Et si l’inutile était finalement très utile ? Plus que cela même : indispensable ! Cet article vous propose un renversement de point de vue, dont notre époque a probablement grand besoin.

Cher manager,

Notre société, obsédée par la performance et la rentabilité, a souvent relégué la quête de sens au second plan. Le travail est devenu un moyen, un instrument pour la production et la consommation, mais sa finalité profonde est de plus en plus questionnée. Les jeunes générations, en particulier, ressentent une profonde dissonance entre les exigences du marché et leur besoin inné de donner un sens à leur existence. Le burn-out et le bore-out ne sont plus des cas isolés, mais les symptômes d’une crise existentielle collective, née de la perception d’un travail dénué de véritable impact ou de connexion à quelque chose de plus grand.

Pourtant, comme le rappelaient des penseurs tels que Karlfried Graf Dürckheim, toute action, y compris le travail, possède une double finalité : le résultat concret bien sûr, mais aussi, et surtout, l’opportunité d’accéder à une dimension transcendante, à la découverte du « numineux » en soi. Ignorer cette dimension, c’est priver les collaborateurs d’une source essentielle de motivation, d’épanouissement et de résilience.

Dans ce contexte, les enjeux pour vous, managers, sont considérables. Il ne s’agit plus seulement de gérer des tâches et des performances, mais de réenchanter le travail pour vos équipes, de leur offrir un espace où leur contribution a du sens, au-delà de la simple fiche de poste ou du chiffre d’affaires. Dans un précédent article, nous affirmions que le développement personnel des managers, n’était plus un luxe pour mais un impératif. Allant un cran plus loin, j’ajoute aujourd’hui que c’est en cultivant pour vous-même cette dimension spirituelle (non pas religieuse, mais liée à la quête de sens profond) que vous pourrez libérer le plein potentiel de vos collaborateurs, réduire le mal-être et construire des équipes plus engagées et épanouies.

En tant que manager, confronté(e) à ces défis quotidiens, je vous invite à réfléchir aux questions suivantes :

Sommaire

A Retenir

La Quête de Sens à l’Ère de l’Utilité : Quand le Travail Perd son Âme

Dans un monde où la spiritualité semble reléguée aux marges de nos sociétés de consommation, l’utilité est devenue le mantra dominant. Seul ce qui est quantifiable, profitable, immédiatement « utile » semble avoir droit de cité. Cette logique implacable imprègne toutes les sphères de notre existence, y compris et surtout le travail. Or, c’est précisément dans cette quête effrénée de l’utilité que réside une profonde contradiction, particulièrement ressentie par la jeunesse, qui se retrouve confrontée à l’absurdité d’une existence réduite à la production et à la consommation.

Quelle est l’utilité du travail ?

La question lancinante des jeunes générations est sans équivoque :

Le cycle infernal de la production de masse pour des masses qui, paradoxalement, se sentent de plus en plus aliénées, interroge la finalité même de nos efforts collectifs.

L’individu moderne, et plus encore le jeune travailleur, est pris au piège d’un système où l’on est constamment pressé, vidé de son énergie, pour alimenter une machine dont les bénéfices semblent se concentrer dans les mains d’une infime minorité.

L’idée que 2% de la population détienne 98% des ressources mondiales, bien que souvent citée avec des chiffres variés, souligne une réalité perçue d’une injustice flagrante, nourrissant un sentiment d’impuissance et de révolte.

Le Spectre du Burn-out et du Bore-out : Symptômes d’une Crise de Sens

Ce désenchantement n’est pas sans conséquences. Le burn-out, cet épuisement professionnel intense, est souvent associé à une surcharge de travail et à une pression insoutenable. Mais il trouve une résonance particulière lorsqu’il est couplé à une perception d’inutilité. Pourquoi se consumer pour une cause qui ne nous semble pas juste ou significative ?

Plus insidieux encore est le bore-out, l’ennui profond engendré par un manque de stimulation, de défis, et surtout de sens dans le travail. Que l’on soit submergé ou sous-stimulé, le résultat est le même : un sentiment de vacuité qui ronge l’âme et le corps.

