Introduction
Il arrive parfois qu’entre un client et son coach des transferts énergétiques aient lieu à leur insu. Ces phénomènes inconscients peuvent considérablement influencer la dynamique de l’échange entre eux, créant parfois des blocages ou des résistances inexpliquées. Nous allions voir comment détecter ces jeux relationnels et comment les utiliser au service des résultas attendus par le client. Dans cet article, je vais mettre en parallèle deux séances :
- une séance de coaching avec le client
- puis la séance du coach avec son superviseur
Nous verrons les échos entre les deux séances, ainsi que les déductions que pourra en faire le coach pour préparer sa prochaine séance de coaching avec son client suite à cette supervision.
Première séance : Le coaching face au mutisme
Lorsque Julien entre dans mon bureau, son regard fuyant et sa posture légèrement repliée m’indiquent déjà que cette séance ne sera pas comme les autres. Directeur commercial dans une entreprise de services, il a été « invité » par sa hiérarchie à entreprendre un coaching pour améliorer sa communication avec ses équipes.
« Bonjour Julien, comment vous sentez-vous aujourd’hui ? » j’entame la conversation avec ma bienveillance habituelle.
« Ça va », répond-il laconiquement, s’installant dans le fauteuil comme s’il cherchait à s’y fondre.
J’essaie différentes approches pour l’inviter à s’exprimer : questions ouvertes sur son ressenti, reformulations de ce qu’il a partagé lors de notre première rencontre, tentatives de contextualisation de sa situation professionnelle. À chaque fois, ses réponses restent minimales : « Oui », « Non », « Peut-être », accompagnées de longs silences pesants.
« Julien, j’ai l’impression que quelque chose vous préoccupe aujourd’hui. Pouvez-vous me dire ce qui se passe pour vous en ce moment ? » je tente une approche plus directe.
Il hausse les épaules. « Rien de particulier. »
Je reformule : « Quand vous dites ‘rien de particulier’, j’entends peut-être que les choses sont complexes à exprimer, ou que vous vous demandez si c’est le bon moment pour en parler ? »
Un nouveau silence. Son regard se porte vers la fenêtre.
J’explore d’autres pistes : sa relation avec ses collaborateurs, les défis actuels de son équipe, ses propres objectifs professionnels. Chaque question semble rebondir sur un mur invisible. Julien acquiesce parfois d’un hochement de tête, mais ne développe jamais ses réponses.
Au bout de quarante minutes, je sens ma propre frustration monter. Mes tentatives de relance deviennent plus insistantes, mes questions plus précises, presque fermées. « Est-ce que le problème vient de votre hiérarchie ? De vos collaborateurs ? De la charge de travail ? »
C’est alors que Julien lève les yeux vers moi pour la première fois de la séance.
« Vous savez, vos questions… elles ne font pas mouche. J’ai l’impression que vous cherchez quelque chose de précis, mais ce n’est pas ça. Et plus vous insistez, moins j’ai envie de parler. »
Sa franchise me touche autant qu’elle me déstabilise. Je réalise que ma frustration face à son silence m’a conduit à adopter une posture plus directive, presque inquisitrice.
« Merci de me le dire si directement, Julien. Vous avez raison, j’ai peut-être voulu aller trop vite. Que serait utile pour vous maintenant ? »
« Je ne sais pas », répond-il simplement. « Peut-être juste rester là sans que vous attendiez quelque chose de moi. »
Nous terminons la séance dans un silence plus apaisé, mais je reste avec un sentiment d’échec et d’incompréhension. Comment accompagner quelqu’un qui semble ne pas vouloir être accompagné ? Comment créer un espace de parole avec quelqu’un qui refuse de s’exprimer ?
Le soir même, je réfléchis à cette séance. Au-delà de ma frustration légitime, quelque chose d’autre émerge : une sensation étrange d’être moi-même dans une position inconfortable, comme si j’étais contraint de jouer un rôle qui ne me correspondait pas. Cette impression me poursuit jusqu’à ma prochaine séance de supervision.
