Dans un monde où l’on valorise le mental, la vitesse et la performance, le coaching professionnel devient parfois lui aussi trop cérébral. Mais une supervision efficace ne consiste pas seulement à réfléchir sur ses pratiques. Elle consiste aussi à revenir au cœur de la posture du coach, dans sa présence la plus fine, dans l’alignement entre son esprit, ses émotions, et son corps.
C’est là qu’intervient la supervision systémique incarnée : une démarche qui invite le coach à se superviser depuis lui-même, en écoutant ce que son propre corps révèle, en même temps qu’il écoute son client.

Le corps du coach, outil de supervision sensible et systémique

Lorsque vous êtes en séance, que fait votre corps ? Est-il tendu ? Ancré ? Respirant ? Fluide ou figé ?
Bien souvent, les signaux corporels sont les premiers reflets d’un désalignement, d’un piège relationnel, d’un transfert en cours. Le corps ne ment pas : il capte avant même que la tête comprenne.
En supervision, on apprend à utiliser le corps comme un capteur systémique, à explorer ce qui se passe « chez moi pendant que j’écoute l’autre ». C’est une posture d’auto-observation bienveillante, qui affine la qualité de la présence et révèle des pistes de compréhension précieuses.

Respirer pour écouter autrement

Un outil clé de cette pratique, simple mais redoutablement efficace, est la respiration consciente.
Tandis que vous écoutez votre client, laissez-vous respirer ainsi :
À l’expire, vous descendez, vous vous intériorisez, vous vous ancrez dans vos sensations corporelles.
À l’inspire, vous ouvrez doucement le regard, vous inspirez les paroles de votre client.

Vous êtes à la fois dedans et dehors, présent à vous-même, et ouvert à l’autre. Cette danse subtile du souffle devient un ancrage vivant. Un léger sourire peut vous accompagner, pour éviter de durcir la posture par excès de concentration.

Installez-vous dans cette écoute respirée quelques instants. Que remarquez-vous ? Sensations, images, tensions, élans ?
Ce qui émerge alors dans votre conscience n’a pas besoin d’être exploité immédiatement. Il suffit d’en prendre note, silencieusement. Ce matériau brut est souvent plus précieux que mille analyses mentales.

Pas de contact corporel, mais une présence pleinement incarnée

Il est essentiel de préciser que dans cette approche corporelle du coachingil n’est jamais question de contact physique entre coach et client.
Le coaching reste ici une pratique verbale, éthique et professionnelle, qui intègre les résonances corporelles internes du coach et du client, mais sans jamais franchir la limite du toucher.

Nous insistons là-dessus pour des raisons de clarté de l’intention, de lisibilité de la démarche, et d’intégrité de la posture. Le coaching n’a pas besoin de manipulations corporelles pour être puissant. Il s’agit ici d’une écoute subtile, incarnée, enracinée, qui ne cherche rien, mais qui laisse venir.
Nous préférons ne pas mélanger les genres : il existe déjà assez de confusion entre les métiers de la relation pour ne pas en rajouter en mêlant thérapies corporelles et coaching professionnel.

Quand votre client ne sent rien : ne cherchez pas à forcer

Il arrive que des clients ne ressentent pas grand-chose. Ils ne sont pas branchés sur leur corps. Ou qu’ils décrivent leur état avec des mots génériques : calme, bien-être, tranquillité. Et c’est déjà très bien.
Dans ce type de coaching, on n’encourage pas le client à chercher des sensations à tout prix. L’injonction de ressentir serait encore une pression mentale.
Au contraire, on invite à s’installer dans cette qualité de présence, même diffuse, même sans forme. Ce n’est pas l’intensité de l’expérience qui compte, mais sa disponibilité intérieure.

Dans ces moments-là, l’écoute du coach devient le véritable levier de transformation. L’écoute, et rien d’autre. Pas de grandes questions. Pas de tentatives d’interprétation. Juste une présence amicale, enracinée, stable.

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Le corps comme raccourci vers l’essentiel

Dans certains cas, le retour au corps permet de gagner un temps précieux.
Quand le client est confus, mentalisé, figé ou émotionnellement débordé, revenir au corps coupe court aux scénarios. Le corps ne théorise pasne triche pasne se projette pas : il dit simplement ce qui est.

Par exemple, on peut inviter le client à explorer ce qui se passe dans son ventre, dans sa gorge, dans son dos, en silence, en suivant doucement la respiration.
Ce travail de supervision somatique est particulièrement utile quand :

La sensation corporelle devient alors le point d’accès à la ressource bloquée ou à la clarté manquante.