Ces phénomènes ne sont pas de simples « bobos de riches » ou des caprices générationnels. Ils sont les symptômes criants d’une crise existentielle profonde, liée à la perte de la finalité du travail. Le travail, qui fut jadis porteur d’identité, de construction sociale et même de spiritualité (à travers l’artisanat, le labeur agricole lié aux cycles de la nature, ou les corporations), est devenu pour beaucoup une simple transaction : du temps et de l’énergie échangés contre un salaire, sans véritable engagement de l’être.

L’Absurde au Quotidien : Quand la Vie Manque d’Horizon…

Quand un travail, et par extension une vie entière, est dépourvue de sens profond, les conséquences sont dévastatrices. L’angoisse s’installe, née de l’absence de direction et de la répétition mécanique. La dépression guette, alimentée par un sentiment d’impuissance face à un système perçu comme écrasant et absurde.

La philosophie de l’absurde, popularisée par des penseurs comme Camus, trouve une nouvelle et cruelle actualité dans les bureaux et les usines de notre temps. Si la vie se résume à une chaîne de production et de consommation sans autre horizon, alors à quoi bon ?

Cette quête de sens est intrinsèree à l’être humain. Nous ne sommes pas de simples rouages dans une machine économique. Nous avons besoin de croire que nos actions ont un impact, que notre temps est investi dans quelque chose qui nous dépasse, qui contribue au bien commun ou à notre propre épanouissement.

Les religions, en tant qu’instruments de propagande politique, avaient certainement besoin d’un bon dépoussiérage. Mais on a jeté le bébé avec l’eau du bain, en écartant du même coup la spiritualité, en tant que recherche de transcendance, de connexion à quelque chose de plus grand que soi. Nous sommes ainsi devenus matérialistes, et nous sommes dès lors face à un vide immense. Ce vide est aujourd’hui comblé par l’anxiété et le désarroi.

Reconstruire le Sens : Une Urgence Collective

La solution à cette crise n’est pas simple, mais elle est urgente. Elle implique une remise en question profonde de nos valeurs sociétales.

Le mal-être des jeunes face à l’utilité perçue de leur travail n’est pas un problème marginal, c’est le signal d’alarme d’une société qui a perdu son cap. Répondre à cette angoisse existentielle, c’est se donner les moyens de construire un avenir où le travail ne sera plus une source d’aliénation, mais un levier d’épanouissement et de contribution au monde.

L’utilité de l’inutile… et finalement : l’inutilité de « l’utile à tout prix » !

Le philosophe actuel le plus notable qui a écrit sur l’utilité, ou plus précisément sur « L’utilité de l’inutile », est Nuccio Ordine.

Son essai, publié en 2012 (en italien, puis traduit en français), est un manifeste qui défend la valeur des savoirs et des activités considérés comme « inutiles » par une logique purement économique et utilitariste, comme la littérature, l’art, la philosophie et la recherche fondamentale. Il soutient que ces domaines, loin d’être superflus, sont essentiels pour l’enrichissement de l’humanité et la préservation de notre esprit critique.

Il s’inscrit dans une tradition de pensée qui va à l’encontre de l’utilitarisme classique (initié par des penseurs comme Jeremy Bentham), en soulignant la valeur intrinsèque de ce qui ne génère pas de profit immédiat ou de bénéfice matériel.

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Condition de l’homme moderne

Hannah Arendt n’a pas spécifiquement écrit sur « l’utilité de l’utilité » à la manière de Nuccio Ordine, qui défend l’inutile. Cependant, la question de l’utilité, de la finalité et de l’instrumentalisation est centrale dans sa critique de la modernité et de la condition humaine.

Elle aborde ces thèmes principalement dans son œuvre majeure, « Condition de l’homme moderne » (The Human Condition), où elle distingue trois types d’activités humaines fondamentales :

