu’il y a là un fond de vérité :
- Si vous parvenez à résister une minute à une pulsion, celle-ci se désagrège et perd son emprise sur vous. C’est un phénomène cérébral. Il suffit donc de résister les premiers instants, ensuite c’est beaucoup moins difficile.
- Pour ancrer une nouvelle habitude, il faut seulement 21 jours de discipline. Ensuite un nouveau circuit est programmé dans le corps et dans le subconscient, qui prévaut sur le précédent.
Un truc pour réussir
Quand vous aurez pris l’habitude de juguler la tendance habituelle à déraper dans les jeux relationnels, le plus dur sera fait. Il restera juste à sourire intérieurement et prononcer mentalement un mot magique, tel que : « oui », ou « merci ». Prononcer mentalement ce genre de mots n’est qu’un « truc », pour focaliser l’attention dans la bonne direction et éviter de retomber dans l’ornière creusée par l’habitude. Avec l’entrainement, le truc n’est plus nécessaire. D’ailleurs, l’idéal serait de rester vraiment silencieux, y compris à l’intérieur, faisant taire les bavardages intérieurs (voir : gestion du stress).
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