Deux moments-clés pour l’exploration corporelle

Dans un cadre de supervision incarnée, l’écoute du corps peut être mobilisée à deux étapes stratégiques :

  1. Pour sonder la résonance d’un problème : en identifiant les zones de tension ou de rétraction associées à une difficulté (relation tendue, peur d’une échéance, conflit). Respirer doucement dans la zone concernée peut suffire à faire bouger le système.
  2. Pour ancrer une solution : une fois une piste trouvée, on peut inviter le client à se projeter dans l’action… et observer ce que dit son corps à ce moment-là. Cela permet de repérer les freins résiduels, mais aussi de mobiliser son énergie et de préparer la réussite au niveau cellulaire.

Un miroir vivant, pas une analyse

Ce que vous ressentez pendant que vous écoutez votre client est un miroir vivant, pas une grille d’interprétation. Vous n’avez pas besoin d’y coller un sens, ni de l’exploiter immédiatement.
Mais si vous êtes bien entraîné à cette écoute respirée, enracinée, et qu’un écho surgit avec force… vous pouvez le refléter. Par exemple, en disant :

« En vous écoutant, quelque chose se serre en moi, là, dans le plexus. Est-ce que ça vous parle ? »

C’est du coaching à l’état pur. Pas spectaculaire, mais profond. Et souvent, le client se sent reconnu dans un lieu qu’il n’avait pas encore osé explorer.

Voici un exemple détaillé et réaliste de séance de coaching, centré sur l’accompagnement d’un blocage émotionnel par l’écoute du corps et la respiration consciente. L’objectif ici est de montrer comment un coach, dans une posture incarnée, peut aider un client à faire circuler son énergie pour retrouver clarté, calme et puissance d’action, sans chercher de solution mentale immédiate.

Exemple d’une séance de coaching qui travaille avec le corps

Contexte du coaching :

Client : Isabelle, 44 ans, cadre dans une entreprise de conseil
Problématique exprimée : « Je me sens épuisée, comme bloquée intérieurement, sans énergie. Je n’arrive plus à avancer sur mes projets alors que je sais ce que je devrais faire. »
Objectif : Retrouver de l’élan et une sensation d’ouverture intérieure
Type de séance : Coaching individuel – en présentiel

Déroulement de la séance : la respiration pour libérer l’énergie

Coach : Avant de parler davantage de ce qui vous bloque, est-ce que vous seriez d’accord pour commencer par écouter un peu ce qui se passe dans votre corps, maintenant ?
Isabelle : Oui, volontiers. J’ai l’impression d’être complètement « dans ma tête », ça ne me fait pas de mal de descendre un peu…

Coach : Je vous invite à fermer les yeux si vous êtes à l’aise avec ça, et simplement à sentir vos pieds posés au sol… Vos jambes, votre bassin… votre dos… Sans chercher à changer quoi que ce soit, juste en observant. Prenez un moment pour respirer profondément, à votre rythme. À chaque expire, laissez-vous descendre un peu plus dans vos sensations.
(Silence de 30 secondes, respiration lente en miroir du client)

Coach : Qu’est-ce que vous ressentez, là, maintenant ?
Isabelle : Il y a… une tension dans la poitrine. Comme un étau. Et une sorte de boule dans la gorge.

Coach : Très bien. Est-ce que vous pouvez juste rester avec cette tension, sans la fuir, en lui laissant un peu d’espace avec le souffle ? Respirez doucement dans la poitrine… comme si vous l’écoutiez de l’intérieur.
Isabelle : (Silence – respiration plus lente) C’est désagréable… mais ça vibre, c’est comme si ça voulait sortir.

Coach : Laissez faire. Il n’y a rien à comprendre, juste à accompagner. Chaque expire est une manière de laisser partir ce qui n’a plus besoin de rester coincé là.
(Silence prolongé – le coach reste ancré, calme, présent, attentif à sa propre respiration)

Isabelle : Je sens que ça bouge… ça remonte. Il y a des larmes qui viennent.
Coach : Laissez-les venir si elles doivent venir. C’est juste une forme d’énergie qui circule à nouveau.

Isabelle : (quelques larmes) Je crois que je retiens beaucoup. Je veux toujours montrer que je gère, que je suis forte… mais en fait je suis fatiguée.
Coach : C’est précieux de pouvoir le sentir et le dire ici. Est-ce que cette fatigue, vous pouvez l’écouter aussi ? Comme si elle avait un message à vous transmettre ?

