La justification face au reproche est un recours voué à « toujours davantage d’échec »… Elle consiste à entrer dans le jeu du reproche, en rejoignant l’autre dans l’espace problème, sans aucune avancée possible par rapport à la situation, ni pour l’un ni pour l’autre. Au contraire, même, elle relance la dynamique de reproche : en cherchant à la contrer, elle la nourrit, tout en lui conférant davantage d’énergie… Comment supporter un reproche, comment subir des reproches sans s’affaisser, comment réagir aux reproches ?
Bien réagir à un reproche
En se justifiant, on tente d’expliquer à l’autre que son reproche n’est pas fondé (lui faisant implicitement là un reproche en retour !). Mais ce faisant, on se débat dans le « contenu », qui n’est en fait qu’un prétexte pour rejouer un processus sans fin, sans autre bénéfice que de se voler mutuellement de l’énergie. Manipuler ces contenus polémiques sans objet véritable, est en fait une manière inconsciente et involontaire de nourrir le processus de dispute. Un peu comme une pièce de théâtre qui mettrait en scène les mêmes émotions, et les mêmes relations quels que soient les situations et les dialogues, lesquels ne serviraient que de support pour jouer le véritable thème (la scène archaïque de la dispute), qui se déroulerait de façon sous-jacente en toile de fond… Mais ce serait une pièce de théâtre dont visiblement les acteurs n’auraient pas le même livret, tant les histoires qu’ils racontent semblent différentes. Tout est question de point de vue : le mien ? le tien ? Quand nous intervenons en médiation, il est toujours étonnant de voir avec quelle force de conviction chaque protagoniste semble vouloir nous emporter dans l’histoire telle qu’il l’écrit … Si le reproche est un piège, dont le contenu n’est qu’un leurre pour mieux attirer sa proie, la justification en est le pendant du côté de la victime complice. En se justifiant, elle prend la place dans le scénario suggéré, dans lequel elle joue tour à tour et en boucle les rôles de victime et de bourreau. Dans le fond : qui cela intéresse-t-il vraiment ?
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En savoir plusMarre des reproches ? Exemples pour faire face à un reproche :
- « Est-ce que c’est bien un reproche que tu es en train de me faire ? Si tu me disais plutôt ce que tu voudrais ?… Je comprendrais peut-être mieux ce que tu souhaiterais, si je n’avais pas d’abord à me défendre d’un reproche. »
- « Comment pourrais-tu me dire la même chose, sans me faire mal et sans t’en t’énerver à ce point …? »
- « Mince, j’ai encore fait une énorme erreur, et tu vas sûrement m’allumer sévèrement… Vas-y, je l’ai bien mérité ! »
- « C’est exact, et quelque chose me dit que tu souhaites me parler d’un problème de fond, encore beaucoup plus important. De quoi s’agit-il ? »
- « Très bien, nous connaissons bien la musique tous les deux, vous allez tenter de m’accuser de tous les maux, je vais me défendre en faisant la même chose avec vous, et pendant ce temps, aucun d’entre nous ne dialoguera réellement et nous ne chercherons pas non plus de solution. Tant et si bien, que nous pourrons recommencer la semaine prochaine de la même manière. D’ailleurs, je me demande si nous ne devrions pas tout de suite prendre rendez-vous… »
Remarques :
Remarque 1 : Parfois, il pourra être utile de revenir à froid sur un reproche qui vous aurait été adressé, et de donner à la personne d’autres clés de lecture, qui lui permettront de comprendre autrement la situation au sujet de laquelle elle avait adressé des reproches. Il faut veiller à choisir un moment où le processus de reproche est « désenclenché » (tout en sachant qu’il peut se réenclencher très vite), sinon le jeu relationnel reprend de plus belle immédiatement, et tout le bénéfice éventuel de l’explication sera perdu. Remarque 2 : Il arrive que certaines relations soient malheureusement trop profondément infectées par la compulsion de « plainte-reproche-justification », pour que des remèdes simples puissent agir. Quand de nombreuses tentatives n’ont finalement réussi qu’à échouer davantage, il peut s’avérer nécessaire d’interrompre, ne serait-ce que provisoirement, de faire appel à une médiation extérieure non interventionniste ou de mieux choisir à l’avenir les partenaires avec qui l’on souhaite partager des relations simples et positives. Dans certains cas, quand une relation finit par coûter plus qu’elle n’apporte, ou quand elle met trop en danger son propre équilibre, il peut arriver de devoir accepter l’échec (car c’en est un), pour passer à autre chose qui sera toujours plus profitable que de poursuivre sans fin dans des complications s’envenimant toujours davantage. Et n’a-t-on pas le droit de faire des choix selon ses priorités dans la vie ? A chacun sa dose de résilience, après tout…