C’est hélas une situation très fréquente, notamment avec des clients dirigeants, ingénieurs ou profils « tête très rationnelle » qui ont appris (par culture, parcours ou protection) à se dissocier de leurs émotions. En particulier si ces clients sont des hommes.
La première chose à avoir en tête dans ce genre de séances, c’est qu’il y aura un transfert énergétique du client au coach, et que ce dernier risque de se trouver momentanément coupé de certaines de ses émotions durant la séance à l’égard du client.
Nous y reviendrons à la toute fin de cet article.
Voici, pour commencer, une boussole claire pour coacher ce type de client :
Pourquoi est-ce délicat de gérer ses émotions au travail?
- Le client n’identifie pas ou minimise ses émotions.
Ex : « Je ne ressens rien de particulier », « Ce n’est pas important », « Je suis factuel ». - Il intellectualise ou théorise à outrance (parle à propos de l’émotion sans jamais la ressentir).
- Il peut y avoir une peur inconsciente d’être submergé ou de perdre la maîtrise si les émotions sont approchées.
Précautions clés pour un coach en intelligence émotionnelle
- Ne pas forcer l’émotion
Respecter son rythme — ne pas chercher à “ouvrir” trop vite ou brutalement. - Ne pas interpréter à sa place
Éviter de dire : « Là vous êtes triste/en colère » — cela peut braquer ou infantiliser. - Ne pas pathologiser
Éviter de le faire sentir “anormal” parce qu’il est coupé de ses émotions.
Stratégies efficaces de coaching émotionnel
Travailler par le corps (plutôt que par la tête)
- Questions douces :
« Quand vous parlez de cela, que remarquez-vous dans votre corps ? »
« Si votre corps pouvait parler, que dirait-il ? »
Le corps est souvent un accès plus sûr et concret aux émotions.
Explorer les métaphores et images
- « Si cette situation était une météo, ce serait quoi ? »
- « Quelle couleur ou forme cela aurait pour vous ? »
Permet d’approcher l’émotion sans la nommer directement.
Nommer la stratégie plutôt que l’émotion
« J’observe que vous analysez très bien cette situation. Est-ce une stratégie qui vous aide à garder la distance ? »
Parler de “stratégie” est moins menaçant que de parler “d’émotion”.Valider la fonction positive de la coupure
« Ça vous a peut-être protégé ou servi jusqu’ici d’être plus rationnel. »
Reconnaître la valeur de ce mécanisme avant d’inviter à explorer autre chose.
Créer un espace sécurisé et lent
Plus la sécurité relationnelle est forte, plus le client pourra s’autoriser doucement à reconnecter ses ressentis.
En résumé, coaching pour la régulation des émotions :
Rythme + sécurité + outils indirects = meilleurs alliés pour accompagner un client coupé de ses émotions.
Exemple de première séance 1h – Client coupé de ses émotions
voici un exemple de déroulé de séance (1h) pour accompagner un client coupé de ses émotions — en respectant son rythme et sa sécurité.
Objectif global : L’aider à prendre conscience de ses ressentis corporels et émotionnels, sans le brusquer.
Ouverture et recentrage (5 min)
Objectif : Installer sécurité + présence ici et maintenant.
- Accueillir : « Comment arrivez-vous aujourd’hui ? »
- Exercice simple (facultatif) : « Fermez les yeux un instant, prenez 2 ou 3 respirations profondes. Quelles sensations remarquez-vous simplement dans votre corps ? »
Clarification de l’enjeu du jour (5-10 min)
Objectif : Identifier un sujet qui mobilise (même s’il est abordé rationnellement).
- « Sur quoi souhaitez-vous avancer aujourd’hui ? »
- Reformulation + validation de l’objectif de séance.
Exploration indirecte (20 min)
Objectif : Contourner la rationalisation par le corps ou la métaphore.
- Métaphore météo
« Si cette situation était une météo intérieure, ce serait quoi ? »
—> Explorer ce que cette image raconte (ex : nuage lourd, vent froid…)
- Ancrage corporel doux
« Quand vous parlez de cette situation, y a-t-il une partie de votre corps qui se manifeste (tension, chaleur…)? »
—> Laisser émerger sans forcer.
