Dans une séance de coaching, il est fréquent que le client se présente sans clarté immédiate. Son mental tourne en boucle, il s’épuise dans des considérations abstraites, ou se perd dans l’émotion. Le coach, de son côté, peut sentir que les mots ne suffisent pas. C’est ici que le corps devient un allié.
La supervision est l’espace idéal pour explorer cette dimension, non pas comme une méthode alternative, mais comme une extension naturelle de la présence du coach, qui lui permet d’ouvrir un accès direct à la réalité vivante du client.
Quand faire appel au corps ?
Recourir au corps peut faire gagner un temps précieux, notamment dans les cas suivants
- Le client est embrouillé, perché dans une pensée complexe ou abstraite, coupé du concret, de l’ici et maintenant.
- Il est agité, dispersé, saute d’un sujet à l’autre sans cohérence ni ancrage.
- Il est inerte, perplexe, dans un flottement, comme « à côté de lui-même ».
- Il est au bord du débordement émotionnel : anxiété, tristesse, colère, culpabilité, honte…
- Il n’a pas de sujet clair, ou commence par « Je ne sais pas trop pourquoi je suis là aujourd’hui… ».
Dans toutes ces situations, la porte d’entrée corporelle offre un raccourci subtil et profond. Le corps est immédiat : il ne se ment pas, ne s’illusionne pas, ne se disperse pas. Il dit ce qui est, avec son propre langage : celui des sensations.
Et lorsque celles-ci sont accueillies, elles dénouent ce qui est noué, elles libèrent ce qui est retenu, elles éclairent ce qui semblait flou.
Le corps libère la lucidité
Une fois le corps écouté, les choses se remettent en mouvement.
Les tensions deviennent des messages.
Les contractures contiennent des images oubliées, des émotions cristallisées, des pensées suspendues.
Et soudain, à travers l’écoute corporelle, surgissent de l’énergie, de la clarté, de l’évidence.
Là où le client « ne savait pas par où commencer », il sait maintenant. Là où il était figé, il sent qu’il peut bouger. Pas parce qu’il a « compris », mais parce qu’il s’est reconnecté à lui-même.
Comment guider une exploration corporelle simple
Le coach peut inviter le client à porter attention à ses sensations, maintenant, dans l’instant.
Pas pour se détendre. Pas pour « travailler sur le corps ». Juste pour écouter affectueusement, comme on prendrait des nouvelles d’un ami.
On peut proposer un parcours corporel guidé, à voix calme, lente, par exemple :
« Portez votre attention sur vos pieds… vos chevilles… vos jambes… votre bassin… votre ventre… votre poitrine… vos épaules… votre visage… Laissez l’attention descendre doucement, comme une lumière douce qui visite ces zones, sans chercher quoi que ce soit. »
Le but n’est pas la relaxation (même si elle vient en prime), mais la visite, le contact, le retour chez soi.
Rester soi-même aligné pour inviter l’autre
Pendant que vous guidez cette exploration, faites-la aussi pour vous-même.
Pas par obligation, mais par cohérence intérieure.
C’est votre propre enracinement dans le corps qui donne du poids à vos paroles. Le client sentira votre présence incarnée, et cela l’autorisera à se déposer à son tour.
Vous pouvez ensuite formuler des invitations ouvertes, sans attente de réponse immédiate :
« Que se passe-t-il dans votre corps quand vous êtes simplement là ? »
« Y a-t-il un endroit qui attire votre attention, sans raison ? »
« Laissez votre attention flotter… sans but… comme si vous écoutiez de l’intérieur. »
Attention à ne pas poser trop de questions. Chaque question ramène à la tête. L’idée est d’ouvrir l’exploration, pas de la commenter.
Extrait de séance : quand le corps donne le signal de bascule
Client : Julien, 38 ans, dirigeant d’une entreprise.
Problème : Il doit prendre une décision importante mais se sent bloqué, confus, paralysé.
Coach : Et si, pour un moment, on laissait cette décision de côté, et qu’on écoutait simplement ce qui se passe dans votre corps maintenant ? Vos pieds, vos jambes, votre ventre…
Julien : (silence) J’ai une boule dans le ventre. Ça serre.
Coach : Très bien. Respirez dans cette zone, sans forcer. Juste laissez la respiration venir la rencontrer.
Julien : (larmes) Ça me ramène à une fois où j’ai décidé seul et j’ai échoué. J’ai peur que ça recommence.
Coach : Et maintenant que vous voyez cela, comment ça se passe à l’intérieur ?
Julien : La tension diminue. Je me sens plus solide. C’est comme si mon ventre disait : « Tu peux y aller. »
Quand le client « ne sent pas grand-chose »
Il arrive fréquemment, surtout en début de parcours, que certains clients ne perçoivent pas grand-chose dans leur corps lorsqu’on les invite à explorer leurs sensations. Ils décrivent alors un état global, avec des mots flous : « calme », « vide », « présence », « bien-être »… Souvent, ils s’excusent presque de ne rien sentir de précis.
Et pourtant, c’est déjà précieux.
Il ne s’agit pas d’amener ces clients à « chercher » plus fort ou à mettre des mots sur ce qui n’a pas encore de forme. Ce serait les ramener trop vite à la tête, dans un effort d’analyse. Mieux vaut au contraire les inviter à rester là, simplement, dans ce contact intérieur diffus, dans cette tranquillité sans contours. Car c’est un état rare, silencieux, un contact brut avec l’être.
À ce stade, ce ne sont pas les réponses qui comptent, mais la qualité de l’interrogation. Une question posée sans attente, sans pression, crée un espace d’écoute. Et c’est cette écoute — patiente, amicale, non dirigée — qui affine peu à peu l’état de présence.
