Le client refuse d’être autonome dans sa réflexion et son action, mettant le coach dans une position de « conseiller » inadéquate.
C’est une situation hélas encore assez fréquente (malgré que les gens comprennent à peu près que le coaching n’est pas du conseil), et délicate pour un coach systémique ! L’essence du coaching est de favoriser l’autonomie du client, pas de lui fournir des solutions toutes faites. Face à un client qui attend d’être pris en charge, le coach doit faire preuve de fermeté bienveillante et de pédagogie.
Voici plusieurs pistes qu’un coach systémique peut explorer :
Reposer le cadre du coaching
Dès les premières séances, il est crucial de reclarifier le contrat de coaching. Le coach peut expliquer ce qu’est le coaching et ce qu’il n’est pas. Il peut insister sur le fait que son rôle est de poser des questions, de créer un espace de réflexion et de soutenir le coaché dans la recherche de SES propres solutions. Cela dit, si cette option est simple et vient spontanément à l’esprit, ce n’est pas la solution la plus élégante
Voici tout de même quelques formulations possibles :
- « Mon rôle n’est pas de vous dire quoi faire, mais de vous aider à découvrir ce qui est le mieux pour vous. »
- « Si je vous donnais des solutions, elles ne seraient pas les vôtres et ne seraient peut-être pas adaptées à votre réalité. Mon objectif est de vous outiller pour que vous trouviez vos propres chemins. »
- « Le coaching est un partenariat où je vous accompagne dans votre exploration, mais la réflexion et l’action viennent de vous. »
Explorer la demande de solution
Plutôt que de rejeter directement la demande de solution, le coach peut l’utiliser comme une porte d’entrée.
Quelques questions systémiques :
- « Qu’est-ce qui vous fait penser que je pourrais avoir la solution à votre place ? »
- « Si je vous donnais une solution, qu’est-ce que cela changerait pour vous ? »
- « Qu’est-ce qui vous empêche de trouver cette solution par vous-même en ce moment ? »
- « Dans quelle situation passée avez-vous trouvé une solution par vous-même, et qu’avez-vous fait alors ? »
- « Qui, dans votre système (famille, équipe, organisation), a déjà essayé de vous donner des solutions, et quel a été le résultat ? »
Ces questions peuvent aider le client à prendre conscience de ses propres schémas de dépendance et à comprendre l’intérêt de l’autonomie.
Mettre en lumière les bénéfices de l’autonomie
Le coach peut aider le coaché à voir les avantages à long terme de sa propre réflexion et action, par opposition à la dépendance.
Exemples :
- « Imaginez que vous ayez trouvé cette solution par vous-même. Qu’est-ce que cela vous apporterait en termes de confiance, de satisfaction ? »
- « Quel serait l’impact sur votre sentiment de puissance et de compétence si vous parveniez à surmonter ce défi par vos propres moyens ? »
- « Comment cela influencerait-il la perception que les autres ont de vous si vous deveniez plus autonome dans vos prises de décision ? »
Utiliser des outils et des techniques systémiques
- La posture basse : Le coach peut accentuer sa posture basse pour ne pas alimenter l’attente du conseil. Il montre qu’il n’est pas l’expert de la situation du coaché, mais un facilitateur.
- Les métaphores : Utiliser des métaphores sur l’apprentissage, la croissance, l’exploration peut aider le coaché à comprendre le processus de manière plus imagée.
- L’observation des interactions : Le coach peut observer comment cette tendance à la dépendance se manifeste dans d’autres relations du coaché (avec sa hiérarchie, ses collègues, sa famille) et le lui faire remarquer. « Est-ce que cette dynamique se retrouve ailleurs dans votre vie ? »
- Le travail sur les croyances limitantes : Souvent, cette attente de solutions cache des croyances comme « je ne suis pas capable », « je n’ai pas les ressources », « quelqu’un d’autre sait mieux que moi ». Le coach peut explorer ces croyances.
- Le questionnement circulaire : « Si [une personne X du système] était là, que vous conseillerait-elle ? » ou « Comment [une personne Y du système] décrirait-elle votre capacité à trouver des solutions ? » Cela peut aider le coaché à prendre du recul et à envisager d’autres perspectives.