- Question stratégique
« Ce mode de fonctionnement (analyser rapidement / maîtriser…), comment vous a-t-il aidé jusqu’ici ? »
—> Reconnaître la fonction positive de la coupure.
Mise en mouvement (10 min)
Objectif : Créer un micro-changement d’observation.
- « Si vous étiez curieux d’observer ce qui se passerait si vous desserriez légèrement cette stratégie, que remarqueriez-vous ? »
—> Laisser émerger une ouverture douce.
Ancrage de prise de conscience (10 min)
Objectif : Nommer et stabiliser l’avancée du jour.
- « Qu’avez-vous pris conscience aujourd’hui ? »
- « Quelle petite chose pourriez-vous expérimenter d’ici la prochaine séance pour observer différemment vos ressentis ? »
Clôture (5 min)
- Feedback : « Comment avez-vous vécu cette séance ? »
- Valider le cheminement (même minime) + sécuriser la suite.
Clé : Accepter que l’objectif de la première séance ne soit pas “reconnecter pleinement” mais juste amorcer une curiosité et un peu plus de conscience corporelle ou émotionnelle.
Exemple de séance 2 – Client coupé de ses émotions (1h)
Le client a du mal à identifier ou nommer ses émotions
Objectif global : Approfondir la connexion aux ressentis et commencer à identifier des émotions sous-jacentes(toujours en douceur).
Ouverture et retour (10 min)
Objectif : Consolider la confiance + faire le lien avec la séance précédente.
- « Qu’est-ce qui s’est passé depuis notre dernière séance ? »
—> Laisser émerger observations, ressentis éventuels. - « Avez-vous pu expérimenter ce que nous avions évoqué ? Si oui, qu’en retenez-vous ? »
Ancrage corporel + observation fine (10 min)
Objectif : Renforcer la conscience corporelle.
- Exercice simple (ancrage debout ou assis)
« Prenez 2-3 respirations lentes… Portez attention à vos appuis (pieds, dos). Quelles sensations sont présentes ? »
- Question :
« Parmi ces sensations, laquelle attire le plus votre attention ? »
—> Explorer ce qu’elle raconte.
Explorer un moment récent marquant (20 min)
Objectif : Relier sensation / émotion / situation.
- « Pouvez-vous me raconter un moment récent qui a eu un impact particulier (positif ou difficile) ? »
—> Inviter à replonger dans la scène, pas seulement la raconter. - Questions puissantes :
« Où sentez-vous cela dans votre corps quand vous y repensez ? »
« Si cette sensation avait un message, que dirait-elle ? »
« Quelle émotion se cache peut-être derrière cette sensation (colère, peur, tristesse, joie…) ? »
Identifier un besoin sous-jacent (10 min)
Objectif : Aller un cran plus loin : émotion → besoin.
- « Derrière cette émotion, quel besoin important pour vous apparaît ? »
(ex : besoin de reconnaissance, de sécurité, de liberté…) - « Qu’est-ce que cela vous apprend sur ce qui est précieux pour vous aujourd’hui ? »
Ancrage de l’apprentissage et plan d’action (5-7 min)
Objectif : Fixer une petite action d’intégration.
- « Comment pourriez-vous prendre soin de ce besoin cette semaine ? »
—> Action simple, réaliste.
Clôture (5 min)
- Feedback : « Comment vous sentez-vous à l’issue de cette séance ? »
- Célébration : valoriser les avancées, même modestes.
- Préparer la suite : « Sur quoi aimeriez-vous poursuivre la prochaine fois ? »
Clé de la séance 2
Progression =
Conscience corporelle → Émotion subtile → Besoin profond → Action concrète (toujours en douceur + sécurité)
Exemple de séance 3 – Client ayant une faible conscience émotionnelle (1h)
Voici la Séance 3 – Exemple de déroulé (1h) : consolidation et autonomisation du client dans l’écoute de ses émotions et besoins.
Objectif global :
Aider le client à intégrer durablement la connexion à ses ressentis et à devenir autonome dans l’identification de ses émotions / besoins / actions.
Ouverture et retour (10 min)
Objectif : Renforcer l’ancrage et la confiance dans ses nouvelles capacités.
