Le management situationnel a révolutionné la manière dont les managers abordent leur rôle de leader en introduisant l’idée de flexibilité et d’adaptation. Ce modèle reste un des piliers du management moderne, particulièrement adapté aux environnements complexes et en constante évolution.
Le management situationnel consiste à adapter le bon style, au bon moment, pour la bonne personne.
Qu’est-ce que le « management situationnel » ?
Voici un bref historique du management situationnel, qui a vu le jour dans les années 1970 et qui est devenu l’un des modèles les plus influents dans le domaine du management et du leadership.
1️⃣ Origines du management situationnel :
Le concept du management situationnel a été développé par Paul Hersey et Ken Blanchard dans les années 1970. Les deux chercheurs voulaient trouver un moyen pour les managers de s’adapter aux besoins de leurs collaborateurs en fonction de leurs niveaux de compétence et de motivation, et non simplement en suivant un modèle de leadership rigide.
2️⃣ Premiers développements :
Le modèle a été formulé dans le livre « Management of Organizational Behavior » (publié en 1969 par Hersey et Blanchard). Ce modèle a introduit une approche plus flexible et dynamique du management, basée sur l’idée que la situation influence le style de leadership et non l’inverse.
3️⃣ Les quatre styles de leadership :
Le modèle des deux chercheurs identifie quatre styles de leadership, en fonction de la maturité de l’équipe ou de l’individu :
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Directif (S1) : Le manager donne des instructions claires et précises.
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Persuasif (S2) : Le manager guide et soutient les collaborateurs tout en prenant en compte leurs idées.
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Participatif (S3) : Le manager implique l’équipe dans le processus de décision.
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Délégatif (S4) : Le manager accorde une grande autonomie aux collaborateurs compétents.
4️⃣ Évolution et popularité :
Le modèle a rapidement gagné en popularité dans les années 1980 et 1990, car il répondait à la nécessité de flexibilitédans un monde du travail de plus en plus diversifié. La capacité d’adaptation du manager est devenue un critère essentiel pour le succès d’une équipe. Les entreprises ont commencé à voir dans le management situationnel une méthode efficace pour gérer des équipes hétérogènes, aux compétences variées.
5️⃣ Reconnaissance et applications :
Aujourd’hui, le modèle est enseigné dans de nombreuses écoles de commerce et est largement utilisé dans le développement du leadership et du coaching professionnel. Hersey et Blanchard ont continué à développer leur approche, en introduisant le « situational leadership II » dans les années 1990, un modèle plus approfondi et révisé, axé sur les besoins spécifiques des collaborateurs et des équipes dans un environnement de travail dynamique.
Les avantages du management situationnel
🔹 Adaptabilité accrue
Le manager ajuste son style en fonction de la compétence et de la motivation de chaque collaborateur. Cela permet de mieux répondre aux besoins individuels.
🔹 Gain d’efficacité
En alternant entre direction, accompagnement, délégation ou soutien, on maximise la performance en fonction de la maturité de l’équipe sur chaque tâche.
🔹 Motivation renforcée
Les collaborateurs se sentent compris et soutenus au bon moment, ce qui augmente l’engagement et réduit les frustrations.
🔹 Développement des talents
En dosant encadrement et autonomie, le manager favorise la montée en compétences et l’autonomisation progressive.
🔹 Réduction des conflits
Une communication ajustée limite les malentendus, notamment avec les profils qui évoluent rapidement ou différemment.
🔹 Climat de confiance
Le collaborateur perçoit que son manager s’intéresse à lui de manière personnalisée, ce qui renforce la relation de confiance.
A Retenir
- Le management situationnel aide à développer compétence et autonomie chez les individus.
- Quatre niveaux d’autonomie sont identifiés : débutant enthousiaste, apprenant, capable mais prudent, expert autonome.
- Chaque niveau d’autonomie nécessite un style de management spécifique pour progresser.
- La transition du débutant enthousiaste à l’apprenant nécessite une baisse temporaire de motivation.
- Le soutien constant du manager est crucial pour atteindre le niveau d’expert autonome.