  1. Le Travail (Labor) : C’est l’activité liée à la survie biologique, à la satisfaction des besoins vitaux. Elle est cyclique, répétitive, et ses produits sont consommables. Le travail est orienté vers l’utilité immédiate, mais Arendt souligne qu’il peut devenir aliénant lorsque toute l’existence humaine est réduite à cette dimension, transformant l’homme en « animal laborans ».
  2. L’Œuvre (Work) : L’œuvre est l’activité de fabrication, de production d’objets durables qui forment le « monde artificiel » humain (maisons, outils, œuvres d’art). Ces objets ont une utilité, mais ils sont aussi destinés à durer et à créer un monde commun stable. Arendt souligne cependant que, si l’œuvre est purement utilitaire et instrumentale (l’homme comme homo faber qui voit tout comme un moyen en vue d’une fin), elle peut conduire à un « non-sens » croissant, car chaque fin devient elle-même un moyen pour une autre fin, sans jamais atteindre un terme satisfaisant. Elle critique l’utilitarisme car il est incapable de répondre à la question : « À quoi sert l’utilité ? ». Pour Arendt, une œuvre d’art, par exemple, transcende la pure utilité et acquiert une valeur en soi, contribuant à la durabilité et au sens du monde.
  3. L’Action (Action) : C’est l’activité la plus haute selon Arendt, celle qui est spécifiquement humaine. Elle se déploie dans l’espace public, entre les hommes, et ne vise pas une fin utilitaire. L’action est imprévisible, elle révèle qui nous sommes (et non ce que nous faisons ou produisons), et elle crée de nouveaux commencements. C’est dans l’action, et non dans la production d’objets utiles, que réside la liberté politique et la possibilité de faire exister un monde commun significatif.

En substance, Hannah Arendt critique vivement la tendance de la modernité à réduire toutes les activités humaines à leur seule dimension utilitaire et instrumentale. Pour elle, cette focalisation sur l’utilité conduit à :

Ainsi, sans parler directement de « l’utilité de l’utilité », Hannah Arendt a beaucoup écrit sur les dangers et les limites d’une vision purement utilitaire du monde et de l’existence humaine, défendant la valeur de ce qui n’est pas réductible à un calcul de moyens et de fins, comme l’action politique ou l’œuvre d’art.

Au-delà de sa fonction première de production et de service, le travail recèle des dimensions profondes qui peuvent lui conférer un sens bien plus riche que sa seule utilité immédiate. Réduire le travail à un simple échange de temps contre de l’argent ou à la fabrication d’un produit, c’est passer à côté de son potentiel transformateur et épanouissant pour l’individu.

Trêve de sophismes stériles

L’utile est-il vraiment utile ? A quoi l’utile est-il utile ?

Expliquons-nous :

Ainsi, nous mettons le doigt sur une profonde contradiction dans la logique purement matérialiste et instrumentale qui domine notre époque.

Le Paradoxe de l’Utile : Une Course Sans Fin

Si tout ce que nous faisons est « utile à » autre chose, nous nous retrouvons dans une course sans fin, où chaque étape n’est qu’un tremplin vers la suivante, sans jamais atteindre un point de repos ou de véritable accomplissement. C’est le sens de la vanité : une accumulation de moyens qui ne mènent à aucune fin significative en soi.

Cette logique utilitariste, poussée à son extrême, vide le monde de son sens. Si tout doit servir à quelque chose, alors la question se pose : à quoi sert l’utilité elle-même ? Si la réponse est « à rien », alors la boucle est bouclée, et le soi-disant « utile » se révèle fondamentalement inutile dans sa finalité ultime.

Le Triomphe de l’Inutile : L’Essence de l’Humanité

Et c’est là que notre second degré d’analyse prend tout son sens et réhabilite l’inutile. L’amour, la beauté, le plaisir, l’art, la contemplation, l’amitié, la poésie… Toutes ces choses n’ont pas une utilité mesurable au premier degré. Elles ne « servent » pas à fabriquer un produit, à rendre un service, à générer un profit ou à optimiser un processus. Et pourtant, elles sont indispensables.

Elles sont le cœur de la dignité humaine, ce qui donne à la vie sa saveur, sa profondeur, sa richesse. Sans elles, la vie serait effectivement « nulle et sans intérêt », réduite à une simple survie biologique ou à une machine bien huilée mais dénuée d’âme. Ce sont ces « inutilités » qui nous connectent à notre humanité la plus profonde, qui nourrissent notre esprit, élèvent notre âme et donnent un sens intrinsèque à notre existence, au-delà de toute théorie spirituelle, ou dogme religieux

En définitive : ce qui est réellement essentiel n’est pas toujours ce qui est « utile » au sens courant du terme. Les vraies richesses de l’existence se trouvent souvent dans ce qui échappe à la logique utilitaire, dans ce qui est une fin en soi plutôt qu’un simple moyen.