- « Qu’avez-vous observé chez vous depuis la dernière séance ? »
- « Avez-vous pu prendre soin de vos besoins comme nous en avions parlé ? »
—> Valoriser même les micro-avancées.
Auto-diagnostic (10 min)
Objectif : Développer la métacognition (capacité à s’auto-observer).
- « Sur une échelle de 1 à 10, où vous situez-vous aujourd’hui sur votre capacité à percevoir vos émotions ? »
- « Qu’est-ce qui vous a permis d’avancer de quelques crans ? »
- « Quelles sont vos stratégies personnelles efficaces pour y parvenir ? »
Explorer une situation future à enjeu (20 min)
Objectif : Projeter les apprentissages sur un contexte réel.
- « Avez-vous un événement à venir où vous aimeriez mieux écouter vos ressentis (réunion, échange difficile…)? »
- Préparation émotionnelle :
« Que pourriez-vous observer en vous (signaux du corps / émotions) dans cette situation ? »
« Quels besoins seront à écouter dans ce moment ? »
- Plan d’action
« De quoi aurez-vous besoin pour rester connecté et respectueux de vous-même ? »
Formalisation des apprentissages (15 min)
Objectif : Ancrer durablement les acquis.
- Créer une boussole émotionnelle personnelle (par écrit, ou schéma simple)
« Quelles sont vos 3 à 5 clés qui vous aident à rester en lien avec vos ressentis ? »
(ex : respirer lentement, écouter mon ventre, prendre 10 sec de recul…)
- Mettre un nom à l’évolution
« Comment nommeriez-vous la transformation que vous avez vécue ces 3 séances ? »
Clôture (5 min)
- Feedback croisé :
« Qu’est-ce qui a été le plus utile pour vous dans cet accompagnement ? »
« Que retenez-vous de ce chemin parcouru ? »
- Célébration et autonomisation :
Valoriser son autonomie acquise et encourager à poursuivre seul.
Clé de la séance 3
Stabiliser → Projeter → Autonomiser
Donner au client les moyens d’être acteur durable de sa propre écoute émotionnelle.
Quel risque de transfert et d’écho systémique entre un coach et un client coupé de ses émotions ?
Le transfert et l’écho systémique sont des phénomènes psychologiques qui peuvent survenir lors d’un accompagnement, et qui sont particulièrement pertinents dans le cas d’un client coupé de ses émotions. Voici un aperçu des risques associés à ces dynamiques dans ce type de coaching :
1. Risque de Transfert (client vers coach)
Le transfert se produit lorsqu’un client projette sur son coach des émotions ou des attentes issues de ses relations passées, souvent liées à des figures importantes (parents, partenaires, etc.). Dans le cas d’un client coupé de ses émotions, plusieurs risques peuvent surgir :
a. Idéalisation du coach
- Le client peut, inconsciemment, percevoir le coach comme une figure d’autorité ou de soutien idéale, qui doit posséder toutes les réponses ou avoir des solutions parfaites à ses dilemmes émotionnels.
- Risque : Le client peut attendre du coach une perfection émotionnelle, et cette dynamique pourrait entraîner une dépendance excessive ou un manque de recul. Si le coach ne répond pas à ces attentes, cela pourrait générer de la frustration ou du désenchantement.
b. Attente de guérison émotionnelle
- Un client coupé de ses émotions peut, en projetant ses besoins sur le coach, espérer que ce dernier répare ou soigne ses blessures émotionnelles, même si ce n’est pas le rôle du coach.
- Risque : Cela peut créer une relation asymétrique, où le coach est vu comme une figure omnipotente. Le client pourrait négliger de développer ses propres outils et compétences émotionnelles, créant ainsi une dépendance émotionnelle à l’accompagnement.
c. Reviviscence de traumatismes ou de blessures émotionnelles
- Si le client est coupé de ses émotions, il peut ne pas être conscient des blessures émotionnelles passées. Dans l’espace du coaching, ces blessures peuvent être réactivées par certains exercices ou discussions sur des émotions.
- Risque : Si le coach n’est pas attentif à ces dynamiques, des réactions émotionnelles inconscientes peuvent émerger, perturbant le processus de coaching et créant un malaise ou un déséquilibre émotionnel chez le client.
