Comment aider un client enfermé dans l’espace problème à entrer dans une formulation et une pensée positive de l’objectif au lieu de rester dans le négatif de la situation ? Vous avez tous rencontré (ou cela vous arrivera tôt ou tard) un client, qui peine à sortir de l’espace problème et revient en boucle sur les aspects négatifs de sa situation, parfois submergé par des émotions (plutôt douloureuses en général). Voir à ce sujet : « Comment maîtriser ses émotions » En tant que coach, même si ce que je vais dire est peut-être un peu réducteur, vous êtes sensé accompagner cette personne dans la recherche de solutions à mettre en oeuvre concrètement pour atteindre un objectif qui résout le problème. Et il arrive que le client « résiste » à la toute première étape du processus de coaching, consistant à se proposer à lui-même une formulation positive de la situation, sous la forme d’un objectif qui sera la première pierre du contrat de coaching. Dans ce cas, le client « raconte » ses difficultés et ses insatisfactions en boucle, s’enlise dans le problème, tandis que le coach peine à essayer de l’en faire sortir… Et il se peut même qu’une dynamique circulaire se mette en place : plus le coach essaye, plus le client résiste. Et plus le client s’enferre, plus le coach essaye… Le client, d’abord soulagé de trouver un espace pour accueillir sa plainte, se sent un peu mieux, puis commence à se demander à quoi lui sert ce coaching douloureux qui n’avance pas et ne lui apporte rien, tandis que le coach s’épuise à « ramer » en vain contre le courant de la déferlante négative et douloureuse du client. Cet article vous propose une réflexion sur la manière d’accompagner une pensée positive de la situation du client, en prenant soin d’abord de sortir de la boucle systémique perverse qui s’est peut-être engagée…

Qu’est-ce que l’espace problème ?

C’est un espace mental, qui contient trois sortes d’informations :

Quand le client est « pris » dans l’espace problème, il tourne à l’intérieur d’une cage douloureuse, évoquant alternativement chacun de ces trois aspects. Il est évident que l’art du coaching consiste à l’aider à en sortir dès que possible, parce que les solutions ne sont jamais dans l’espace problème. Comme on l’a dit souvent : si les clés étaient la où le client les cherche, il les aurait trouvées depuis longtemps. S’il ne les trouve pas, c’est qu’elles n’y sont pas ! C’est une évidence. Il faut donc chercher ces fameuses clés ailleurs, en dehors de l’espace problème. Autrement dit ressasser les aspects douloureux, revenir sur les causes, se pencher avec appréhension ou dépit sur les conséquences, ne rapproche pas le client de la solution. Il faut donc amener le client à changer d’orientation, à changer d’énergie, changer de posture, pour regarder ailleurs que là où son attention semble être provisoirement polarisée.

D’abord, ce n’est pas le client qui est négatif

D’un point de vue systémique, ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a de la douleur partagée à essayer positivement de s’en sortir, malgré les difficultés et les maladresses de part et d’autre. Oui, il y a un thème de « négativité » entre le client et le coach (si on veut bien m’accorder ce mot réducteur), mais la négativité n’est pas chez le client, tandis que le coach serait positif de son côté. Et pourtant c’est bien ce que le coach, pris dans cette boucle systémique pourrait penser : le client s’obstine à évoquer les aspects négatifs de sa situation (ce qui en soi est négatif) et le coach s’évertue à tenter de lui en faire évoquer les aspects positifs (ce qui paraît positif). Mais en fait, si le coach acceptait d’accompagner complètement et sans intention, sans stratégie, sans a priori sur le pseudo négatif et le pseudo positif, il offrirait une écoute inconditionnelle, beaucoup plus profonde et puissante, et le client irait beaucoup plus vite à se débourber de l’espace problème. Pourquoi le coach est-il si agrippé au positif (en miroir de ce que le client semble s’agripper au négatif) ? De quoi ce coach a-t-il donc peur ? Que risque-t-il à accepter et accueillir ? Il a peur justement de ce qui est entrain de se produire (preuve que la stratégie d’évitement n’était pas si efficace) : de se laisser déborder et de ne pas pouvoir s’en sortir avec ce coaching…   1- Mais ce coaching est d’abord celui du client : et s’il veut du négatif, il en a bien le droit ! Vous me direz à juste titre, que ce n’est pas votre vocation de l’écouter se lamenter, et que votre travail c’est justement de l’accompagner à en sortir. Eh bien, pour commencer par vous en sortir vous-même, je vous propose déjà d’accepter ce premier postulat : si le client veut rester « négatif » il en a le droit, et vous n’avez pas à tenter de l’en sortir, contre sa volonté. Vous me direz encore, que le client lui-même voudrait en sortir, mais qu’il n’y parvient pas… et vous non plus. Là encore vous avez raison. Alors, justement (et c’est sans doute paradoxal), cessez de vouloir en sortir, puisque cela ne fonctionne pas. Si cette clé n’ouvre pas la serrure, c’est peut-être que ce n’est pas la bonne, ou qu’elle n’ouvre pas cette porte-ci. Il y en a peut-être une autre à ouvrir avant, avec une autre clé (et nous allons vous en proposer une, c’est promis !)… 2- Ensuite, ce n’est pas en prenant des raccourcis qu’on arrive forcément plus vite (la preuve). Acceptez qu’il faille un peu de temps pour que vous trouviez tous les deux le ressort pour vous dégager. N’ayez pas peur. Restez confiant, ça va émerger… En effet, il faut bien que le client expose son cadre de référence, que le symptôme s’installe au sein même de la relation, pour que le coach systémique, obligé de s’en sortir lui-même, repère ce qui se passe, et trouve le ressort pour utiliser le vécu commun entre son client et lui pour faire miroir et en sortir. Nous développerons plus loin une « technique » pour réaliser ce geste-là. Mais la première clé, c’est d’accepter cette situation de bloquage au lieu de la refuser et de se débattre pour s’en sortir. Dans cet accueil de ce qui est (oui, nous sommes coincés et je suis impuissant à en sortir, comme mon client dans son espace problème), il y a la seule issue possible : mais laquelle ?…