Gérer la frustration et les limites
Il est possible que le coaché exprime de la frustration. Le coach doit l’accueillir sans céder : « Je comprends que cela puisse être frustrant de ne pas recevoir de réponse directe. C’est justement dans cette frustration que réside souvent le potentiel de trouver des solutions plus profondes et durables. »
Si, malgré tous les efforts, le coaché persiste à refuser toute autonomie et que le coaching ne peut plus avancer dans le cadre défini, le coach doit être prêt à revoir les objectifs du coaching, voire à proposer une orientation vers d’autres formes d’accompagnement (conseil, mentorat, thérapie) si cela semble plus adapté aux besoins réels du coaché. C’est une question d’intégrité professionnelle.
En résumé, le coach systémique navigue entre empathie et clarté, visant toujours à responsabiliser le coaché pour qu’il devienne l’acteur principal de son changement.
grâce à la supervision !
Etude de cas pratique de coaching
Voici le récit d’une séance de supervision illustrant un cas classique de dynamique d’écho systémique entre un coach et son client. Cette mise en situation est fictive, mais inspirée de cas réels rencontrés en supervision (et largement décrits dans la littérature en coaching professionnel – cf. François Delivré, Le métier de coach, ou Vincent Lenhardt, Coaching pour un changement).
Contexte
Coach supervisé : Camille, coach en entreprise depuis 5 ans
Client : Manager intermédiaire dans une grande entreprise industrielle
Thème du coaching : Développer l’autonomie et la posture de leadership
Cadre : 4e séance de coaching sur un total prévu de 8
Problème exposé en supervision : « Mon client ne s’engage pas. Il arrive les mains dans les poches, il attend que je trouve les solutions. J’ai l’impression de faire tout le boulot à sa place. »
Déroulement de la séance de supervision
Superviseur : « Camille, tu dis que ton client ‘attend que tu fasses le boulot’. Qu’est-ce que ça te fait ressentir, toi ? »
Camille : « Une sorte de lassitude, presque un agacement. Je me prépare, je réfléchis, je propose des pistes… Et lui, il subit. J’ai l’impression que s’il progresse, c’est parce que je le pousse. »
Superviseur : « Et si tu arrêtais de pousser ? »
Silence. Camille fronce les sourcils. On sent qu’une pièce vient de bouger dans le puzzle.
Superviseur : « Quel serait le risque pour toi, à cesser de porter le coaching sur tes épaules ? »
Camille : « J’aurais l’impression de ne pas faire mon travail. Ou pire, de l’abandonner. Et puis, il pourrait dire que le coaching ne sert à rien. »
Superviseur : « Donc… tu as internalisé l’idée que ‘un bon coach = un coach qui porte’. Tu reconnais cette croyance ? Elle t’appartient ? »
Camille : « Oui… Je crois que je rejoue des trucs de mon passé. Dans ma famille, il fallait que je prenne en charge les autres. Je croyais avoir dépassé ça… »
Superviseur : « Tu vois le lien systémique ? Ton client attend qu’on fasse pour lui, et toi, tu accours pour combler ce vide. Tu valides son évitement par ta surimplication. Résultat : il ne développe pas son autonomie, et toi, tu t’épuises. »
Camille (soupire) : « C’est exactement ça. »
Travail réflexif et pistes concrètes
Le superviseur invite Camille à explorer les bénéfices secondaires pour elle de rester dans cette posture de « sauveuse » : contrôle de la situation, valorisation personnelle, éviter l’inconfort du vide…
Puis il propose un exercice simple :
« À la prochaine séance, dis-lui en ouverture : « J’ai décidé de moins faire à votre place. Je vais vous laisser un espace pour initier, formuler, prendre en main. Comment souhaitez-vous commencer ? » Et observe. »
Camille note cela, un peu nerveuse mais curieuse.
Superviseur : « Tu peux aussi utiliser des outils comme la grille de responsabilité (Lenhardt) ou le triangle dramatique de Karpman, pour mettre en lumière les rôles en jeu. Et surtout, fais confiance au processus. »
Conclusion
Cette séance permet à Camille de prendre conscience de la co-dépendance implicite qui s’est installée. En supervision, elle fait un pas de côté pour reprendre une posture de neutralité active : ni sauveuse, ni contrôlante, mais facilitatrice de l’autonomisation.
Questionnement de coach pour responsabiliser
Voici un modèle de questionnement que le coach peut utiliser dès les premières séances pour détecter des dynamiques systémiques de déresponsabilisation – c’est-à-dire lorsque le client tend à « attendre du coach » plutôt qu’à s’engager activement.