2. Risque d’Écho Systémique (coach vers client)
L’écho systémique désigne les résonances émotionnelles et les réactions qui surviennent entre le coach et le client au cours de l’accompagnement, notamment lorsque les émotions du coach peuvent influencer la relation de manière indirecte.
a. Écho de la séparation émotionnelle du client
- Si le client a du mal à se connecter à ses émotions, le coach pourrait, de manière subtile, ressentir lui-même une distance émotionnelle, ce qui pourrait l’amener à adopter une posture plus rationnelle ou cognitive.
- Risque : Le coach pourrait être tenté de rester trop dans la tête, en mettant l’accent sur des stratégies et des solutions sans prendre en compte les besoins émotionnels profonds du client. Ce manque d’écoute émotionnelle pourrait renforcer l’éloignement émotionnel du client.
b. Identification et projection du coach
- Un coach peut, par le biais de son propre vécu émotionnel ou de ses projections inconscientes, identifier ou projeter certaines de ses propres émotions sur le client. Par exemple, s’il a vécu des expériences similaires de déconnexion émotionnelle, il pourrait inconsciemment amener le client à adopter une perspective similaire, ou bien se sentir responsable de « réparer » cette situation.
- Risque : Cela peut conduire à une dynamique de sauveur, où le coach devient trop impliqué émotionnellement et se positionne comme le réparateur, ce qui n’est pas favorable au processus de coaching, qui doit avant tout favoriser l’autonomie du client.
c. Le coach ne parvient pas à mobiliser l’émotion
- Si le coach n’est pas suffisamment en contact avec ses propres émotions ou s’il éprouve de la difficulté à comprendre les mécanismes émotionnels du client, cela peut créer un manque d’authenticité et de connexion émotionnelle dans la relation. Le client pourrait se sentir invisible ou incompris.
- Risque : Cela pourrait entraîner une rupture de la relation de confiance, le client ne se sentant pas validé ou entendu dans ses émotions. Cela pourrait également le pousser à éviter l’expression émotionnelle et à se fermer davantage.
3. Comment minimiser les risques ?
a. Supervision et réflexion continue pour le coach
- Supervision régulière : Le coach doit être vigilant et superviser ses propres réactions émotionnelles face aux clients. Cela inclut une réflexion régulière sur les dynamiques transférentielles et systémiques qui se produisent.
- Éviter la fusion émotionnelle : Le coach doit s’assurer de maintenir une distance professionnelle et ne pas se laisser envahir par les émotions du client ou par ses propres projections.
b. Créer un espace sécurisé pour l’expression émotionnelle
- Le coach doit encourager un espace de sécurité où le client peut progressivement réintégrer ses émotions sans se sentir jugé. Il est essentiel de créer des rituels d’ancrage ou des approches corporelles pour favoriser la prise de conscience des émotions.
c. Travailler la reconnaissance de soi
- Encourager le client à reconnaître et valider ses propres émotions sans avoir besoin de la validation du coach. Le coach peut adopter une posture d’accompagnant plutôt que de « réparateur », et aider le client à mettre des mots sur ses émotions de manière graduée.
d. Sensibilisation aux dynamiques émotionnelles
- Écoute active : Prendre soin de l’écoute fine des émotions exprimées, même de manière indirecte, et poser des questions puissantes pour permettre au client de se reconnecter à son ressenti sans pression.
e. Autonomie émotionnelle
- Travailler sur l’autonomie émotionnelle du client, lui permettant de gérer ses émotions au-delà du cadre du coaching. Cela passe par la mise en place d’outils et de pratiques pour qu’il devienne acteur de sa propre régulation émotionnelle.
Conclusion :
Le risque de transfert et d’écho systémique est particulièrement important lorsque l’on travaille avec un client coupé de ses émotions. Il est essentiel que le coach soit conscient de ces dynamiques et mette en place une posture de distanciation professionnelle, tout en favorisant l’expression authentique des émotions du client. Un suivi régulier et une supervision peuvent aider à éviter les dérives et à garantir un accompagnement respectueux et efficace.
Face à un client hyper sensible, ou un homme ou une femme coupé de ses émotions, une supervision systémique sera un atout précieux. Prenez contact avec moi pour une ou plusieurs séances de supervision spécifique sur ce thème, qui vous fera certainement travailler sur vos propres émotions.