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Accompagner le processus de pensée positive

Il est évident que le processus de pivot (voir le bon côté de la situation, voir en quoi la situation est une opportunité) est une démarche séduisante. Mais le client dont on parle, semble incapable de la mettre en oeuvre : Vous lui proposez : « En quoi cette difficulté est-elle une opportunité pour vous ? » Et il vous répond que c’est surtout une galère, et qu’il n’y voit aucune opportunité ! (il va peut-être même se sentir incompris, face à cette question tellement inopportune !) Vous insistez : « Mais que pouvez-vous apprendre de cette situation ? » Réponse : « Que je suis bien dans la  M…, que les autres me sont hostiles, que je ne suis pas à la hauteur, qu’il n’y a pas de solution, etc… » Et cela ne prend pas et vous n’avancez pas. Au contraire, le client trouve peut-être votre question absurde, et s’enfonce davantage dans la négativité. Ou bien peut-être se sent-il incapable de vous donner une bonne réponse positive à la hauteur de vos attentes… Et la relation commence à se tendre entre vous, malgré vous, malgré vous deux… Bref, il va falloir trouver autre chose. Le vrai travail va commencer quand vous aurez enfin épuisé tous vos « trucs de coach », quand vous cesserez d’être dans la technique, et rejoindrez le client dans la relation paritaire et profondément solidaire. Je précise que votre bonne intention n’est pas en cause. C’est juste qu’il vous faut aller un cran plus loin, au service de cette intention même, dans l’engagement auprès du client, en l’accompagnant sans vous laisser déborder. Voyons enfin comment…

Offrir un feeb-back généreux assorti d’un recadrage

1- Vous accueillez : Non seulement l’autre, avec ce qu’il vit mais aussi la situation de coaching telle qu’elle est (n’avance pas), et ce qui émerge en vous de l’intérieur (quoi que ce soit : « il m’agace », ou bien « je le plains », ou encore « je n’y arrive pas, je me sens nul », « j’espère qu’il ne va pas se rendre compte que je suis perdu moi aussi, et impuissant à l’aider… », etc…) 2- Vous écoutez : le discours du client et la manière dont il est partagé (imposé, plaqué, suggéré, feint, pleuré, crié, mis en scène, induit, etc…), ainsi que l’impact sur vous, et les liens avec ce qui se passe par ailleurs dans l’environnement extérieur autour de vous : les bruits dans le couloir, qui vous empêchent de bien vous concentrer, le chauffage ou la climatisation en panne qui fait que vous avez froid ou trop chaud, la chaise où vous vous sentez bien ou au contraire mal assis, etc… Tout interagit avec tout. Et vous captez toute cette constellation d’éléments éparses, dont la perception consciente des liens entre eux vous donne parfois des pistes d’inspiration (Exemple : « je sens que c’est très froid entre nous…et justement le radiateur ne marche pas » Est-ce à cause de la température extérieur que vous ressentez le froid intérieur ou bien est-ce simplement la présence simultanée de deux éléments convergents en synchronicité ?…)

3 – Vous proposez un feed-back généreux sur le contenu de ce qu’a partagé le client avec vous. Et juste après, depuis une position basse. vous proposerez un autre feed-back, mais sur sur le processus de la séance cette fois.