La séance de supervision : Quand les échos se révèlent
« Bonjour Pierre, comment allez-vous depuis notre dernière rencontre ? » me demande Marie, ma superviseure, avec son sourire habituel.
« Ça va », je réponds machinalement, puis je réalise immédiatement l’ironie de ma réponse laconique.
Je m’installe dans le fauteuil de son bureau et ressens soudain une réticence inhabituelle à partager. Pourtant, j’ai préparé cette séance, j’ai des questions précises sur ma pratique, notamment concernant cette séance difficile avec Julien.
« Vous aviez mentionné vouloir parler d’une situation particulière avec un de vos clients », relance Marie.
« Oui, enfin… c’est un peu compliqué à expliquer », je réponds, surpris moi-même par ma propre résistance.
Marie m’observe avec bienveillance. « Prenez le temps qu’il vous faut. Qu’est-ce qui rend cette situation compliquée à partager ? »
Je commence à raconter ma séance avec Julien, mais je remarque que mes explications restent factuelles, presque techniques. Je décris les faits sans vraiment exprimer ce que j’ai ressenti. Marie écoute attentivement, puis me pose des questions pour m’aider à approfondir.
« Comment vous êtes-vous senti face à son mutisme ? »
« Frustré, évidemment », je réponds un peu sèchement.
« Et maintenant, en me racontant cette séance, comment vous sentez-vous ? »
C’est alors que je prends conscience de quelque chose d’étonnant : je suis en train de reproduire exactement la même dynamique que Julien. Face aux questions de Marie, je deviens laconique, presque sur la défensive. Une résistance monte en moi, comme si parler de cette séance me mettait en danger.
« C’est troublant », je finis par avouer. « J’ai l’impression de faire comme Julien. Plus vous me posez des questions, moins j’ai envie de répondre. »
Marie sourit. « C’est une observation très précieuse. Que vous inspire cette similitude ? »
Pour la première fois depuis le début de notre échange, je me sens vraiment présent. « Peut-être que Julien ne résiste pas au coaching en tant que tel, mais à quelque chose de plus profond. Peut-être qu’il se sent contraint, obligé d’être là, et que ma frustration ne fait qu’amplifier cette contrainte. »
« Continuez », m’encourage Marie.
« En fait, j’ai peut-être reproduit avec lui ce que sa hiérarchie fait avec lui. Il m’a dit qu’on l’avait ‘invité’ à faire du coaching. Il n’a pas choisi. Et moi, face à son silence, j’ai insisté, j’ai cherché à le faire parler coûte que coûte. Comme s’il devait me donner quelque chose. »
Marie acquiesce. « Et comment pourriez-vous vérifier cette hypothèse ? »
« En explorant avec lui sa demande réelle. Est-ce qu’il veut vraiment être accompagné ? Et si oui, sur quoi ? Peut-être que son silence est sa façon de me dire qu’il ne se reconnaît pas dans l’objectif qu’on lui a fixé. »
Notre échange continue et je réalise combien cette prise de conscience est libératrice. En reproduisant inconsciemment la dynamique vécue par Julien, j’ai pu comprendre de l’intérieur ce qu’il pouvait ressentir.
« Une dernière question », conclut Marie. « Si vous deviez rencontrer Julien maintenant, quelle serait votre première intervention ? »
« Je lui demanderais s’il veut vraiment être là, et ce qui serait utile pour lui. Vraiment utile. Pas ce que attend son patron, pas ce que j’attends moi, mais ce dont lui a besoin. »
Analyse des échos systémiques : Les enseignements de la supervision
Cette expérience illustre parfaitement ce qu’on appelle les échos systémiques en coaching. Lorsqu’un client apporte dans la séance une dynamique relationnelle particulière, celle-ci tend à se reproduire dans la relation coach-client, puis potentiellement dans la relation coach-superviseur.
Dans le cas de Julien, la dynamique était celle de la contrainte. Sommé par sa hiérarchie de suivre un coaching, il s’est retrouvé dans une position de soumission forcée. Cette dynamique s’est naturellement rejouée avec moi : plus j’insistais pour qu’il parle, plus il se fermait, recréant ainsi le schéma de pouvoir qu’il subissait dans son contexte professionnel.