C’est une perspective qui nous invite à réévaluer nos priorités et à embrasser ce que le philosophe Nuccio Ordine a si brillamment défendu comme « L’utilité de l’inutile ». C’est un appel à retrouver le sens là où on ne le cherche plus, dans les dimensions de l’existence qui ne se mesurent pas, mais se ressentent et se vivent pleinement.

Le Travail comme Voie de Dépassement de Soi

Le travail est un terrain fertile pour le dépassement de soi. Chaque tâche, chaque projet, même routinier, peut être l’occasion d’apprendre, de développer de nouvelles compétences, d’affronter des défis et de les surmonter.

Ce n’est pas seulement la performance qui compte, mais le chemin parcouru pour y arriver. Lorsque nous nous engageons pleinement, nous découvrons des ressources insoupçonnées en nous : une persévérance, une créativité, une capacité d’adaptation.

Ce processus de croissance personnelle, souvent exigeant, nourrit la confiance en soi et le sentiment de compétence. Le travail devient alors un miroir de nos progrès, une arène où nous pouvons continuellement repousser nos limites et grandir.

Le Travail comme Chemin vers la Connaissance de Soi

Étonnamment, le travail peut aussi être un puissant outil de connaissance de soi. En nous confrontant à des situations variées, à des réussites et des échecs, à des interactions humaines complexes, nous apprenons à mieux cerner nos forces, nos faiblesses, nos préférences et nos aversions.

Le travail, par sa nature même, nous pousse à interagir avec le monde et avec les autres, nous offrant un prisme à travers lequel mieux nous comprendre et affiner notre identité. Il peut révéler des passions insoupçonnées ou confirmer des vocations latentes.

Le Travail comme Fin en Soi : La Joie de l’Activité

Peut-on concevoir le travail comme une fin en soi ? Oui, absolument. C’est l’idée de l’artisan qui trouve une joie profonde dans la perfection de son geste, indépendamment de la vente de son œuvre. C’est le chercheur absorbé par la résolution d’une énigme, la danseuse qui trouve la plénitude dans le mouvement, ou le jardinier qui se délecte du contact avec la terre.

Lorsque l’activité elle-même procure un sentiment d’immersion totale, de fluidité, et que le temps semble disparaître, on parle d’expérience autotélique (du grec autos, soi-même, et telos, fin). Dans ces moments, le travail n’est plus un moyen pour une fin extérieure, mais une source de satisfaction intrinsèque. L’acte de travailler devient alors sa propre récompense, une forme de méditation active.

Le Travail comme Plaisir et Épanouissement

Enfin, le travail peut et devrait être une source de plaisir. Ce plaisir ne se limite pas à la satisfaction d’une tâche accomplie, mais réside aussi dans le processus lui-même : la collaboration avec des collègues inspirants, l’excitation de la créativité, la joie de résoudre un problème complexe, le sentiment d’être utile et de contribuer à quelque chose de plus grand que soi.

Lorsque le travail est aligné avec nos passions, nos talents et nos valeurs, il devient une composante essentielle de notre épanouissement personnel. C’est lorsque l’on se sent à sa place, que l’on exerce ses compétences avec excellence et que l’on perçoit l’impact positif de ses efforts, que le travail transcende sa dimension économique pour devenir une véritable source de joie de vivre.

En somme, si la nécessité économique ancre le travail dans le réel, c’est sa capacité à nous permettre de nous dépasser, de nous découvrir, et de trouver du plaisir dans l’activité elle-même qui lui confère un sens profond et durable. C’est en cultivant ces dimensions que nous pouvons transformer la « corvée » en une quête de sens véritable.

Au-Delà de l’Utile : Le Travail comme Voie vers le Sacré

La vision moderne du travail, souvent réduite à sa seule utilité immédiate – le produit fabriqué, le service rendu, le profit généré – masque une dimension essentielle et, pour beaucoup, désespérément manquante.

Pourtant, certains penseurs, comme Karlfried Graf Dürckheim, nous invitent à redécouvrir la double finalité de toute action humaine, et par extension, de notre travail. Si la première finalité est bien le résultat concret, la seconde, et en réalité la plus profonde, est d’accéder, par l’acte même du travail, à un espace de transcendance, au « lumineux », à la découverte d’un « plus grand que soi au cœur de soi-même ».

Dans un monde matérialiste où l’efficacité et la rentabilité sont reines, nous avons progressivement éclipsé cette quête de sens. Nous produisons pour consommer, consommons pour quoi, pour quel mieux-être ?