Motivation et compétence
Précisons au préalable quelques définitions pour la suite de cet article sur le management situationnel :
- Par motivation, on décrira les raisons pour lesquelles une personne agit. Cela suppose donc qu’il y ait effectivement une action, et non seulement le désir de l’entreprendre. Si pour quelque raison que ce soit (manque de confiance en elle, timidité ou peur de l’échec par exemple), la personne n’agit pas, on parlera ici d’une motivation faible
- Par compétence, on désignera la capacité d’une personne à poser des actes efficaces face à une situation donnée. Elle ne résulte donc pas seulement des connaissances et des savoirs-faires de cette personne, mais également de facteur comme sa familiarité avec le terrain ou l’environnement et de tout autre facteur pouvant influencer l’efficience de ses décisions et actions.
Ces précautions sémantiques étant prises, revenons-en au modèle du management situationnel.
Diagnostiquer le niveau d’autonomie
Pour mémoire, ce modèle propose de diagnostiquer le niveau d’autonomie d’une personne dans une situation donnée en s’appuyant sur l’observation de deux paramètres : le niveau de motivation de la personne en question face à sa situation (haut ou bas) et son niveau de compétence (haut ou bas également). On obtient ainsi quatre niveaux d’autonomie possibles, à savoir dans l’ordre : le débutant enthousiaste (motivation forte, compétence faible), l’apprenant (motivation faible, compétence faible), le capable mais prudent (motivation faible, compétence forte) et l’expert autonome (motivation forte et compétence forte).
A chacun de ces niveaux d’autonomie correspond alors, selon ce modèle, un style de management requis pour permettre à la personne d’une part d’être opérationnelle face à sa situation et d’autre part de croître en autonomie pour accéder au niveau d’autonomie supérieure (ou de s’y maintenir, dans le cas d’un expert autonome). La première transition décrite par le modèle du management situationnel peut dérouter : afin de devenir apte à apprendre, la personne accompagnée devra dans un premier temps … perdre sa motivation. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra quitter son statut de « débutant enthousiaste » pour devenir un « apprenant ».
La troisième phase également peut dérouter le manager dans sa mise en pratique : la personne accompagnée dispose visiblement des compétences requises pour mener sa tâche à bien, mais elle continuera malgré tout de solliciter son manager pour l’exécution de cette tâche. Agacement et impatience menace alors ce dernier, d’autant que de ne pas répondre à cette sollicitation peut effectivement entraîner l’échec de l’accompagné.
Management situationnel et l’exemple de la bicyclette
Mon collègue Michel Ottmann a pour habitude de proposer cette métaphore inspirante :
Pour éclairer ces incompréhensions potentielles, l’exemple d’application le plus parlant me semble être celui de l’apprentissage de la bicyclette à un enfant. Attention, il ne s’agit pas de vous inciter à infantiliser vos collaborateurs, simplement de mettre en exergue des comportements d’apprentissage très communs, et qui en bonne partie n’ont pas forcément beaucoup évolué depuis l’enfance. Comment cela commence-t-il en général ? Par une annonce : « Dimanche, je vais t’apprendre à faire de la bicyclette ».
Et la réponse ? « Oh oui, chic chic, tu vas voir, je vais être super fort ! Et quand je saurai en faire, je pourrai faire ceci et cela ! » Rendez-vous est pris, donc, pour le dimanche, où vous menez votre apprenti dans un lieu sécurisé propre à accueillir ses premiers coups de pédale.
Une fois sur place, vous avez beau vous escrimer à lui expliquer comment il devra procéder, rien à faire, son niveau d’écoute est inversement proportionnel à son niveau d’enthousiasme. Il faut se rendre à l’évidence : non seulement il ne sait pas faire de bicyclette, mais il n’en a pas conscience et sous-estime grandement la difficulté de l’exercice.
De guerre lasse, vous le laissez essayer, muni du peu d’instructions qui ont réussi à filtrer à travers la carapace de son enthousiasme débordant, et en sécurisant suffisamment la situation pour prévenir de trop gros dégâts. Il se lance, donc, et l’inévitable se produit : boum, il chute. Et soudain, par le biais de cette expérience, il engrange deux leçons essentielles : la première est qu’il ne sait pas encore faire de la bicyclette, en fin de compte, et la deuxième est que de chuter fait mal.