Il n’y a rien à faire, sinon être là, avec douceur, avec attention. Et c’est souvent de là que viennent les plus grandes transformations.
Comment la supervision impacte le système coach-client
Illustrons notre propos par une mise en miroir entre :
- Un extrait de séance de coaching, où un client cherche à mieux incarner une résolution personnelle,
- Et un extrait de supervision du coach concerné, où le superviseur l’aide à comprendre, par l’expérience corporelle, ce qui s’est joué dans la séance et comment ajuster sa posture pour accompagner plus puissamment.
Cette articulation permet de montrer comment la supervision peut affiner la posture corporelle du coach, et par effet miroir, aider le client à mieux incarner ses propres résolutions.
1. Extrait de séance de coaching
Client : Clara, responsable d’équipe en transition de poste
Thème : « Je veux poser davantage mes limites, mais je n’y arrive pas. Je le dis dans ma tête, mais dans la situation réelle, mon corps ne suit pas. »
Objectif : Incarner une posture d’affirmation sereine.
Coach : Quand vous dites que vous n’arrivez pas à poser vos limites, est-ce que vous pouvez vous souvenir d’une situation précise ?
Clara : Oui. En réunion, je voulais dire que je n’étais pas d’accord avec la décision… mais je me suis tue.
Coach : Et si vous reveniez à ce moment-là, maintenant, ici, en imaginant que vous êtes à nouveau dans la salle. Que se passe-t-il dans votre corps ?
Clara : Mon ventre se serre, ma gorge se bloque.
Coach : Respirez tranquillement dans ces zones… Imaginez que vous vous redressez doucement, que vous gardez ce souffle pendant que vous dites ce que vous avez à dire.
Clara : (inspire lentement) Ah oui… Je sens une ouverture, une chaleur dans la poitrine. C’est comme si ma voix pouvait sortir maintenant.
2. Extrait de séance de supervision (du coach de Clara)
Coach : J’ai l’impression d’avoir bien fait mon travail, mais j’ai aussi eu le sentiment que quelque chose restait un peu « en surface ». Comme si Clara n’osait pas vraiment aller jusqu’au bout dans son ressenti.
Superviseur : Et vous, dans votre corps, pendant que vous l’accompagniez à retrouver la scène ? Qu’est-ce que vous avez senti ?
Coach : J’étais tendu dans mes épaules… J’avais l’impression de la tirer vers l’action.
Superviseur : Je vous invite à reprendre ce moment. Fermez les yeux si vous le souhaitez… Revenez à la posture que vous aviez à cet instant.
Coach : (silence) Mon souffle est resté haut. Je voulais qu’elle y arrive. Je n’étais plus ancré.
Superviseur : Alors maintenant, pendant que vous revisitez cette scène, je vous propose de respirer lentement dans votre bassin… comme si vous vous donniez la permission d’être là, sans pousser.
(Silence – respiration)
Coach : Ah… là je sens que je descends. Mon ventre se relâche. Et je peux accueillir le silence sans vouloir qu’elle avance.
Superviseur : Et si vous étiez dans cet état-là pendant la séance, que se passerait-il pour Clara ?
Coach : Je crois qu’elle aurait senti plus d’espace. Elle aurait pris le temps d’habiter vraiment son corps.
Superviseur : C’est souvent ce qui fait la différence. Votre ancrage autorise le sien. Et ce n’est pas un outil de plus. C’est votre corps qui dit à l’autre : « Tu peux t’installer là. Tu as le droit d’être. »
Dans cet exemple, on voit clairement que :
- La résolution du client (Clara) — poser ses limites — a besoin d’un ancrage corporel, pas seulement d’un plan d’action.
- Le coach, bien qu’efficace, n’était pas complètement descendu en lui-même, ce qui a limité la profondeur de l’accompagnement.
- La supervision a permis de faire vivre au coach ce que signifie incarner sa posture, dans le corps, pas dans l’intention.
- Une fois cela vécu, le coach pourra accompagner autrement, avec moins d’effort, et plus de puissance silencieuse.
Une supervision alignée qui passe par votre propre corps
Superviser son coaching, ce n’est pas seulement réfléchir mieux.
C’est aussi s’entraîner à écouter autrement, avec d’autres antennes. Celles du corps, du souffle, de la présence silencieuse.
Cette écoute incarnée ne remplace pas le questionnement, elle le féconde. Elle donne au coach de la densité, de la stabilité, de la finesse.
Et de là, surgit un accompagnement plus juste, plus profond, plus vivant.
Alors la prochaine fois qu’un client se présente sans savoir par où commencer, revenez au corps. Le sien, et le vôtre.
C’est souvent là que tout commence.
La puissance d’une supervision systémique pour renforcer votre propre rayonnement
La supervision systémique n’est pas un espace pour faire mieux. C’est un espace pour se tenir plus juste. Elle devient véritablement transformative quand elle intègre l’intelligence du corps, la finesse du souffle, et la stabilité de la présence.
Dans cette voie, vous êtes à la fois le miroir et l’instrument, le témoin et le terrain. Vous ne faites rien d’autre que d’être là, profondément, paisiblement, puissamment.
Et c’est cela, peut-être, le cœur du coaching véritable.
Je pratique le yoga, la méditation, le shiatsu et le qi gong depuis plus de vingt ans, pour le plaisir, l’hygiène de vie et l’ancrage intérieur qu’ils m’apportent. Cette longue fréquentation du corps sensible nourrit ma posture de superviseur et me permet d’accompagner les coachs avec une écoute fine, incarnée, et des propositions concrètes issues du coaching par l’énergie, adaptées à chacun.
Vous pouvez me contacter directement par téléphone au 06.71.84.97.06 ou visiter la page contact pour prendre rendez-vous ou poser vos questions.
Prenons le temps d’en parler ensemble.