Ce modèle est structuré en 5 phases, avec des exemples de formulations concrètes et leur fonction systémique.
1. Exploration du rapport au changement
Objectif : Détecter si le client se sent auteur ou spectateur de sa propre évolution.
Exemples de questions :
- Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui en coaching ?
- Que souhaitez-vous vraiment changer ? Pour vous ? Pour les autres ?
- Qui est à l’origine de la demande ?
- Sur une échelle de 1 à 10, à combien estimez-vous votre responsabilité dans ce que vous vivez aujourd’hui ?
Ce que cela révèle :
Si le client parle surtout des autres ou minimise sa responsabilité, cela peut indiquer une posture de spectateur ou de victime.
2. Clarification de la posture attendue du coach
Objectif : Identifier les attentes implicites ou projections sur le coach.
Exemples de questions :
- Qu’attendez-vous concrètement de moi dans ce processus ?
- Si le coaching se passait idéalement pour vous, que ferais-je ? Que dirais-je ?
- Et si je ne vous apportais pas de solution, que se passerait-il pour vous ?
Ce que cela révèle :
Des attentes fortes en matière de solutions ou de pilotage peuvent signaler une posture de dépendance.
3. Évaluation du niveau d’autonomie actuelle
Objectif : Explorer les ressources et initiatives passées du client.
Exemples de questions :
- Quels sont les moyens que vous avez déjà mis en œuvre pour avancer ?
- Quand vous avez réussi à faire bouger les choses, que vous êtes-vous apporté à vous-même ?
- Qu’est-ce qui dépend uniquement de vous aujourd’hui ?
Ce que cela révèle :
Un client qui peine à identifier ses leviers ou ses expériences réussies peut manifester une tendance à l’attente ou à la passivité.
4. Positionnement sur l’engagement personnel
Objectif : Poser les bases d’un contrat de coresponsabilité.
Exemples de questions :
- Qu’êtes-vous prêt à mettre en place entre deux séances ?
- Comment souhaitez-vous utiliser ce temps de coaching ?
- Qu’est-ce qui pourrait faire que ce coaching échoue ? Quel rôle y joueriez-vous ?
Ce que cela révèle :
Permet de mettre en lumière l’engagement réel du client et sa capacité à se saisir du processus.
5. Travail sur les échos systémiques (pour le coach)
Objectif : Observer ce que le coach ressent comme symptôme du système du client.
Questions d’auto-observation pour le coach :
- Qu’est-ce que je ressens face à ce client ?
- Suis-je tenté d’en faire trop ?
- Est-ce que je compense son inaction ?
- Quelle dynamique relationnelle s’installe malgré moi ? Sauveur, moteur, parent ?
Ce que cela révèle :
Le coach devient un miroir actif du système du client, ce qui peut l’amener à réajuster sa posture pour éviter toute collusion.
Formulation de contrat explicite possible
Je suis là pour vous accompagner dans vos réflexions et décisions, mais l’engagement, les actions et les choix vous appartiennent. Est-ce un fonctionnement qui vous convient ?
Exemples similaires dans la littérature de coaching
- Étude ICF 2022 : 47% des coachs déclarent que le principal défi en coaching est de « faire en sorte que le client prenne sa part active du processus ».
- Vincent Lenhardt (2006) : « Le coach ne réussit pas quand il fait à la place de l’autre, mais quand il apprend à ne pas le faire, même si c’est tentant. »
La supervision : une hygiène professionnelle et une pratique de maturation intérieure
La supervision est une hygiène professionnelle, mais aussi une pratique de maturation intérieure. Elle vous aide à rester au clair, au juste, au vivant. Pas pour devenir un « meilleur coach », mais pour rester pleinement vous-même… dans l’acte de coacher.
Au-delà des bénéfices immédiats, la supervision cultive chez le coach une capacité d’auto-observation et de régulation qui enrichit progressivement sa pratique. Elle développe ce que l’on pourrait appeler « l’intelligence de la posture » : cette capacité fine à sentir ce qui se joue dans la relation et à ajuster sa présence en conséquence.
Un coach supervisé développe également une meilleure tolérance à l’incertitude et aux situations complexes. Il apprend à naviguer dans l’ambiguïté sans perdre ses repères, qualité essentielle dans un métier où les enjeux humains sont toujours multiples et nuancés.
Si vous êtes coach et que vous ressentez le besoin d’un espace pour déposer, clarifier ou approfondir, la supervision systémique est peut-être votre prochain pas.
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