Son enthousiasme refroidit et sa motivation tombe au plus bas, le voilà devenu apte à apprendre. S’en suit la période la plus dense en terme de développement de compétence : nourri et de vos directives et de votre soutien, il progresse, jusqu’à acquérir ce qui vous paraît, à juste titre, un niveau de compétence suffisant pour rouler tout seul. Mais que vous dit-il alors ? « Ne me lâche surtout pas, sinon je tombe ! » Votre apprenant a pris de la graine, le voici devenu capable … mais prudent.
Excessivement prudent, peut-être, de votre point de vue. Excessivement prudent, car vous le voyez bien qu’il sait s’y prendre à présent. Excessivement prudent, car vous vous lassez de passer votre temps à courir à ses côtés, la main sur le porte-bagage, alors que vous auriez bien d’autres usages de votre temps et de votre énergie. Mais voilà, comme il vous l’a dit, si vous retirez votre main et qu’il s’en aperçoit, il chute. Cette phase demande patience et compréhension.
Ce n’est à l’évidence plus de vos directives dont il a besoin, simplement de votre présence, de votre soutien. Et enfin, au terme de cette phase éprouvante pour vos nerfs, le voilà qui accède au statut d’expert autonome : il sait faire de la bicyclette, en a conscience et en est fier. Et que vous dit-il pour vous remercier de tous vos efforts et de vos trésors de patience ? « Oh, lâche-moi, je n’ai pas besoin de toi, pour qui me prends-tu ? » …A ce signal, vous saurez que vous avez accompli votre mission avec succès.
Applications concrètes du management situationnel (avec exemples)
Situation | Style adapté | Exemple concret |
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🆕 Nouveau collaborateur peu expérimenté | Directif | Sophie vient de rejoindre l’équipe marketing et ne connaît pas encore les outils internes. Son manager lui explique étape par étape comment préparer un rapport et vérifie régulièrement l’avancement. |
🟠 Collaborateur compétent mais pas sûr de lui | Persuasif / Coaching | Karim maîtrise techniquement la gestion de projet mais doute de ses capacités à piloter une réunion client. Son manager l’encourage, valide ses idées et l’accompagne dans la préparation des supports. |
🟢 Collaborateur compétent et motivé | Participatif / Soutien | Lucie connaît parfaitement le processus de recrutement et adore son travail. Son manager échange avec elle pour ajuster les priorités mais lui laisse le champ libre pour mener ses entretiens comme elle l’entend. |
✅ Collaborateur très expérimenté et autonome | Délégatif | Marc, ingénieur senior, gère un portefeuille de clients depuis 5 ans. Son manager lui fixe uniquement les objectifs stratégiques et lui laisse une autonomie totale sur la méthode. Ils font un point mensuel pour échanger. |
🗝️ Clé de réussite
👉 Analyser régulièrement où en est chaque collaborateur sur chaque tâche : compétence + motivation
👉 Adapter son style en continu (il peut évoluer avec le temps ou selon les projets)
Le management situationnel est un outil puissant, mais il a aussi ses limites. Voici un aperçu des principales contraintes et limites à prendre en compte :
1️⃣ Besoin de temps et de réflexion
Le manager doit être capable d’évaluer rapidement le niveau de compétence et de motivation de chaque collaborateur pour ajuster son style de manière efficace. Cela peut devenir complexe et chronophage, surtout dans des équipes nombreuses ou diversifiées.
2️⃣ Risque de manque de cohérence
Lorsque les managers ajustent leur style de manière trop fréquente, cela peut créer un sentiment de manque de constance. Les équipes peuvent être déstabilisées par des attentes différentes et un management qui semble incohérent. La transparence dans la gestion des styles est essentielle.
3️⃣ Dépendance à l’évaluation subjective
L’évaluation de la compétence et de la motivation d’un collaborateur peut être subjective. Ce jugement dépend de la perception du manager, qui peut être influencée par des biais ou un manque d’informations précises. Cela peut entraîner des erreurs dans le choix du style de management.