Cette spirale infernale laisse un vide béant, particulièrement chez les jeunes générations, qui se questionnent sur l’utilité de leur labeur.

Pourquoi s’échiner à produire toujours plus pour des masses qui se sentent paradoxalement de plus en plus asservies, quand les richesses s’accumulent entre les mains d’une minorité ?

Le burn-out et le bore-out, ces maux de notre temps, ne sont pas seulement des problèmes de charge de travail ou de manque de stimulation ; ils sont les symptômes criants d’une crise de sens. Une vie, un travail dépouillé de cette dimension ultime mène inévitablement à l’angoisse, à la dépression, à l’absurde.

Le Travail, un Pont vers le « Numineux »

Inspirons-nous de Dürckheim pour réintégrer cette perspective. Le travail n’est pas qu’un moyen de subsistance ou un simple échange marchand ; il est un puissant vecteur de transformation intérieure.

  1. Le résultat, l’œuvre concrète : Bien sûr, toute action vise un but tangible. L’artisan façonne l’objet, l’ingénieur conçoit la structure, l’enseignant transmet le savoir. Cette première finalité donne un cadre, une direction à nos efforts. Elle génère satisfaction et reconnaissance. Cependant, s’arrêter là, c’est comme regarder le doigt qui montre la lune sans jamais lever les yeux vers l’astre.
  2. L’accès à la transcendance, le « Numineux » : C’est ici que réside la dimension oubliée et essentielle. Pour Dürckheim, l’engagement total dans le travail – qu’il s’agisse de la répétition minutieuse d’un geste, de la résolution d’un problème complexe, ou de la création artistique – peut nous conduire à un état de présence intense.
  3. Dans cet état, le « je » ordinaire s’estompe. L’ego se dissout temporairement, et l’individu fusionne avec l’action elle-même. C’est dans ce « faire » dénué d’arrière-pensée, où l’on est pleinement aligné avec ce que l’on fait, que peut surgir une expérience du « lumineux », du transcendant.
  4. Ce n’est pas une quête mystique au sens religieux strict, mais plutôt la découverte d’une dimension plus vaste de soi, d’une force ou d’une intelligence qui nous dépasse et qui est pourtant intrinsèque à notre être.

Le Travail comme Voie d’Intériorisation

Cette perspective réhabilite le travail comme une voie spirituelle – non pas au sens confessionnel, mais comme un chemin d’approfondissement de l’être.

Réenchanter le Travail, Retrouver le Sens

À l’heure où tant de jeunes sont en quête de sens, l’approche de Dürckheim offre une puissante grille de lecture. Elle nous invite à ne pas rejeter le travail, mais à le réenchanter, à le réinvestir de sa dimension la plus noble.

Il ne s’agit pas de nier les injustices structurelles ou les dérives du capitalisme, mais de cultiver, à un niveau individuel et collectif, une approche du travail qui intègre cette seconde, et ultime, finalité. En cherchant le « lumineux » dans nos gestes quotidiens, en nous engageant avec une conscience accrue, nous pouvons transformer une tâche aride en un chemin d’épanouissement. Retrouver cette dimension spirituelle (au sens large) du travail est peut-être la clé pour sortir de l’absurde, redonner du sens à nos vies et bâtir une société où l’utilité n’est plus la seule boussole, mais un pas vers une transcendance accessible à tous.

En fait, trouver du sens à l’instant présent ne dépend que de nous. C’est une vérité fondamentale, souvent occultée par nos préoccupations tournées vers le passé ou l’avenir. Ce réenchantement de notre rapport à l’instant présent est une clé essentielle pour retrouver la joie et la plénitude, y compris dans notre travail.