Le génie de la supervision systémique réside dans sa capacité à révéler ces mécanismes inconscients. En reproduisant moi-même la résistance de Julien face aux questions de ma superviseure, j’ai pu expérimenter de l’intérieur ce qu’il vivait. Cette compréhension incarnée est infiniment plus riche qu’une analyse purement intellectuelle.
Les tours de main du superviseur sont multiples et subtils. D’abord, Marie a fait preuve d’une patience remarquable face à ma propre résistance, modélisant ainsi l’attitude que je pourrais adopter avec Julien. Elle n’a pas insisté quand je me montrais réticent, me laissant l’espace nécessaire pour prendre conscience de ma propre dynamique.
Ensuite, elle a utilisé la technique du miroir, me renvoyant mes propres comportements sans jugement. « Comment vous sentez-vous maintenant ? » plutôt que « Vous reproduisez le comportement de votre client ». Cette approche m’a permis de découvrir par moi-même les parallèles entre les deux situations.
Enfin, elle m’a aidé à transformer cette prise de conscience en stratégie d’intervention concrète. Au lieu de rester dans l’analyse, nous avons ensemble construit une nouvelle approche pour ma prochaine séance avec Julien.
Les bénéfices de cette supervision sont multiples. Pour moi, coach, elle m’a permis de sortir d’une impasse relationnelle en comprenant les enjeux systémiques à l’œuvre. Au lieu de subir la résistance de mon client, je peux maintenant l’accueillir comme une information précieuse sur son système.
Pour Julien, les bénéfices sont tout aussi importants. En changeant ma posture, je vais pouvoir créer un espace réellement sécurisant où sa parole pourra émerger naturellement, sans contrainte. En explorant sa demande authentique plutôt que celle de sa hiérarchie, nous pourrons construire ensemble un accompagnement qui lui corresponde vraiment.
Cette expérience me rappelle que le coaching n’est jamais une relation neutre. Nous sommes tous pris dans des systèmes relationnels complexes, et ces systèmes s’invitent naturellement dans nos séances. La supervision systémique nous offre un espace privilégié pour démêler ces échos, les comprendre et les transformer en outils d’accompagnement plus fins et plus efficaces.
Elle nous rappelle également que résistance n’est pas forcément opposition, mais souvent protection. En accueillant la résistance de nos clients comme une information sur leur système plutôt que comme un obstacle à surmonter, nous ouvrons la voie à des accompagnements plus respectueux et plus profonds.
Vous reconnaissez-vous dans cette situation ? Avez-vous déjà vécu des séances où vous aviez le sentiment de tourner en rond avec votre client ?
Contactez-moi dès aujourd’hui pour découvrir comment la supervision systémique peut transformer votre pratique et enrichir votre accompagnement de vos clients.
Si vous ressentez le besoin d’un espace pour déposer, clarifier ou approfondir ce qui se joue dans vos séances de coaching, la supervision systémique est certainement un atout précieux pour vous.
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Que faire quand le client est particulièrement silencieux, voire mutique ?
Quand un coaché se montre mutique ou très laconique, et qu’il exprime même que les questions du coach ne « font pas mouche », c’est une situation délicate qui demande une approche différente et une grande adaptabilité. Ce n’est pas un signe d’échec, mais plutôt une invitation à explorer de nouvelles voies pour établir la connexion et faire émerger la problématique.
Revoir l’approche et le cadre
- Ralentir le rythme : Souvent, dans ces situations, le coach peut avoir tendance à poser plus de questions, à chercher activement la réponse. Or, un coaché silencieux a peut-être besoin de plus de temps, d’espace, et moins de pression. Le coach peut délibérément ralentir le rythme, laisser des silences plus longs, et même exprimer qu’il est d’accord avec ces silences.