De cette manière, avec une reformulation qui valide le contenu, un feed-back sur le processus qui dépose le cercle vicieux, et une proposition qui introduit un nouveau paramètre, vous ouvrez une fenêtre sur le positif, vous ouvrez à la possibilité d’un insight. Recadrage : Il y a des chances que le client accède à votre invitation, mais ne sache pas bien comment y répondre. Vous devrez l’aider. Il tentera peut-être de revenir à sa boucle, « dénoncée » précédemment. Et là, vous devrez ne pas lâcher la barre, et veiller à bien terminer le geste :  « Ah ? Là il me semble que vous retournez à vos « premiers amours » en me racontant encore ce que vous m’avez déjà dit tout à l’heure… Voulez vous que nous restions bien concentrés sur le formulation positive de… ? », « Puis-je vous suggérer de rester provisoirement focalisé sur cette formulation positive ? J’ai commencé à repéré quelques éléments que je vais vous reformuler tout-l’heure qui vont nous permettre d’avancer… Mais pour le moment, voulez-vous évoquer aussi cet autre aspect dont vous me parliez également… pour compléter la formulation positive de la situation cible que vous aimeriez vivre, en lieu et place de celle-ci qui ne vous convient pas ? » En quoi est-ce un recadrage ? Vous avez rappelé le cadre et recentré le client à la fois par rapport à ses objectifs et à votre proposition de formulation positive de la situation. Vous avez mis en évidence la façon dont le client choisit (involontairement) de se laisser enfermer et suggéré qu’il pouvait faire un autre choix avec votre aide. Cela ouvre une autre perspective. C’est bien cela un recadrage, non ? Vous éclairez la situation depuis un autre angle, qui offre un autre point de vue, qui cadre l’image autrement… De cette formulation positive de la situation cible, vous déduirez avec le client des objectifs pour la suite du coaching : « Donc vous souhaitez trouver des solutions pour que…. et ces solutions devront intégrer telle et telle contrainte pour que… Par quel élément de cette solution globale, souhaitez-vous commencer ? » ou bien : « Voulez-vous que nous décomposions maintenant ensemble cette situation cible, en situations intermédiaires qui déjà seraient plus avantageuses que la situation actuelle, et qui représenteraient autant de petites étapes que vous pourriez chercher à atteindre avec des solutions plus petites et plus faciles à envisager ? »

Intervention puissante et coaching niveau 2

L’enchaînement de ces gestes techniques représente une intervention puissante, qui sort le client de son sillon mental et l’aide à changer de perspective. Toutefois, si cette démarche devait échouer, il serait alors nécessaire de proposer un autre niveau de recadrage :  » je comprends que ce soit difficile pour vous actuellement de vous décoller de ce que vous ressentez pour envisager des solutions. Dans ce cas, nous ne pouvons pas avancer non plus dans cette séance. Voulez-vous que nous évoquions plutôt un autre objectif pour aujourd’hui ? » Mais il y a des chances que la même forme se reproduise dans le travail de ce nouvel objectif, et débouche sur le même résultat. Vous pourriez plutôt tenter : « Voulez-vous que nous revenions sur cette situation une prochaine fois, quand vous aurez un peu décanté les premiers effets de cette séance-ci ? Je vous propose dans ce cas de réfléchir de votre côté à  des pistes de solutions, les plus petites choses (même insignifiantes) que vous pourriez faire, et qui introduiraient même un tout petit changement dans la situation… » (et là il y a des chances pour que le client, vous sentant vous retirer, vous propose tout de suite des petits pas positifs, pour montrer sa bonne volonté ou tout simplement parce que votre retrait le décolle de l’espace problème et votre proposition de petits changements dérisoires lui donne une permission de trouver des petites choses…). Ce recadrage sur un autre niveau logique que le précédent, aura dans ce cas permis ce que le premier n’avait pas suffi à obtenir. Après, il y a bien sûr le recours ultime, consistant à interrompre le coaching, indiquant que vous n’êtes peut-être pas la bonne personne pour accompagner ce client, ou reconnaissant qu’il n’y a en effet peut-être pas de solution possible pour lui actuellement, tel qu’il pose le cadre de son objectif… (et là encore, il restera pour le client une porte de sortie qu’il peut prendre, en refusant d’interrompre, mais cette fois-ci en intégrant vos conditions ! A moins qu’il n’en profite pour se dégager de ce coaching qu’il vit peut-être comme une emprise. Dans ce cas, vous aurez appris et gagné beaucoup en libérant ce client de cette emprise, car d’une certaine manière, c’est une façon de se prendre en charge et d’agir positivement sur son environnement que de décider de se libérer d’une contrainte. Vous ne manquerez pas de le lui faire remarquer, l’invitant à ne pas s’arrêter en si bon chemin et à continuer à faire le ménage dans ce qui l’encombre 🙂 Etre coach jusqu’au bout, c’est parfois accepter de ne plus « faire du coaching »

Paul Devaux

Coach professionnel

Depuis 25 ans, Paul pratique le Coaching professionnel en entreprise, dans une approche systémique. Accrédité à la Société Française de Coaching en 2008, il est également formateur et superviseur de Coachs depuis 2010. Egalement fondateur d'une école de coaching (voir NRGY-trainig.fr).

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