Isabelle : Elle me dit « arrête de lutter ». Elle me dit que je peux poser les armes un moment.
Coach : Et maintenant que vous avez entendu cela, que ressentez-vous dans votre corps ?
Isabelle : C’est plus ouvert. La tension dans la poitrine s’est relâchée. Je sens même un peu de chaleur, là, dans le ventre.

Coach : Prenez un moment pour savourer cette sensation. Respirez dans cet espace, ce relâchement, cette chaleur.
(Silence, intégration)

Isabelle : C’est fou comme ça change tout, sans même que je réfléchisse… Je me sens… pleine, vivante. Et légère.

Coach : Vous venez de faire l’expérience de quelque chose d’essentiel : quand on laisse le corps parler, il nous guide naturellement vers la libération. Sans forcer, sans mentaliser.
Ce que vous ressentez maintenant, c’est votre énergie vitale qui recommence à circuler.

Clôture de la séance :

Coach : Qu’est-ce que vous avez envie d’emmener avec vous de cette séance ?
Isabelle : Cette respiration… ce calme. Et l’autorisation de ne pas être toujours forte. C’est là que ma vraie force se cache, je crois.

Coach : Exactement. Et ce corps que vous avez écouté aujourd’hui peut devenir un allié, un repère pour revenir à vous, chaque fois que ça tangue. Vous savez désormais comment retrouver votre centre, à partir de votre souffle et de vos sensations.

Enseignements-clés de la séance :

Une présence incarnée pour un rayonnement décuplé

La supervision que je pratique ne sert pas seulement à « corriger » des pratiques ou à ajuster des techniques. Elle peut devenir un véritable amplificateur de puissance intérieure. Lorsqu’un coach découvre, en supervision, la profondeur de la présence à son propre corps, il fait l’expérience directe de l’impact que cela génère dans la relation.

Même à distance, via écran interposé, le rayonnement d’une présence ancrée, habitée, calme mais dense, se fait sentir. Cela crée un espace sécurisant, contenant, transformant. Votre client s’y sent vu, entendu, reconnu — parfois au-delà des mots.

Ce que la supervision permet, c’est de vivre cette posture incarnée dans un cadre protégé, de l’explorer, de l’intégrer, puis de la transposer dans sa propre pratique. Un coach qui vibre intérieurement, sans effort ni volonté, devient un catalyseur silencieux, et cette puissance tranquille peut profondément transformer le processus de coaching — sans avoir à en faire plus, simplement en étant pleinement là.

Une supervision qui commence dans votre souffle

Avant de commencer votre prochaine séance, testez ceci :

  1. Asseyez-vous calmement, pieds à plat, dos droit.
  2. Laissez votre souffle s’installer naturellement.
  3. À l’expire, sentez-vous descendre dans votre bassin.
  4. À l’inspire, ouvrez doucement le haut du corps, comme si vous respiriez votre client à venir.
  5. Gardez le regard ouvert, le visage détendu.
  6. Et surtout : ne cherchez rien. Soyez là.

Puis, entrez en séance depuis ce lieu silencieux et vivant.

Votre client le sentira. Même s’il ne le nomme pas, quelque chose en lui s’ouvrira aussi. Car c’est votre présence profonde qui autorise la sienne.

Vers une supervision incarnée, humble et puissante

La supervision systémique n’est pas un espace pour faire mieux. C’est un espace pour se tenir plus juste. Elle devient véritablement transformative quand elle intègre l’intelligence du corpsla finesse du souffle, et la stabilité de la présence.
Dans cette voie, vous êtes à la fois le miroir et l’instrument, le témoin et le terrain. Vous ne faites rien d’autre que d’être là, profondément, paisiblement, puissamment.

Et c’est cela, peut-être, le cœur du coaching véritable.

Je pratique le yoga, la méditation, le shiatsu et le qi gong depuis plus de vingt ans, pour le plaisir, l’hygiène de vie et l’ancrage intérieur qu’ils m’apportent. Cette longue fréquentation du corps sensible nourrit ma posture de superviseur et me permet d’accompagner les coachs avec une écoute fine, incarnée, et des propositions concrètes issues du coaching par l’énergie, adaptées à chacun.

Paul Devaux

Coach professionnel

Depuis 25 ans, Paul pratique le Coaching professionnel en entreprise, dans une approche systémique. Accrédité à la Société Française de Coaching en 2008, il est également formateur et superviseur de Coachs depuis 2010. Egalement fondateur d'une école de coaching (voir NRGY-trainig.fr).

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