- Questionner la « non-connexion » elle-même : Plutôt que d’essayer de « forcer » la parole, le coach peut adresser directement ce qui se passe. Par exemple : « Je remarque que vous avez du mal à vous exprimer aujourd’hui, ou que mes questions ne semblent pas vous aider à avancer. Qu’est-ce qui se passe pour vous en ce moment ? Qu’est-ce qui fait que la connexion ne s’établit pas comme vous le souhaiteriez ? » Cela ouvre la porte à une discussion sur la relation de coaching elle-même, ce qui peut être la problématique sous-jacente.
- Réévaluer la pertinence du coaching : Il est possible que le coaché ne soit pas réellement prêt pour le coaching, ou qu’il ne soit pas au bon endroit. Le coach peut aborder cette possibilité avec bienveillance : « Est-ce le bon moment pour vous de faire ce travail de coaching ? Est-ce que cette approche vous convient réellement ? »
- Clarifier les attentes : Le coaché a peut-être une idée très différente de ce qu’est le coaching. Reprendre ensemble le cadre, les objectifs du coaching, et le rôle de chacun peut aider à lever des malentendus. « Qu’attendiez-vous de cette séance ou de ce processus de coaching ? »
Changer de modalité et d’outils
- Exploiter le non-verbal : Un coaché mutique parle souvent beaucoup avec son corps, son regard, ses silences. Le coach peut observer et reformuler ce qu’il perçoit au niveau non-verbal : « Je remarque que vous plissez les sourcils quand j’aborde ce sujet, comme si cela vous contrariait » ou « Je perçois une certaine tension dans vos épaules. » Cela peut valider l’expérience du coaché sans le forcer à parler.
- Utiliser des outils projectifs : Quand les mots manquent, d’autres supports peuvent être mobilisés. Le coach peut proposer :
- Des cartes métaphoriques (ex: cartes Dixit) : « Choisissez une carte qui représente ce que vous vivez en ce moment. »
- Le dessin : « Si vous deviez dessiner votre situation actuelle, à quoi ressemblerait-elle ? »
- Des objets symboliques : Utiliser des objets du quotidien pour représenter des personnes, des obstacles, des ressources.
- La visualisation guidée : Proposer une courte visualisation pour explorer une situation ou une émotion sans passer directement par la verbalisation.
- Proposer des exercices de réflexion écrits : Certains coachés sont plus à l’aise pour écrire que pour parler. Le coach peut suggérer : « Si vous ne souhaitez pas en parler maintenant, seriez-vous d’accord pour prendre quelques minutes pour écrire ce qui vous préoccupe ? »
- Expérimenter le « walk and talk » : Pour certains, le mouvement aide à libérer la parole. Proposer une séance en marchant peut changer la dynamique et réduire la pression du face-à-face.
Adopter une posture de curiosité et d’humilité
- Accepter le silence : Parfois, le silence est un espace de maturation. Le coach n’a pas toujours besoin de le « remplir ». Apprendre à être à l’aise avec les silences, à les respecter, et à les signifier au coaché (« Je vous laisse le temps de réfléchir, prenez tout votre temps ») peut être très puissant.
- Éviter de juger et d’interpréter : Le coaché a l’impression que les questions ne « font pas mouche » et le dit. C’est une information précieuse. Le coach doit éviter de prendre cela personnellement et rester dans une posture d’apprentissage : « Merci de me le dire. Cela m’aide à comprendre ce qui ne fonctionne pas pour vous. Comment pourrais-je vous accompagner différemment pour que ce soit plus utile ? »
- Être transparent sur ses propres ressentis : Sans mettre la pression sur le coaché, le coach peut exprimer avec bienveillance ce qu’il ressent : « Je perçois une certaine distance, et je me demande comment je peux être le plus utile pour vous en ce moment. » Cela peut inviter le coaché à plus d’honnêteté.
Face à un coaché mutique, la clé est de ne pas s’enfermer dans une seule stratégie. Il s’agit de faire preuve de créativité, d’écoute au-delà des mots, et d’une grande adaptabilité pour trouver la modalité qui permettra à la parole, ou du moins à l’émergence de la problématique, de se frayer un chemin.