Eckhart Tolle, figure majeure de la spiritualité contemporaine, insiste précisément sur cette puissance de l’instant. Pour lui, notre souffrance et notre mal-être proviennent souvent de notre résistance à ce qui est, de notre fuite constante vers des « ailleurs » mentaux. Il l’exprime clairement : « Le temps n’est pas précieux du tout, car il n’est pas réel. Ce qui est précieux, ce n’est pas le temps, mais l’unique point qui se situe hors du temps : l’Instant Présent. C’est le seul point qui est réel. »

Quand nous sommes pleinement présents à ce que nous faisons, l’activité elle-même peut se transformer. Le travail, même le plus routinier, cesse d’être une simple succession de tâches pour devenir une opportunité de pleine conscience, accompagnée d’une sensation d’intensité et de légèreté tout à la fois. Le geste de l’artisan, la concentration du programmeur, l’écoute du soignant – toutes ces actions, lorsqu’elles sont vécues sans le bruit incessant du mental (jugement, anticipation, regret), peuvent devenir des portes vers une dimension plus profonde. C’est là que l’on touche à la finalité « lumineuse » dont parlait Dürckheim : non pas dans le résultat futur, mais dans l’acte vécu avec une conscience éveillée.

Ce n’est pas toujours facile, surtout dans un environnement professionnel souvent stressant. Mais cultiver cette présence permet de transformer la perception de l’effort, de réduire l’anxiété liée à la performance et, paradoxalement, d’augmenter notre efficacité. C’est en étant réellement là, dans l’instant, que nous pouvons trouver le sens au-delà de l’utile, et ainsi réenchanter notre rapport à nous-mêmes, aux autres, et à notre travail.

Quelques citations inspirantes de K.G. Dürkheim

Si la fantaisie vous prenait, cher lecteur, de vouloir connaître un peu mieux K.G Dürkheim (rein à voir avec Emile Durkheim, plus connu en France), voici quelques citations de ce penseur contemporain.


  1. Sur l’irruption du numineux dans l’expérience humaine
    « Tout homme, à un moment donné de sa vie, est saisi par une expérience qui ne relève pas du monde ordinaire, mais d’un ordre numineux, indicible, qui le dépasse. C’est un appel. »
    Source : Le Centre de l’Être
  2. Sur la nature de cette expérience
    « Le numineux n’est pas quelque chose que l’on peut atteindre par la volonté, mais ce qui se donne quand l’homme est prêt, c’est-à-dire ouvert, vide, réceptif. »
    Source : L’aventure de la transformation intérieure
  3. Sur la transformation par le numineux
    « L’expérience du numineux ne transforme pas d’abord notre savoir, mais notre être. Ce n’est pas une information nouvelle, mais une métamorphose. »
    Source : Hara, centre vital de l’homme
  4. Sur l’épreuve initiatique du sacré
    « Lorsque l’homme touche à l’Être essentiel, il est saisi de crainte et de tremblement. C’est une peur sacrée, non pas de quelque chose, mais devant quelque chose d’absolument Autre. »
    Source : Le Chemin de la transformation
  5. Sur le langage du numineux
    « Ce que nous appelons “numineux” parle un langage que le mental ne peut traduire sans le trahir. Il faut apprendre à écouter autrement. »
    Source : Entretien dans la revue Daimon, n°8 (1973)

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FAQ – Retrouver le Sens Profond du Travail à l’Ère de l’Utilité

Réenchanter sa vie professionnelle : du burn-out à l’épanouissement par la quête de sens

  • Pourquoi retrouve-t-on une quête de sens au cœur du débat sur l’utilité au travail ?

    Dans une société focalisée sur la performance, la rentabilité et la productivité, la quête de sens passe souvent au second plan. Pourtant, l’humain, et en particulier les jeunes générations, ressent le besoin profond d’agir pour quelque chose qui le dépasse. L’absence de connexion à une finalité supérieure favorise burn-out et bore-out, révélant une crise existentielle plus large – la nécessité de redécouvrir le sens au travail.

  • Que révèle le burn-out ou le bore-out sur notre rapport au travail ?

    Le burn-out (épuisement dû à la surcharge et au manque de sens) et le bore-out (ennui et sous-stimulation) ne sont pas de simples maux individuels, mais les symptômes d’une perte collective de finalité. Ils expriment le vide ressenti quand le travail devient uniquement un moyen de produire et consommer, plutôt qu’un espace d’épanouissement ou d’engagement personnel et collectif.

  • L’inutile a-t-il une réelle utilité dans un contexte professionnel ?

    Selon le philosophe Nuccio Ordine, l’« utile à tout prix » mène à une vision appauvrie de l’existence. Les arts, la littérature, la philosophie, la contemplation et d’autres activités jugées “inutiles” par la logique économique sont en fait essentielles au développement, à l’esprit critique et à la dignité humaine. Ce sont ces dimensions gratuites du travail qui réenchantent la vie professionnelle et apportent satisfaction durable.