4️⃣ Conflit entre autonomie et contrôle
Certaines situations peuvent créer un conflit entre le besoin de contrôle et le désir de donner de l’autonomie. Par exemple, lorsqu’un manager veut accorder trop de liberté à un collaborateur qui n’est pas prêt ou capable de prendre une telle responsabilité, cela peut nuire à la performance ou au moral.
5️⃣ Non-compatibilité avec certaines cultures organisationnelles
Dans certaines entreprises très hiérarchisées ou rigides, il peut être difficile d’intégrer la flexibilité du management situationnel. Les structures formelles peuvent ne pas encourager les ajustements fréquents du management ou considérer cela comme une perte de temps.
6️⃣ Risque d’inefficacité dans des environnements stressants
Dans des contextes de crise ou de forte pression, le besoin d’agir rapidement peut réduire la capacité du manager à évaluer avec précision chaque situation, rendant le management situationnel moins efficace. Les décisions peuvent être prises plus rapidement mais avec moins de réflexion.
7️⃣ Formation et compétences nécessaires
Le manager doit être formé et avoir une bonne connaissance de ses collaborateurs pour appliquer le management situationnel de manière efficace. Sans cette compétence, il peut être difficile d’identifier les besoins spécifiques de chaque membre de l’équipe et d’adapter son comportement en conséquence.
En résumé
Le management situationnel est un outil flexible et puissant, mais il nécessite du temps, de la vigilance et une adaptation constante. Sa mise en œuvre réussie dépend de l’intuition, des compétences et de la capacité d’observation du manager, ainsi que de la culture organisationnelle dans laquelle il évolue.
FAQ sur le Management Situationnel
Réponses aux questions clés sur l’apprentissage, la motivation et l’accompagnement vers l’autonomie
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Qu’est-ce que le management situationnel selon Ken Blanchard ?
Le modèle de management situationnel de Ken Blanchard propose d’adapter le style de management en fonction du niveau de motivation et de compétence de l’individu. Ce modèle permet d’accompagner une personne pour qu’elle devienne progressive ment autonome en ajustant l’encadrement selon ses besoins actuels et les défis auxquels elle est confrontée.
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Comment sont définis la motivation et la compétence dans cet article ?
Dans cet article, la motivation se réfère aux raisons qui poussent une personne à agir réellement, alors que la compétence désigne la capacité à réaliser efficacement une tâche, incluant non seulement les connaissances mais aussi la compréhension du contexte et de l’environnement.
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Quels paramètres sont utilisés pour diagnostiquer le niveau d’autonomie d’une personne ?
Le modèle s’appuie sur deux paramètres principaux : le niveau de motivation (forte ou faible) et le niveau de compétence (forte ou faible). Ce diagnostic permet de définir quatre niveaux d’autonomie, allant du débutant enthousiaste à l’expert autonome.
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Que signifie la transition du 'débutant enthousiaste' à l''apprenant' ?
Cette transition peut paraître paradoxale : pour passer du statut de « débutant enthousiaste » à celui d’« apprenant », il est nécessaire que la personne prenne conscience de ses limites en voyant sa motivation retomber après un échec initial. C’est ainsi qu’elle devient réceptive à l’apprentissage et aux conseils du manager.
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En quoi l’exemple de l’apprentissage de la bicyclette illustre-t-il le management situationnel ?
L’exemple de la bicyclette est emblématique du processus d’apprentissage. Il démontre comment un individu part d’un enthousiasme démesuré, souvent non corrélé à la réalité de ses compétences. Après une chute, sa motivation s’ajuste et il devient plus ouvert aux conseils et à l’encadrement, illustrant parfaitement la transition des différents niveaux d’autonomie.
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Comment le manager doit-il accompagner un collaborateur en phase de 'capable mais prudent' ?
Dans cette phase, même si le collaborateur possède les compétences nécessaires, il continue de solliciter le manager par manque de confiance. Le rôle du manager est alors d’apporter une présence rassurante et un soutien discret, permettant à l’individu de gagner en autonomie tout en évitant un retrait complet qui pourrait provoquer une rechute dans l’erreur.