  • Comment Hannah Arendt critique-t-elle la vision utilitariste du travail ?

    Dans « Condition de l’homme moderne », Hannah Arendt analyse le danger de réduire toutes les activités humaines à leur seul objectif d’utilité. Elle distingue entre le Travail (survie), l’Œuvre (création durable) et l’Action (engagement politique et liberté). Pour Arendt, trop se concentrer sur l’utilitaire prive le travail et la société de sens, d’identité et de finalité ultime.

  • En quoi le travail peut-il devenir un chemin d’épanouissement ou de dépassement de soi ?

    Même routinier, le travail offre des opportunités de croissance personnelle. Il permet d’apprendre, surmonter des défis, développer de nouvelles compétences et repousser nos limites. Lorsqu’on s’implique consciemment, chaque expérience professionnelle peut renforcer la confiance en soi, la résilience et révéler des passions, devenant ainsi un puissant levier d’épanouissement.

  • Peut-on considérer le travail comme une fin en soi ?

    Oui. Le travail procure une vie plus profonde lorsqu’il est vécu pour lui-même, au-delà de sa seule utilité. C’est l’expérience de l’artisan, du scientifique ou de l’artiste immergé dans l’activité en elle-même. On parle alors d’activité ‘autotélique’, source de joie, de présence et satisfaction intrinsèque, indépendamment du profit ou du résultat extérieur.

  • Qu’est-ce que la dimension "numineuse" du travail selon Karlfried Graf Dürckheim ?

    Dürckheim explique que toute action humaine porte une double finalité : le résultat concret et l’accès à une dimension de transcendance. Lorsque l’on s’implique pleinement, le travail devient un pont vers l’éveil intérieur, la présence à l’instant et la découverte d’une force ‘plus grande que soi’ au cœur de soi. C’est une forme de spiritualité laïque, accessible à tous via l’engagement authentique dans l’action.

  • Comment réenchanter le travail pour les managers ou en équipe ?

    Réenchanter le travail, c’est cultiver une vision qui dépasse la fiche de poste ou la quête du chiffre d’affaires. Les managers peuvent encourager l’expression du sens, valoriser la contribution, offrir des opportunités de dépassement de soi et éveiller la dimension collective et spirituelle du travail. Cela implique aussi de reconnaitre la valeur de ce qui échappe à la simple utilité et contribue au bien-être, à la créativité et à l’engagement profond.

  • Quelles pratiques ou changements concrets pour retrouver le sens au travail ?

    Quelques pistes clés :

    • Redonner une place au non-utilitaire (arts, contemplation, dialogue, entraide)
    • Favoriser une culture d’entreprise où l’humain prime sur la productivité
    • Encourager la présence à l’instant (pleine conscience, attention à l’ici et maintenant)
    • Permettre des initiatives valorisant la contribution individuelle et collective
    • Créer des espaces de réflexion et d’échange sur la finalité de son activité
  • Comment la présence à l’instant transforme-t-elle notre rapport au travail ?

    S’inspirant d’Eckhart Tolle, l’article explique que la joie et l’énergie du travail naissent dans l’instant présent, non dans la fuite vers le futur (résultat, reconnaissance) ou dans la rumination du passé. Être pleinement présent permet de transformer chaque action, aussi minime soit-elle, en une expérience riche, porteuse de sens, d’intensité et de légèreté.

  • Comment agir si l’on se sent en perte de sens, en situation de bore-out ou de burn-out ?

    Reconnaître ce ressenti est déjà un premier pas. Ensuite, il s’agit de rechercher un accompagnement (coaching, mentorat, groupe de parole…), d’explorer ses valeurs profondes et de réinvestir son activité d’une dimension constructive (qu’elle soit relationnelle, créative ou contemplative). Il existe des solutions pratiques pour retrouver une finalité inspirante à votre parcours professionnel et renouer avec l’épanouissement.

Paul Devaux

Coach professionnel

Depuis 25 ans, Paul pratique le Coaching professionnel en entreprise, dans une approche systémique. Accrédité à la Société Française de Coaching en 2008, il est également formateur et superviseur de Coachs depuis 2010. Egalement fondateur d'une école de coaching (voir NRGY-trainig.fr).

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